Le sonnet ci-dessous « extrait du Parnasse espagnol (1648) a été commenté par Borges* dans un article intitulé « Grandeur et limites de Quevedo », publié en 1924 dans la Revista de Occidente. Il déclare notamment que dans la dernière strophe de ce poème « la jouissance génésique apparaît comme le témoignage de l'éternité qui vit en nous ». (Jean-Pierre Bernés, J. L. Borges: La vie commence..., Paris, le cherche midi, 2010, p. 59)
Amor constante más allá de la muerte
Cerrar podrá mis ojos la postrera
Sombra que me llevare el blanco día,
Y podrá desatar esta alma mía
Hora, a su afán ansioso lisonjera;
Mas no de esotra parte en la ribera
Dejará la memoria, en donde ardía:
Nadar sabe mi llama el agua fría,
Y perder el respeto a ley severa.
Alma, a quien todo un Dios prisión ha sido,
Venas, que humor a tanto fuego han dado,
Médulas, que han gloriosamente ardido,
Su cuerpo dejará, no su cuidado;
Serán ceniza, mas tendrá sentido;
Polvo serán, mas polvo enamorado.
Amour constant au-delà de la mort
Clore pourra mes yeux l'ombre dernière
Que la blancheur du jour m'apportera,
Cette âme mienne délier pourra
l'Heure, à son vœu brûlant prête à complaire;
Mais point sur la rive de cette terre
N'oubliera la mémoire, où tant brûla;
Ma flamme sait franchir l'eau et son froid,
Manquer de respect à la loi sévère.
Ame dont la prison fut tout un Dieu,
Veines au flux qui nourrit un tel feu,
Moelle qui s'est consumée, glorieuse,
Leur corps déserteront, non leur tourment;
Cendre seront, mais sensible pourtant;
Poussière aussi, mais poussière amoureuse.
Traduit par Jacques Ancet
Cerrar podrá mis ojos la postrera
Sombra que me llevare el blanco día,
Y podrá desatar esta alma mía
Hora, a su afán ansioso lisonjera;
Mas no de esotra parte en la ribera
Dejará la memoria, en donde ardía:
Nadar sabe mi llama el agua fría,
Y perder el respeto a ley severa.
Alma, a quien todo un Dios prisión ha sido,
Venas, que humor a tanto fuego han dado,
Médulas, que han gloriosamente ardido,
Su cuerpo dejará, no su cuidado;
Serán ceniza, mas tendrá sentido;
Polvo serán, mas polvo enamorado.
Amour constant au-delà de la mort
Clore pourra mes yeux l'ombre dernière
Que la blancheur du jour m'apportera,
Cette âme mienne délier pourra
l'Heure, à son vœu brûlant prête à complaire;
Mais point sur la rive de cette terre
N'oubliera la mémoire, où tant brûla;
Ma flamme sait franchir l'eau et son froid,
Manquer de respect à la loi sévère.
Ame dont la prison fut tout un Dieu,
Veines au flux qui nourrit un tel feu,
Moelle qui s'est consumée, glorieuse,
Leur corps déserteront, non leur tourment;
Cendre seront, mais sensible pourtant;
Poussière aussi, mais poussière amoureuse.
Traduit par Jacques Ancet