Gamelin Émilie

19 février 1800-23 septembre 1851
1. Enfance et jeunesse

La famille était originaire d’Amiens, dans la Somme (Picardie). Julien Tavernier, le grand-père, vint au Canada avec le grade de sergent d’infanterie dans le régiment du chevalier de La Corne. Le 15 mai 1749, il épousait, à Montréal, Marie-Anne Girouard; et il périt, en juillet 1756, près de Champlain, dans une expédition dirigée contre les avant-postes anglais. Son fils, Antoine, époux de Josephte Maurice, eut six enfants, quatre garçons et deux filles, dont Émilie était la dernière.

Elle naquit, le 19 février 1800, au fief de la Providence, avenue Mont-Royal, et fut baptisée, le lendemain, à l’église Notre-Dame de Montréal sous les prénoms de Marie-Émilie-Eugénie. À l’âge de six ans, elle devint orpheline de père et de mère; celle-ci en mourant la confia à la tendresse de Mme Joseph Perrault, veuve, qui vivait dans l’aisance et qui ne tarda point à la placer au pensionnat des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. À dix-huit ans, Émilie prit la direction de la maison de son frère Antoine, devenu veuf. Elle assistait à la messe chaque matin, visitait les pauvres aux heures libres que lui laissait le ménage. Son frère s’étant remarié, elle alla habiter avec une tante, jusqu’au jour où l’une de ses cousines de Québec l’appela auprès d’elle. Là, elle vit le monde de près. Ses lettres à Mme Nolan, fille aînée de la tante, témoignent de son bon sens, de son tact, de son aimable caractère : elle sut plaire dans la société. Le décès de Mme Perrault, en avril 1821, la ramena à Montréal, où elle pensa entrer au noviciat des Sœurs Grises.

2. Mariage

À l’âge de 23 ans, Émilie épousa Jean-Baptiste Gamelin, bourgeois et rentier de Montréal, âgé de 50 ans. Ayant donné naissance à deux enfants, morts en bas âge, elle perdit son époux, en octobre 1827. L’année suivante, elle vit succomber aussi son troisième enfant posthume.

Elle demanda alors aux œuvres de charité la consolation de ses douleurs. M. Gamelin, avant son mariage, avait recueilli un attardé mental nommé Dodais. « Prends soin de cet infortuné, dit-il en mourant, en souvenir de moi et de mon amour pour toi. » Elle le soigna comme son enfant jusqu’à sa mort. Agé de 30 ans, le pauvre innocent s’écria dans un moment de lueur intellectuelle : « Madame, je vous remercie de toutes vos bontés pour moi. Je vais mourir, je m’en vais au ciel et je prierai pour vous! » Puis, de sa main débile, montrant sa mère qui pleurait à son chevet, il ajouta pour la lui recommander : « C’est ma mère! ».

3. Débuts de l’œuvre

Pour subvenir aux aumônes et aux œuvres de charité, pour fonder un modeste refuge, la jeune veuve dut vendre une partie de ses immeubles. Le 4 mars 1828, elle ouvrit le Refuge de la rue Saint-Laurent, où elle accueillit une quinzaine de sexagénaires et une veuve de 102 ans. En 1831, elle en établit un second dans la rue Saint-Philippe. Puis elle créa une Société de neuf dames patronnesses, connu par la suite sous le nom de Dames de Charité. Le choléra des années 1832 et 1834 leur amena de nombreuses infirmes. M. Olivier Berthelet leur fit don d’une maison située sur la rue Sainte-Catherine, tandis qu’une demoiselle, Madeleine Durand, se donnait au service des hospitalisées. Le 3 mai 1836, 24 vieilles femmes occupèrent la Maison jaune, au coin de la rue Saint-Hubert, et la fondatrice rédigea un règlement de vie à sa communauté naissante.

L’insurrection de 1837 jeta en prison une foule de détenus politiques : Mme Gamelin s’empressa de les visiter et de les consoler. On l’appela « l’ange des prisonniers ». Dès lors, la visite des prisons est restée traditionnelle dans l’Institut de la Providence. En 1839, la fièvre typhoïde la conduisit au bord de la tombe; elle rapporta plus tard (1848) que, dans l’agonie, elle eut une apparition de la Vierge Marie, de son époux, de ses trois enfants et que, reprenant ses sens, elle dit : « Ne pleurez plus, je ne mourrai pas maintenant. » Le 13 décembre 1841, on célébra la première messe au Refuge et l’abbé Prince fut nommé chapelain. Le 2 février 1842, la fondatrice fit en secret le vœu de continence parfaite.

Le 18 septembre 1841, la législature accordait à l’Institut l’incorporation civile sous le titre « Corporation de l’Asile des femmes âgées et infirmes de Montréal ». La Corporation comprenait douze dames : Mme Gamelin, directrice, Mlle Durand, sous-directrice, Mme Nolan, trésorière, les dames P.-J. Lacroix, A. Cuvillier, A.-M. Delisle, E.-R. Fabre, D.-B. Viger, J. Perrault, S. Delorme, Mlle T. Berthelet. Le 6 novembre suivant, Mgr Bourget conféra à la Corporation l’érection canonique; puis, dans un voyage en France, il implora en vain pour l’œuvre au berceau le concours des Filles de Saint-Vincent de Paul.

4. La fondation

Sept jeunes filles sollicitèrent l’honneur de se consacrer au service des pauvres et des infirmes. Mgr Bourget les fit mettre en retraite. La prise d’habit eut lieu le 25 mars 1843; mais l’une des novices étant sortie en juillet, Mme Gamelin occupa sa place. L’évêque de Montréal voulut, avant de l’admettre, qu’elle visitât les couvents de Saint-Vincent de Paul aux Etats-Unis. Elle se rendit, au mois de septembre, à Boston, à New York, à Emmitsburg, et en rapporta une copie des Constitutions. Le 8 octobre 1843, elle prit l’habit et fit sa profession, le 29 mars 1844; pendant la cérémonie, on donna lecture du mandement qui érigeait canoniquement l’Institution des Sœurs de Charité de la Providence. Le lendemain, sœur Gamelin fut élue Supérieure, sœur Vincent-de-Paul assistante, sœur Thibodeau maîtresse des novices et sœur Caron dépositaire. En mai, on fonda l’œuvre des Orphelines et, en septembre, celle des Dames pensionnaires; la maison comptait déjà un personnel de 120 âmes. L’année suivante, l’affluence des pauvres et des infirmes nécessita l’agrandissement de l’Asile. On y ouvrit un Dépôt ou appartement où l’on distribue les secours aux miséreux du dehors.

Au printemps de 1846, la Mère Gamelin installa deux sœurs à la ferme Saint-Isidore de la Longue-Pointe; le 15 mai, elle ouvrit un hospice à Laprairie de la Madeleine. L’immigration irlandaise (1847-1848) amena à Montréal environ 6000 infortunés qui périrent en grand nombre du typhus. On les accueillit dans les abris de la Pointe-Saint-Charles, où ils reçurent les soins des Sœurs de la Providence et des Religieuses de l’Hôtel-Dieu; les orphelins furent recueillis à l’hospice Saint-Jérôme-Émilien. En 1848, on inaugura, sous le patronage de sainte Blandine, l’Œuvre des Servantes sans place, qui ne vécut malheureusement que peu d’années. Puis, la supérieure se chargea de l’École Saint-Jacques, école gratuite en faveur des enfants pauvres du quartier. Le 15 août, était fondée la mission Sainte-Elisabeth de Joliette, dans le dessein d’instruire les jeunes filles, d’hospitaliser les vieillards et les orphelins, de visiter à domicile les pauvres et les malades. En 1849, le choléra sévit de nouveau en ville; d’accord avec le maire, M. Raymond Fabre, la supérieure ouvrit l’hôpital Saint-Camille, de juillet à septembre. Le 30 novembre, fut inauguré le Tiers-Ordre des Servites de Marie comme auxiliaires et qui se fusionna plus tard avec les Sœurs de l’Institut.

Au printemps de 1850, la fondatrice entreprit un second voyage d’information aux Etats-Unis. En février 1851, elle ouvrait à la Longue-Pointe l’institution des Sourdes-Muettes : ce fut le dernier fleuron de sa couronne. Le 23 septembre, après la visite officielle à ses établissements, elle succomba rapidement à une attaque de choléra et fut inhumée le lendemain.

source: Louis Le Jeune, article « Émilie Gamelin » de son Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, moeurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, vol. 1, p. 685-686 (ouvrage du domaine public)

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