L'Encyclopédie sur la mort


Déshumanisation du service public

« L'immolation par le feu d'un allocataire du RSA, auquel un hommage a été rendu jeudi par des associations de chômeurs, soulève avec violence la question de la prise en charge de la détresse psychologique des précaires et des demandeurs d'emploi en fin de droits, de plus en plus nombreux (Le Nouvel Observateur, 16-08-2012 à 17h31) ».

Une amie m'a écrit : « Je présume qu'il faut une bien bonne raison pour mettre un terme à son existence. Aujourd'hui, ce sont les chômeurs, en 1929 c'étaient les riches ruinés par la crise:
j'ai déjà failli... mais heureusement, j'ai raté mon coup. Qu'est-ce que j'aurais manqué de petites joies et de grands bonheurs depuis toutes ces années! »

Le 8 août 2012, en plein entretien avec un conseiller de la Caisse d'allocations familiales (Caf) de Mantes-la-Jolie (Yvelines), un chômeur de 51 ans s'était aspergé de liquide inflammable avant d'y mettre le feu. Décédé dimanche le 12 août, cet homme, dont le Revenu de solidarité active (RSA) avait été suspendu et à qui l'on réclamait pour la quatrième fois des pièces justificatives, vivait dans une caravane après une séparation.

« Ce n'est pas seulement un fait divers tragique, c'est un suicide de protestation. Comme l'immolation du jeune Tunisien qui a déclenché une révolution dans son pays, il y a derrière des raisons sociales fortes, que cet homme a voulu dénoncer », estime le psychiatre Michel Debout, qui alerte les pouvoirs public depuis plusieurs années sur les suicides de chômeurs.

Selon les calculs dudit professeur, qui réclame un suivi médico-psychologique des chômeurs et la mise en place d'un observatoire du suicide, la crise aurait généré au moins 750 suicides supplémentaires en France entre 2008 et 2010. La France comptabilisait en juin plus de 1,8 million de chômeurs de longue durée, un record, et environ 100 000 personnes arrivent en fin de droits chaque mois. Ainsi les manifestations de cette détresse se multiplient.

En octobre 2011, un demandeur d'emploi avait ainsi menacé de se donner la mort dans une agence Pôle emploi de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) en se tailladant les bras avec un couteau. Et en Italie, comme en Grèce, les récents suicides de chômeurs en pleine rue ont suscité un vif émoi. En France, les associations blâment l'indifférence de l'administration publique à l'égard de la souffrance psychique des travailleurs privés d'emploi, dans une société où tout est articulé autour du travail.

« C'est un drame emblématique d'une réalité sociale occultée, de la désespérance et du parcours du combattant de personnes invisibles, isolées, inorganisées, qui ont honte, et dont la situation matérielle ne peut faire qu'empirer », affirme Alain Marcu, de l'association Agir contre le chômage et la précarité).

« Avec cette immolation, on est au coeur du problème : il faut considérer que le chômage est une souffrance, et qu'une erreur administrative peut être vitale », souligne Virginie Gorson-Tanguy, du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP).

 

Date de création:2012-08-17 | Date de modification:2012-08-18

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