Hommage à Juliette Lalonde-Rémillard

Giselle Huot

Dans un texte émouvant, publié en introduction au quatrième tome de la correspondance de l'historien Lionel Groulx, Giselle Huot rend hommage à celle qui fut la nièce de Groulx et sa secrétaire pendant les trente dernières années de sa vie. Par la suite, et jusqu’à sa retraite en 1989 (et même au-delà), elle contribua à perpétuer sa mémoire et à faire connaître son œuvre. Sans sa cueillette inlassable, pendant des décennies, des lettres de son oncle, aucune édition critique de sa correspondance n’aurait été concevable. Si nous étions au Japon, madame Lalonde-Rémillard ferait assurément partie du "patrimoine vivant" national...

Lionel Groulx, alors au faîte de sa gloire et de sa renommée, a eu le trait de génie d’offrir en cadeau à sa nièce Juliette Lalonde, le jour de son anniversaire du 19 septembre 1937, de devenir sa secrétaire particulière. Il a souvent répété qu’il avait « l’oeil » pour juger les hommes, mais apparemment les femmes aussi ! Qu’il a eu la main heureuse ! Car c’est peut-être à lui que revient le plus beau cadeau avec l’acceptation enthousiaste de Juliette. Pour sa vie d’ici-bas, pendant trente ans, et pour celle d’outre-tombe, car Juliette a veillé si fervemment sur lui de son vivant et tout aussi bien sur lui et sur ses oeuvres après sa mort.

Sans elle, que seraient devenues la Fondation Lionel-Groulx (1956) et les fondations antérieures, l’Institut d’histoire de l’Amérique française (1946) et la Revue d’histoire de l’Amérique française (1947) ? Bien sûr, il y avait un conseil d’administration, constitué de grands et fidèles amis de Groulx et qui a fait bonne besogne. En 1976, sous la présidence du Dr Jacques Genest, ami de Groulx et son médecin personnel jusqu’à la fin de sa vie, membre du conseil de la FLG depuis les débuts et son président de 1972 à 1988, naît le Centre de recherche Lionel-Groulx. On a souvent dit que ce n’était pas Groulx qui l’avait fondé, puisqu’il l’a été après sa mort. Toutefois, dans Mes mémoires, il est clair qu’il souhaite que son oeuvre en soit un :

Ma contribution spéciale, je la donne à l’Institut. L’on voulait qu’il fût un centre de recherche en histoire ; il l’est devenu. Il ne se passe guère de semaines où deux ou trois fois ne se présente un étudiant en préparation d’une simple étude, d’une thèse de licence ou de doctorat, à la recherche d’une bibliographie, de renseignements, de conseils pour ses travaux. On vient consulter le vieil historien. [...] On fait donc appel à mon expérience. Et je l’avoue, c’est un des grands plaisirs de la fin de ma vie que de me trouver en présence de ces jeunes esprits et de leur ouvrir quelques chemins de lumière. » (4 : 352-353.) 

Le conseil de la FLG l’a bien compris que cette fondation entre tout à fait dans les voeux de Groulx et qu’un Centre de recherche sera la prolongation de l’historien disparu. Naturellement, comme Groulx auparavant, le conseil compte sur Juliette pour le diriger et c’est elle qui, avec son aide, tenait le fort au jour le jour et qui construira le Centre pierre par pierre, jusqu’en 1989, date de sa retraite. Jour de tristesse, pour nous qui y travaillions depuis 1979, alors que toute sa présence nous rejoignait toujours, et son rire qui flottait encore triomphant dans le silence studieux, rire si caractéristique et si fréquent qui a dû souvent tirer Groulx de ses cogitations et contemplations et parfois même le remettre en selle aux jours de déprime. Un jour, à un interlocuteur qui se disait le premier ministre du Québec, Juliette s’était contenté pour toute réponse d’un rire incrédule avant de passer le combiné à son oncle qui entendit Maurice Duplessis au bout du fil l’accueillir par cette remarque goguenarde : « Vous avez une secrétaire bien ricaneuse ! »

Cette atmosphère qui surnageait, où se combinaient son accueil chaleureux et sa générosité proverbiale, ses attentions aux autres qui semblaient sans fin, sa grande capacité de travail, toujours à vitesse immodérée, comme sa démarche vive et pétillante qui la faisait parcourir sans fin les escaliers et les espaces des deux maisons réunies – dont elle était elle-même la décoratrice – et, quand elle s’asseyait enfin, c’était pour faire des téléphones d’affaires ou écrire, pour retrouver la correspondance de Groulx ou encore pour corriger les épreuves – elle en était la championne toutes catégories – de la RHAF, et, plus tard, celles des deux volumes du Catalogue des manuscrits et aussi des dix numéros des Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle (1994-2000).

Juliette Lalonde est née à Dorion, village voisin de Vaudreuil, le 19 septembre 1916, de Télesphore Lalonde, marchand général de l’endroit, et de Valentine Émond, demi-soeur de Lionel Groulx. Après des études élémentaires à Dorion (1922-1928), celles du cours secondaire au couvent des Sœurs de Sainte-Anne à Vaudreuil (1928-1933), elle suit des cours particuliers de dactylographie (suggérés par Groulx, qui voyait loin…), de sténographie et de comptabilité (1934-1935) ; encouragée et soutenue par son oncle dans ses désirs de spécialisation, elle poursuit ensuite à l’Université de Montréal, de 1937 à 1940, des études libres en histoire générale (Jean-Marie Nadeau), en histoire du Canada (Lionel Groulx), en littérature française (Arthur Sideleau), en littérature canadienne (Émile Chartier) et en histoire de l’art (Jean-Baptiste Lagacé), des cours de bibliothéconomie – parmi ses professeurs : l’auteure Marie-Claire Daveluy, la cofondatrice et directrice adjointe de l’École de bibliothécaires – avec certificat (1940-1942) ; elle fréquente ensuite l’École des arts graphiques, pour des cours de reliure et de dorure (Philippe Beaudouin), avec certificat (1940-1943), ces cours qui seront tous mis par la suite à profit au service de notre historien national et de sa bibliothèque.

Secrétaire ? Collaboratrice plutôt, car, dans son cas, c’est un mot qui contient tant de métiers ou professions et des compétences si diverses, toutes bien maîtrisées : d’abord, à dactylographier. Dactylographier ? Facile ! dites-vous ? Groulx avait-il anticipé votre inconcevable riposte et voulu contrer à l’avance pareille hérésie quand il écrivit, lors de son discours d’acceptation du Prix Duvernay en 1952, ce qui suit ? :

On m’a demandé parfois si j’écrivais facilement l’histoire. Ma secrétaire ne se pose pas pareille question, elle qui n’a pas trop de sa patience pour se débrouiller à travers mes grimoires, mes ratures, mes mots et phrases numérotés, mes crochets, mes lignes en flèche, tombantes, montantes, mes renvois au verso, mes retours au recto, etc., et qui, au dernier moment, doit reprendre au dactylo des pages entières qui paraissaient pourtant bien définitives. (Mes mémoires, 4 : 192.)

Pas seulement dactylographier, mais encore relire et corriger les manuscrits de conférences, d’articles, de livres, plus tard corriger les épreuves des rééditions des oeuvres de l’oncle, de la Revue d’histoire de l’Amérique française. Que de fautes ont pris le bord avec elle et son oeil de lynx ! et que de corrections et de précisions sont entrées par elle pour l’éternité !

Depuis son arrivée, c’est elle désormais qui tape les lettres de Groulx à la machine à écrire – pas d’ordinateur en ces temps – en double copie, mais, hélas ! pas dès son arrivée – car pas encore de photocopieurs non plus alors – ce qui permettra désormais de conserver une copie de toutes les lettres envoyées par le Chanoine, ce qu’il ne faisait pas auparavant, sauf en de trop rares occasions. Et puis elle dactylographiera toute la correspondance originale de Louis-Joseph Papineau prêtée à Groulx par la petite-fille du chef patriote, Adine Bourassa, dont les pages rassemblées et reliées par elle constitueront seize forts volumes. À partir de 1938, elle accompagne Groulx aux Archives publiques du Canada à Ottawa pour déchiffrer et transcrire, pendant l’été, des documents du régime français.

Correspondance effrénée de Groulx et écritures de toutes sortes qui s’empilent appellent l’organisation d’archives ; c’est encore elle qui se fait archiviste pour préserver, répertorier les archives de Groulx, les siennes et celles qu’il acquiert, ainsi que les différents fonds qui viendront s’y ajouter au fil des ans, qui produit inventaires et autres instruments pour mieux les rendre utiles aux chercheurs. À partir de 1939 environ et jusque vers 2009 – autre initiative combien précieuse – elle produira toute la série des célèbres Spicilèges, qui renferment les principaux renseignements et documents, lettres, cartes, photos, articles, conférences, qui racontent les faits saillants de la vie de Groulx et de ses oeuvres.

Les livres se multipliant plus vite encore que les archives, lorsque Groulx arrive en 1939 dans la maison que lui ont achetée ses amis au 261, avenue Bloomfield, Outremont, l’adresse actuelle de la Fondation Lionel-Groulx, Juliette devient bibliothécaire. Qui prend bientôt l’initiative, pour s’y retrouver, de mettre en fiches chacun des 7 000 à 8 000 volumes que possède alors Groulx, dixit, sans compter chacune des brochures, leur nombre croissant constamment.

S’il encourage Juliette dans ses entreprises, Lionel Groulx ne peut s’empêcher d’avoir soin de toujours la recruter pour ses nouveaux projets d’envergure, dans lesquels il ne conçoit pas de s’embarquer sans d’abord savoir si elle sera là pour l’aider. C’est ainsi qu’il s’informe de sa disponibilité – en plus de ses multiples tâches – pour ses rêves de fondation de l’Institut d’histoire de l’Amérique française, puis de son organe la Revue d’histoire de l’Amérique française, devenus réalité, en 1946 et 1947, et qui ont perduré jusqu’à nos jours :  

Où trouverai-je le temps, s’inquiète Juliette, d’assumer, seule, le secrétariat de l’Institut et surtout celui de la Revue d’histoire de l’Amérique française, avec tout ce que cela comporte de corrections d’épreuves, de correspondance, d’expéditions, etc. ? Le défi, cependant, m’enthousiasmait. À vivre auprès d’un homme qui ne cesse de se surpasser, l’on finit par n’avoir qu’une ambition : répondre à l’attente. (Les Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle, no 4, été 1995 : 171.)

Du vivant de Groulx, la journée de travail terminée, ne l’était pas pour Juliette, surtout après l’arrivée au 261, avenue Bloomfield, car, même s’il y avait une « ménagère », il lui incombait certaines tâches ; Groulx, dit-elle, « avait bonne fourchette et aimait bien manger », donc la « cheffe » lui concoctait des préparations culinaires, tout en surveillant son alimentation, pour son profit et, souvent également, pour celui de ses amis ; hôtesse de grande réputation, elle lui organisait aussi des fêtes, dont celle à Vaudreuil pour son 50e anniversaire de sacerdoce, le 3 juillet 1953, qui rassembla 150 convives ; c’était elle encore qui lui servait d’accompagnatrice et de « chauffeure », partageant, après son mariage le 8 août 1959, la tâche avec son mari Marcel Rémillard, dans les virées de Goulx à Vaudreuil à ses bien-aimés Rapaillages (chalet qu’il s’est construit vers 1936-1937 sur un lot de la terre paternelle qui lui a été donné), qu’il lui léguera à sa mort.

Omniprésente depuis son arrivée, régnant de maîtresse main, correspondant, corrigeant à plus soif les épreuves jusqu’au delà de sa retraite officielle, elle était là aussi, personne indispensable, pour les autres fondations et grands travaux, lors de la création de la Fondation Lionel-Groulx (1956), dont elle est la secrétaire administrative (1956-1989) et membre du Conseil d’administration par la suite jusqu’en 2009. Lorsque Benoît Lacroix demande à Groulx l’autorisation de faire une édition critique de sa correspondance (1962), puis, quelques mois avant sa mort, celle de produire une édition critique de ses oeuvres complètes (mars 1967), Groulx acquiesce à cette « audacieuse entreprise », tout en recommandant l’appui et l’apport précieux de sa nièce, la fidèle gardienne de ses idées et de ses désirs.

Être le bras droit de notre deuxième et dernier historien national n’était pas suffisant pour cette boulimique de travail, cette assoiffée de connaissances et cette entrepreneure en toutes productions, qui avait ses oeuvres bien à elle, études et travaux, à la fois indépendants et entremêlés avec ceux de son oncle qui l’encourageait dans toutes ses initiatives. Elle n’était pas active qu’en la Fondation Lionel-Groulx ; auteure de plusieurs articles à caractère historique et conférencière, elle est aussi vice-présidente de la Société d’Étude et de Conférences de Montréal (1955-1959), nommée, en 1963, secrétaire du comité féminin de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

Après la mort de Groulx, le 23 mai 1967, et les funérailles nationales, le 26 mai, elle est toujours là, toujours personne ressource indispensable, pour la poursuite des oeuvres de son oncle et pour la conservation du patrimoine accumulé par Groulx, qu’elle continue à accroître. En 1976, c’est la création du Centre de recherche Lionel-Groulx, qui devient le principal moyen que se donne la Fondation Lionel-Groulx pour exercer sa mission. Centre de recherche qu’elle a littéralement bâti, avec l’aide du Conseil d’alors, et avec une opiniâtreté et un espoir constant en l’avenir devant lesquels les difficultés de toutes sortes choisissaient d’abdiquer. Après l’achat de la deuxième maison, du 257, avenue Bloomfield (1978), en plus de son poste de directrice – humble qu’elle était, c’est le mot « Secrétaire » qu’arborait la porte de son bureau ! – elle distribue les pièces aux différentes équipes et prend en charge la décoration des deux maisons. Le 24 juin 1977, avait lieu l’ouverture officielle du Centre de recherche Lionel-Groulx. Encore aujourd’hui, apparaît sur la plaque de bronze dévoilée alors par le pre­mier ministre du Québec, René Lévesque – qui n’a pas craint de reconnaître sur lui l’ascendant de Groulx, le « père spirituel du Québec moderne » – cette citation de Groulx : « Jusqu’à la fin de ma vie, j’aurai rêvé grand, désespérément grand, pour mon pays et pour les hommes, mes frères, qui l’habitent. »

En 1979, avec l’aide d’une grande subvention de recherche demandée par Benoît Lacroix et Serge Lusignan, le directeur de l’Institut d’études médiévales de l’Université de Montréal, accordée par le Gouvernement du Québec par l’intermédiaire des ministères de la Culture et de l’Éducation, c’est le début des travaux du Projet d’édition critique des oeuvres de Lionel Groulx, auquel elle sera liée. C’est alors qu’elle entreprend le travail monumental de la recherche des lettres de Groulx éparpillées aux quatre vents.

Auteure de plusieurs articles à caractère historique, elle en a publiés sur le Chanoine, l’un paru l’année suivant sa mort, dans le numéro spécial de l’Action nationale consacré à Groulx en juin 1968, un autre dans le numéro spécial des Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle aussi consacré à Groulx à l’automne 1997 ; cette dernière revue a également publié à la demande réi­térée de maints admirateurs, dont le Dr Jacques Genest et le P. Benoît Lacroix n’étaient pas les moindres, « Les souvenirs de Juliette Lalonde-Rémillard » (nos 1-6 et 8, 1994-1997). Avec son amie et complice Madeleine Dionne et l’apport de Victor Barbeau, elle a publié L’OEuvre du chanoine Lionel Groulx. Témoignages, bio-bibliographie (1964, 197 p.), qu’elle complétera seule par « Lionel Groulx : Bibliographie (1964-1979) », dans le numéro spécial Lionel Groulx, 100e anniversaire de sa naissance, 1878-1978, RHAF (décembre 1978). Plus tard, elle fera paraître le texte d’une conférence prononcée au Centre culturel du Manoir Outremont (26 février 1999) et devant la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (18 mai 1999) : Lionel Groulx, l’homme que j’ai connu (Fides, 2000) ; elle y écrit entre autres : « Je me plais à dire que j’ai connu le Groulx intime, le Groulx prêtre, le Groulx bourreau de travail pour lui et pour les autres, le Groulx de l’action, le Groulx écrivain, le Groulx historien. » (p. 17)

Légataire du manuscrit de Mes mémoires du Chanoine, elle a veillé à ce que soit respecté le texte intégral, selon le désir de son auteur, préparant elle-même l’édition et se chargeant de la rédaction des notes des quatre volumes (Fides, 1970-1974). Enfin, comme membre de l’équipe du Projet d’édition critique, d’abord du Journal (1895-1911), puis de la Correspondance de Lionel Groulx, elle a apporté sa précieuse collaboration à la préparation des deux tomes du premier (PUM, 1984), puis des trois premiers tomes de la seconde, I (1894- 1906), II (1906-1909), III (1909-1915), parus chez Fides (1989, 1993, 2003) ; elle a aussi collaboré au présent tome IV (1915-1920) de la Correspondance ; notons que c’est grâce à ses recherches intensives dans les archives familiales puis partout au Québec, au Canada, aux États-Unis et jusqu’en Europe, surtout en France, que tant de lettres de Lionel Groulx ont été retrouvées. Elle a légué ses archives au CRLG.

Juliette Lalonde-Rémillard est reconnue dans divers milieux et par divers organismes pour la qualité de son engagement et de ses réalisations. Plusieurs prix et distinctions honorifiques lui ont été décernés : Médaille de la Commission de refrancisation de Québec (1934) ; premier prix du concours littéraire de la Société d’étude et de conférences (section documentation, 1952 et 1954) ; Médaille de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (1970) ; Médaille de la Société historique de Montréal (1984) ; Médaille de vermeil du Mérite et dévouement français (1989) ; Prix Gabrielle Roy 2003, avec ses col­lègues Giselle Huot et Pierre Trépanier, pour le tome III de la Correspondance de Lionel Groulx ; Membre honoraire de la Fondation Lionel-Groulx (2009).

Mais laissons les derniers mots à Lionel Groulx qui, remontant le fil de sa vie, se remémorant ses déboires d’historien, les difficultés du métier et la tâche gigantesque qui était sienne, a vu l’étoile de Juliette apparaître, et évoque, après avoir mentionné ses études à l’Université de Montréal notées plus haut, l’étendue de ses autres savoirs et son omniprésence dans sa vie et dans ses travaux : 

Débrouillarde, de mains agiles, des mains aux doigts de fée, elle devint, en peu de temps, dactylographe, sténographe. Elle suivit des cours de reliure, de cuir, d’étain, de cuivre repoussés, de bibliothéconomie ; elle put prendre soin de ma bibliothèque, faire un classement de mes livres, de mes fiches, de ma corres­pondance, me façonner à l’occasion de jolies reliures. Désormais aux Archives d’Ottawa ou ailleurs, je posséderai ma copiste à moi. À l’avènement du film, nous filmerons ensemble. Ensemble nous ferons de la photographie ; nous agrandirons nos microfilms jusqu’à la dimension originelle du document ; elle m’en composera des volumes reliés. Plus tard encore, avec la fondation de l’Institut d’histoire de l’Amérique française et de sa revue, Juliette, déjà rompue à ce métier, s’instituera correctrice d’épreuves ; elle se chargera de toute l’administration de l’Institut. Aujourd’hui, en 1959, voilà donc vingt-deux ans que la brunette aux yeux noirs est à mon service. Elle aura été ma collaboratrice, mêlée à toutes mes oeuvres, à toute ma vie. Elle a subi, sans trop se plaindre, toutes les aspérités de mon caractère, de mes humeurs. Vive, enjouée, le rire facile, les larmes aussi faciles que le rire, un peu Madeleine parfois, mais ardente, résistante au travail, elle s’est donnée à sa tâche avec le dévouement entier, cordial, joyeux, qui, semble-t-il, n’appartient qu’aux femmes. Merveilleux cadeau pour lequel je ne saurais trop remercier la Providence. (Mes mémoires, 3 : 356-357.) 

 




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