Dopage

"Le dopage est défini (...) comme l'utilisation de substances ou de procédés de nature à modifier artificiellement les capacités d'un sportif. Font également partie du dopage les utilisations de produits ou de procédés destinés à masquer l'emploi de produits dopants.

La définition retenue (...) est donc particulièrement large: elle ne vise pas seulement l'amélioration des capacités physiques des sportifs, mais aussi la prise de certains médicaments destinés à éviter le «trac» ou la douleur, par exemple.

Le dopage consiste donc, d'une manière générale, à déformer artificiellement les conditions physiques ou psychiques d'une personne qui va participer à une épreuve sportive ou qui s'y prépare. (...)"

Commission des affaires culturelles, Assemblée nationale française. Rapport d’information sur la loi relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (no 1499, 26 mars 1999). Rapporteur: Alain Néri.
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"(...) il est important de ne pas considérer le dopage chimique comme coupé d'autres problèmes de consommations médicamenteuses ou de drogue et de la pharmacodépendance générale. En ce sens, les analogies qui sont faites entre, par exemple, la consommation de Viagra, le dopage ou l'utilisation de drogues illicites sont de grande importance. Elles témoignent de la volonté, pour l'individu moderne qui a 'découvert' son corps, de se surnaturer, de vouloir devenir 'surhumain'. Il faut éviter les drames qui sont les conséquences de cette pente prise. Mais le dopage est resté, et restera pour le public, une affaire spécifique de jeunesse et de sport : il y a une spécificité du monde sportif qui donne sa spécificité au dopage des sportifs et justifie une loi antidopage réservée aux seuls sportifs qui constituent en quelque sorte le flambeau et le miroir d'une société en pleine mutation et qui cherche à s'identifier. Ce que la société demande au plan éthique aux sportifs se situe à l'opposé de ce qu'elle demande par exemple aux chanteurs et musiciens, autres idoles de la jeunesse. Cette contradiction n'est pas un paradoxe. Elle traduit simplement la volonté profonde de la société d'être à plusieurs facettes. Mais l'important demeure : la société ne soutient pas -pour dire le moins- le dopage des sportifs. Il faut donc, par des structures et des moyens indépendants et loyaux, vouloir et réussir à lutter contre le dopage en respectant évidemment les principes généraux de l'état de droit, les textes qui réglementent la liberté individuelle, et ceux aussi qui fondent la médecine sur le respect du secret médical."

JEAN-PAUL ESCANDE, "Introduction", Médecins du sport et lutte contre le dopage. Rapport du groupe de travail présidé par Jean-Paul Escande et Olivier Rousselle. Secrétariat d'Etat à la santé; Ministère français de la jeunesse et des sports. Paris, Secrétariat d'Etat à la santé, 1998 (formats PDF et RTF)

Essentiel

«Certains s'étonnent de l'ampleur du phénomène du dopage. Pourtant, il n'est que l'aboutissement logique de la vision d'un corps abandonné aux spécialistes des sciences et techniques, d'un corps de plus en plus fabriqué en vue de la performance. En définitive, le dopage sportif est à l'image de notre société, du traitement qu'elle réserve à la nature (flore et faune) et à l'environnement. De même qu'on utilise des engrais chimiques à profusion pour accroître le rendement des terres agricoles, de même on n'hésite pas à employer d'autres substances non moins chimiques pour obtenir des performances hors normes. Précisons que c'est dans le domaine des courses de chevaux que le dopage pharmacologique s'est d'abord développé sur une grande échelle au XIXe siècle: «En 1889, le mot fait son apparition en Grande-Bretagne, pour décrire les narcotiques destinés à réduire les performances des chevaux. Les premiers règlements sur le doping en Angleterre, en 1903, visent à lutter contre les pratiques de parieurs indélicats cherchant à ruiner les chances de gain des autres parieurs en "droguant" les chevaux de course. La lutte contre le doping vise à maintenir la confiance des parieurs dans le cadre d'une activité de compétition.»1 C'est à la même époque, on s'en souviendra, que le darwinisme nous convainc que nous ne sommes plus que des animaux.»

Source et suite: Magazine L'Agora, Fascicule 001, Automne 2004.


Voir la section intitulée « L'athlète comme drogué et le sport comme risque d'addiction », dans : Patrick Mignon, Le dopage : état des lieux sociologique. Document du CESAMES (Centre de recherche Psychotropes Santé mentale Société, CNRS Université René Descartes Paris 5), nº 10, juillet décembre 2002, p. 20-21 (format PDF )

Enjeux

«Au-delà des dénégations, des dénonciations et des appels à la vertu des instances officielles du sport, on doit bien convenir que le dopage, dans bien des disciplines de haut niveau, est devenu une norme de fonctionnement. On pourrait dire qu'on le condamne d'autant plus qu'il est entré dans les mœurs. Ainsi, à propos du cyclisme : «Hormis les amphétamines, mal contrôlées par les débutants, les produits dopants sont maîtrisés, rationalisés et intégrés dans le plan d'entraînement. Les prises de produits sont programmées en fonction des objectifs et s'étendent sur l'année. Les résultats obtenus sont mesurables, validés parallèlement par des études scientifiques. Si bien que lors du Tour de France 1998, 108 tests ont été pratiqués. Résultat? Zéro positif! […] De nos jours, le médecin d'une équipe cycliste qui suit le Tour de France emporte dans sa malle médicale plus de 300 produits. Si la plupart d'entre eux font partie des substances interdites, il suffit, pour certains, d'une prescription médicale pour pouvoir les utiliser.1
Dans le sport professionnel, en Amérique du Nord, on parle aussi plus qu'avant de dopage, mais cela semble être banalisé. Bon nombre de joueurs de base-ball ou de hockeyeurs sont soupçonnés d'employer des substances illicites. Mais personne ne parle jamais de les suspendre ou d'invalider les records qu'ils établissent.»

1-Alberto Montesissa, « 100 ans de Tour de France, un siècle de dopage », Allez savoir ! (Université de Lausanne), nº 26, juin 2003
Source et suite: Magazine L'Agora, Fascicule 001, Automne 2004.


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Comment douter encore de la banalisation du dopage après les déclarations de Victor Conte, président des Laboratoires Balco, à l'émision 20/20 du réseau américain ABC, le 3 décembre 2004. Monsieur Conte a notamment déclaré que c'est un jeu d'enfant pour un expert comme lui que de trouver un moyen de déjouer les tests. Il a accusé formellement de nombreux athlètes américains dont Marion Jones, la vedette des Jeux de Sydney, de s'être donné des injections sous ses yeux. « Elle s'est injectée alors que j'étais assis à ses côtés, là devant moi», a-t-il déclaré. Les Jeux olympiques, précise-t-il, ne sont qu'une vaste fraude.1 «J'estime que 50 % des athlètes prennent des stéroïdes et 80% un quelconque stimulant.»

ABC News, 5 décembre 2004.

1- «I mean the whole history of the Olympic Games is just full of corruption, cover-up, performance-enhancing drug use — it's not what the world thinks it is," Conte says. »

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Stéphane Stapinsky

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