L'Encyclopédie sur la mort


Le cimetière, microcosme de la société

Michel Lessard

Dans les milieux urbains, l'aménagement des cimetières* rend compte d'une structure sociale stratifiée, tandis que dans les milieux ruraux, il reflète une organisation sociale plus égalitaire répartie en paliers souples et discrets.
À partir de 1850, dans les grandes villes d'abord, le cimetière se constitue à l'image de la société des vivants. On veut, dans la mort, témoigner de son état avec autant de force que dans son temps de vie. Les grands aménagent donc une commémoration à l'égal de leur rôle et de leur réussite: des stèles monumentales réalisées par l'industrie ou par des artistes reconnus - Alfred Laliberté avec d'autres est présent au cimetière Côte-des-Neiges - des caveaux de famille dans l'esprit des anciens mausolées romains ou des tombeaux néo-classiques et éclectiques français ou britanniques marquent le passage de ces puissants, les seigneurs des grandes résidences suburbaines. Vient ensuite le quartier des cols blancs, les professionnels, les «moyens» de la finance et des affaires, les fonctionnaires. Toujours d'une certaine opulence! Celui des travailleurs salariés de l'ère industrielle, raisonnable. Un coin des enfants, les anges. Enfin, les démunis dans toute l'humilité de leur simple croix écrite à la main, les fosses communes, anonymes. Pour ceux qui ont égrené les jours en uniforme. même uniformité dans la mort: le cimetière des pompiers à Côte-des-Neiges ou celui des religieuses éducatrices de Jésus-Marie à Lauzon illustrent bien cette réalité. À peine de quoi marquer un passage de vie pour quelques générations avant de connaître l'effacement total par enfouissement. Les Amérindiens baptisés ont toujours été reçus en cimetière catholique, à l'égal des colons et citoyens ordinaires, comme en font foi les registres de sépulture.
Si, dans les villes, les cimetières rendent compte d'une structure sociale stratifiée dans l'aménagement socio-économique de l'espace, dans la richesse des monuments et le registre du «bâti», en campagne, dans une société plus égalitaire, le cimetière s'ajuste en paliers souples et discrets à l'organisation sociale. On sent bien certains écarts mais ceux-ci restent peu prononcés entre les travailleurs de la terre et ceux qui, au village, assurent les services (médecins, notaires, marchand-général). Au même titre qu'il faut noter des différences sociologiques notoires entre la ville et la campagne, de même les cimetières perpétuent les mêmes paramètres définisseurs de société. Plus on avance dans le vingtième siècle, plus le caractère de nivellement social sera perceptible à l'intérieur du jardin des morts.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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