Loi 101 au cégep : empêcher le déclassement du français

Jean-François Vallée
Georges-Rémy Fortin

Un inédit sur ce sujet toujours chaud.

Loi 101 au cégep : empêcher le déclassement du français

Réunis à Trois-Rivières en conseil extraordinaire le 8 septembre 2022, les délégués de la FNEEQ ont effectué un virage majeur en se prononçant en faveur de l’assujettissement du réseau collégial à la loi 101. Cette fédération, qui représente 35 000 professeurs, devenait ainsi la première à adopter une telle position. Quelques semaines plus tard, la Fédération de l’enseignement collégial (FEC) lui emboîtait le pas.

Déjà, dans son Avis du 16 septembre 2021 présenté dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de loi 96, la FNEEQ reconnaissait noir sur blanc l’ampleur du recul du français au cœur du réseau collégial : « En deux décennies, le nombre d’étudiants s’est accru de manière beaucoup plus importante dans les cégeps anglophones ; en termes de périodes-étudiants/semaine, sa progression a représenté environ 65 % de celle du réseau (142 020 PES sur 218 976)  (p. 7) [i]» (1).

Depuis plus de 20 ans, les enseignants du réseau collégial ont assisté, impuissants, à ce recul. Par exemple, de 1995 à 2022, le secteur anglais a doublé son poids par rapport à celui de la communauté anglophone (8,8 %) pour atteindre plus de 17 % de la clientèle de l’ensemble du réseau. La loi 96 vient plafonner ce pourcentage à son plus haut taux historique, coulant ainsi dans le béton cet essor sans précédent des cégeps anglais. Ces derniers étant concentrés à Montréal et absents dans de nombreuses régions, dans la métropole, ils en sont venus à décerner 52 % des diplômes préuniversitaires alors que les anglophones ne représentent que 17 % de la population montréalaise.

Devant des constats si inquiétants, des professeurs affiliés autant à la FNEEQ qu’à la FEC ont fondé en 2021 le « Regroupement pour le cégep français ». Ils avaient en commun de ressentir très concrètement les effets de la concurrence malsaine avec les cégeps anglophones, où les deux tiers des étudiants sont allophones ou francophones et attirent les meilleures cohortes. Ils croient que le gouvernement québécois doit cesser d’entretenir un système collégial à deux vitesses parce cela le rend fortement inégalitaire.

Par ailleurs, le nombre croissant de jeunes anglicisés sur le marché du travail ne peut que menacer le droit de travailler et d’être servi en français. Le nombre d’unilingues anglophones augmente, et les revenus des anglophones sont toujours de nos jours plus élevés que ceux des francophones[ii]. Au rythme actuel, le français risque de redevenir cette langue des pauvres qu’elle a longtemps été.

En rapatriant 20 000 francophones et allophones du côté du réseau français, la loi 101 au collégial peut agir puissamment pour franciser l’économie et les services publics, comme les hôpitaux anglophones de Montréal.

Faire sauter le verrou

L’adoption de la loi 101 en 1977a été rendue possible précisément parce que la CSN, la FTQ et la CEQ (devenue la CSQ) se sont mobilisées pour la langue commune du Québec. Aujourd’hui, les syndicats de professeurs de 41 cégeps et collèges ont repris le flambeau, et réussi à faire sauter le verrou linguistique en osant présenter les statistiques telles qu’elles sont. Ils ont ainsi réussi à briser le tabou qui régnait depuis trop longtemps sur le déclin réel du français.

La FNEEQ-CSN et la FEC-CSQ ont écouté leurs bases, et se sont jointes au mouvement. L’Association québécoise des professeur.e.s de français (AQPF) vient aussi de s'y rallier. Grâce à l’effet boule de neige du mouvement que nous avons créé, il deviendra de plus en plus difficile pour le gouvernement de s’entêter à refuser d’appliquer la loi 101 au cégep.

Il reste à militer pour que toutes les fédérations de la CSN et CSQ se joignent à la FNEEQ et à la FEC.

N’ayons pas peur d’appuyer la mesure qui s’impose pour protéger de façon pérenne la langue commune et officielle du seul État français de notre continent.

Regroupement pour le cégep français

Jean-François Vallée

Georges-Rémy Fortin

Notes

(1) https://fneeq.qc.ca/wp-content/uploads/2021-09-16_AVIS-sur-PL-96_FNEEQ-CSN_final.pdf

(2) Office québécois de la langue française, Portrait du revenu d’emploi au Québec en 2015 selon les langues utilisées au travail, 2022 : https://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/sociolinguistique/2022/2022_etude_revenu-emploi-selon-langues-utilisees-travail.pdf

 

 

 

 

 


[i] https://fneeq.qc.ca/wp-content/uploads/2021-09-16_AVIS-sur-PL-96_FNEEQ-CSN_final.pdf

[ii] Office québécois de la langue française, Portrait du revenu d’emploi au Québec en 2015 selon les langues utilisées au travail, 2022

 

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