Essentiel
Le philosophe Raimon Panikkar, l'un de ceux qui ont le mieux réussi la difficile synthèse de la tradition orientale et de la tradition occidentale, s'est intéressé à la questions des médecines douces à la fois dans la perspective de la tradition hindoue et dans celle de la tradition chrétienne. «Pour la grande majorité des institutions médicales modernes, écrit-il, la guérison consiste à rendre l'individu apte au travail. "Le déclarer apte au travail" est synonyme de le déclarer guéri. Être capable de travailler est le symptôme de l'homme sain, ce qui veut dire, en fait, qu'un homme signifie un travailleur, et un travailleur l'esclave économique d'une entreprise étrangère à l'idéal du salarié. [...]
Ne serait-ce pas qu'ils rêvent d'une vie centrée sur autre chose que le travail, sur la joie par exemple, que nous contemporains cherchent la guérison par des voies détournées. La joie ne fait plus partie de la santé telle que nous la concevons, pas plus que les diverses autres choses, telles la vitalité, la créativité, la bonne forme, l'aptitude biologique au bonheur, dont l'ensemble constitue la dimension qualitative du bien-être. Ces choses n'étant pas mesurables, chiffrables, elles n'existent pas pour notre science et quand il nous arrive d'en parler c'est avec le remords et le regret de régresser vers la subjectivité. Les médecines traditionnelles sont plus sages. «Ici, explique Panikkar, le critère de santé n'est pas la capacité de travail mais bien la capacité de jouissance. C'est quand l'homme est dans un état permanent de tristesse (qui était considéré un péché capital dans la tradition chrétienne:
l'acedia) qu'il est déclaré malade: il n'est plus capable de jouir de la vie, il est saisi par le
tedium vitae, le mal du siècle, la dépression.»
RAIMON PANIKKAR,
Interculture, Institut interculturel de Montréal, volume XXVII, no 4, automne 1994/Cahier numéro 125, p. 24
Essentiel
Le philosophe Raimon Panikkar, l'un de ceux qui ont le mieux réussi la difficile synthèse de la tradition orientale et de la tradition occidentale, s'est intéressé à la questions des médecines douces à la fois dans la perspective de la tradition hindoue et dans celle de la tradition chrétienne. «Pour la grande majorité des institutions médicales modernes, écrit-il, la guérison consiste à rendre l'individu apte au travail. "Le déclarer apte au travail" est synonyme de le déclarer guéri. Être capable de travailler est le symptôme de l'homme sain, ce qui veut dire, en fait, qu'un homme signifie un travailleur, et un travailleur l'esclave économique d'une entreprise étrangère à l'idéal du salarié. [...]
Ne serait-ce pas qu'ils rêvent d'une vie centrée sur autre chose que le travail, sur la joie par exemple, que nous contemporains cherchent la guérison par des voies détournées. La joie ne fait plus partie de la santé telle que nous la concevons, pas plus que les diverses autres choses, telles la vitalité, la créativité, la bonne forme, l'aptitude biologique au bonheur, dont l'ensemble constitue la dimension qualitative du bien-être. Ces choses n'étant pas mesurables, chiffrables, elles n'existent pas pour notre science et quand il nous arrive d'en parler c'est avec le remords et le regret de régresser vers la subjectivité. Les médecines traditionnelles sont plus sages. «Ici, explique Panikkar, le critère de santé n'est pas la capacité de travail mais bien la capacité de jouissance. C'est quand l'homme est dans un état permanent de tristesse (qui était considéré un péché capital dans la tradition chrétienne:
l'acedia) qu'il est déclaré malade: il n'est plus capable de jouir de la vie, il est saisi par le
tedium vitae, le mal du siècle, la dépression.»
RAIMON PANIKKAR,
Interculture, Institut interculturel de Montréal, volume XXVII, no 4, automne 1994/Cahier numéro 125, p. 24