Spiritualité

Enjeux

La clef de voûte de l'être
«Devenir courageux c’est apprivoiser la mort, la mort du corps certes, mais aussi celle du moi. (Par moi, j’entends le moi haïssable de Pascal et non celui de Freud!) À l’origine de toutes nos lâchetés dans la vie courante, et de la perte d’autonomie qui en résulte, il y a un attachement démesuré au moi. Si, jour après jour, nous nous laissons passivement remplir par les images et les opinions de la télévision, c’est parce que notre moi trouve dans ces distractions un confort et une indifférence qui le protègent contre les aspérités de la vérité.

Le remède à ce mal, le détachement, est au cœur de toutes les grandes spiritualités et de toutes les philosophies dans la mesure où, comme celle de Socrate, elles enferment des préceptes pour la conduite de la vie. Qu’il soit inspiré par le souci d’une immortalité exigeant la purification, par le simple désir d’aimer sans réserve et de s’accomplir par ce moyen, d’accéder à la perfection, de devenir rayonnant, le souci du détachement est la condition la plus élevée et la plus déterminante de notre autonomie, de notre compétence proprement humaine. Là où cette dimension est absente, les étages inférieurs de l’autonomie risquent fort de s’effondrer. La spiritualité est la clé de voûte de notre être.

Les séquelles d’un passé où la spiritualité a pu être monolithique et tyrannique n’ont pas été entièrement effacées. L’émergence de spiritualités étrangères, orientales surtout, mais aussi musulmanes rend les choix plus difficiles et le scepticisme, voire le cynisme plus tentant. L’enjeu fondamental se précise toutefois d’une façon telle que l’on peut s’attendre à des jours meilleurs pour la spiritualité.

Une mutation radicale s’opère sous nos yeux. L’homme se proclame lui-même créateur d’une nouvelle espèce, (Les synonymes abondent, l’homme machine, l’homme bionique, l’extropien, le cyborg, le transhumain, le posthumain) bien supérieure à cette misérable humanité dont on attribuait la création à Dieu et qui aspirait à une incarnation du divin dans l’humain puis à une ascension de l’humain vers une éternité d’un autre ordre. L’éternité, selon les prophètes de la nouvelle espèce, n’est plus au-dessus de nous, elle est devant nous, elle n’est plus l’infini absolu mais l’infini quantitatif, elle n’est plus extase, hors du temps, mais durée sans fin.

Les conséquences de l’une et l’autre option devenant chaque jour plus claires, il faut désormais choisir son camp : être du côté de Socrate, du Christ, des Upanishads, de l’Évangile, du Livre des morts, de saint François, de Mère Thérèse, du Dalaï Lama, ou du côté de tous ceux qui, depuis les premiers millénaristes au Moyen Âge jusqu’à Ray Kurzweil, Marvin Minsky, Hans Moravec, de l’extropien Max More ou du transhumain Rick Bostrom ont élevé au rang de religion le projet d’un paradis sur terre assuré par la science et la technique.»

JACQUES DUFRESNE, La pédagogie humaniste. Voir ce texte.

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