La mort à Sienne
Une rue étroite qui tourne et serpente d’un bout à l’autre de la ville; des gens du peuple, flânant ou affairés; des mendiants, figure de bandits et allures d’empereurs. Presque pas de bruit; guère de voitures : elles manqueraient de place pour circuler. Les bourgeois et les nobles sont retirés derrière les grilles de leurs sombres châteaux, muets comme des prisons et froids comme la mort. Une cloche tinte… C’est un enterrement; tous les passants de la rue courent voir défiler cette longue file de pénitents qui, un flambeau à la main, récitent les prières funèbres dans le silence et dans la nuit. De temps en temps, un volet s’ouvre discrètement, là-haut, à une fenêtre élevée d’un de ces noirs palais seigneuriaux, et un pâle visage de femme apparaît… Elle regarde… Que regarde-t-elle ? Qui sait ?… Elle reste là, longtemps, les regards plongés dans le vide, car elle n’a ni horizon pour les fixer, ni d’autres yeux humains pour y chercher une réponse à ses pensées. Puis, le volet se referme. L’ombre est descendue peu-à-peu le long des murs; des lumières vacillent là-bas, annonçant que la nuit est venue et que c’est bientôt l’heure du repos. Tout se tait, tout s’endort. On sort de cette ville étrange – heureux d’avoir observé une société de larves dans un séjour abandonné des hommes, plus heureux encore d’en être échappé sain et sauf.