Secret
«Ne confondons pas secret et mystère. C'est une distinction décisive. Le secret est une information qui n'est connue que de quelques uns ou d'un seul à la limite, mais que celui ou ceux qui la détiennent peuvent à tout moment révéler. Le secret est accessible à tous. C'est bien pourquoi il y a un problème du secret. Ce qui fait problème dans le secret, c'est qu'il peut être divulgué, trahi, révélé. Oedipe finit par déchiffrer l'énigme du sphinx. Si vous voulez, percer les secrets c'est la tâchede la raison, en un sens c'est la tâche de la philosophie. Au contraire, le mystère est par définition d'un autre ordre que le problème: il est inaccessible à la raison. Dans les mystères de l'Antiquité,seuls de rares initiés parviennent à la compréhensiondu mystère et le christianisme est beaucoup plus radical encore,le mystère est ce qui est absolument inaccessible à la raison.Thomas d'Aquin, le plus grand théologien de toute la chrétienté médiévale, et la référence encore aujourd'huide toute la théologie chrétienne, insiste sur le fait que la rationalité s'arrête au seuil du mystère. Le mystère est sacré, si vous préférez il est transcendant, il est divin, alors que le secret est profane. Le secret est immanent à la condition humaine, il est humain. Et c'est pourquoi fidèle à sa vocation, la problématisation, la réflexion philosophique interroge le secret, interroge l'humanité du secret. Si c'était un mystère, elle ne l'interrogerait pas. Le mystère n'est pas une catégorie philosophique.»
Source: De l'ambiguïté ontologique du secret à son ambivalence éthique, communication de Lucien Guirlinguer, Président de la société angevine de philosophie, chargé de conférence à la faculté de médecine d'Angers.