Sécurité

Essentiel

À défaut trouver la sécurité en Dieu, les hommes ont fait de la sécurité une divinité.

Le besoin de sécurité

Les longues heures passées devant un quelconque écran sont pour bien des gens une distraction grâce à laquelle ils échappent fictivement au sentiment d’insécurité. Il faudrait faire contrepoids à ces divertissements par des documents rappelant que c’est d’abord par la prise qu’il a sur son destin au moyen d’une action responsable et raisonnable que l’être humain échappe au sentiment d’insécurité.

La sécurité selon Simone Weil

«La sécurité est un besoin essentiel de l'âme. La sécurité signifie que l'âme n'est pas sous le poids de la peur ou de la terreur, excepté par l'effet d'un concours de circonstances accidentelles et pour des moments rares et courts. La peur ou la terreur, comme états d'âme durables, sont des poisons presque mortels, que la cause en soit la possibilité du chômage, ou la répression policière, ou la présence d'un conquérant étranger, ou l'attente d'une invasion probable ou tout autre malheur qui semble surpasser les forces humaines.

Les maîtres romains exposaient un fouet dans le vestibule à la vue des esclaves, sachant que ce spectacle mettait les âmes dans l'état de demi-mort indispensable à l'esclavage. D'un autre côté, d'après les Égyptiens le juste doit pouvoir dire après la mort : je n'ai causé de peur à personne.

Même si la peur permanente constitue seulement un état latent, de manière à n'être que rarement ressentie comme une souffrance, elle est toujours une maladie. C'est une demi-paralysie de l'âme.»

Simone Weil, L'Enracinement


« (...) il ne peut y avoir de sécurité pour l'homme sur cette terre, et le sentiment de la sécurité, au-delà d'un certain degré, est une illusion dangereuse qui fausse tout, qui rend les esprits étroits, bornés, superficiels, sottement satisfaits; on l'a assez vu pendant la période dite de prospérité, et on le voit encore dans quelques catégories sociales, de plus en plus rares, qui se croient à l'abri. Mais l'absence totale de sécurité, surtout quand les catastrophes à craindre sont sans commune mesure avec les ressources que pourraient procurer l'intelligence, l'activité, le courage, n'est pas non plus favorable à la santé de l'âme. On a vu une crise économique ôter dans plusieurs grands pays à toute une jeune génération toute espérance de pouvoir jamais entrer dans les cadres de la société, gagner de quoi vivre, nourrir une famille. On a bien des chances de voir dans quelque temps une nouvelle jeunesse dans la même impasse. On a vu, on voit les conditions actuelles de la production faire commencer la vieillesse, et une vieillesse sans soutien, à l'âge de quarante ans pour certaines catégories sociales. La crainte de la guerre, d'une guerre qui ne laisserait plus rien intact, a cessé d'être un sujet de conférences ou de brochures pour se changer en une préoccupation générale, et qui devient de plus en plus quotidienne à mesure que la vie civile se subordonne partout à la préparation militaire. Les moyens modernes de diffusion, presse, radio, cinéma, sont assez puissants aujourd'hui pour secouer les nerfs de tout un peuple. Certes la vie se défend toujours, protégée par l'instinct, par une certaine couche d'inconscience; pourtant la crainte des grandes catastrophes collectives, attendues aussi passivement que des raz de marée ou des tremblements de terre, imprègne de plus en plus le sentiment que chacun peut avoir de son avenir personnel.»

Simone Weil, « Désarroi de notre temps » (1938 ?), dans Écrits historiques et politiques (Paris, Éditions Gallimard, 1960)


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« Aujourd'hui, les hommes ne sentent pas assez la mort autour d'eux; ils s'habituent à vivre avec la sécurité du cloporte tapi sous une écorce d'arbre; c'est pourquoi il est bon qu'un cloporte soit taraudé de temps à autre : cela fait réfléchir les autres cloportes. » (Remy de Gourmont, « 2. Madame Boulton », Épilogues, 1895-1898. Réflexions sur la vie, Paris, Mercure de France (reproduit à partir de la cinquième édition, 1921, p. 14-15).

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