Comenius

28 / 03 / 1592-1670

«Jean Amos Comenius, bien qu'il soit peu connu, même d'un public relativement cultivé sur le plan de l'histoire, est une figure marquante de la pensée moderne, au même titre que le sont des hommes d'une notoriété publique indéniable tels René Descartes, Thomas Hobbes, Jean-Jacques Rousseau, Karl Marx, Charles Darwin ou Sigmund Freud. Le caractère prédominant de son influence sur la pédagogie des trois derniers siècles est reconnu par la plus éminente des autorités pédagogiques, l'UNESCO, organisation qui, dans une grande mesure, préside aux destinées éducatives du monde contemporain. C'est ainsi que la distinction la plus haute que l'UNESCO puisse accorder à un éducateur se nomme la Médaille Comenius, que l'Éducateur appelle "symbole suprême créé par le gouvernement de la République tchèque et l'UNESCO"2. Il est utile aussi de rappeler que la conception première de cette organisation internationale de l'éducation, comme d'ailleurs de la Société des Nations, puis de son successeur, l'Organisation des Nations Unies, et même du Conseil Oecuménique des Églises, remonte aux écrits (aujourd'hui devenus des institutions) de Comenius lui-même. L'UNESCO, en la personne de Jean Piaget qui présida longtemps à ses destinées pédagogiques, avait reconnu en Comenius son saint patron. En effet, en 1957 l'UNESCO publiait un recueil de Pages choisies de Jean Amos Comenius, précédé d'une Préface enthousiaste de Jean Piaget alors directeur du Bureau International de l'Éducation. [...]

Jean Amos Comenius est né le 28 mars 1592 dans la petite ville de Uhersky-Brod en Moravie, dans une famille prospère (son père était maître meunier) appartenant à la tendance la plus stricte de ceux qui avaient adopté les doctrines de Jean Hus, l'Unité des Frères. Voici comment, dans sa biographie de Comenius, Mme Heyberger caractérise sa formation au sein de cette communauté :

C'est au foyer d'une de ces familles de l'Unité des Frères, sans aucun doute d'une piété fervente, adonnée à la lecture quotidienne de la Bible et à l'interprétation des textes, sévère dans ses moeurs, et considérant l'obéissance à la loi divine comme le devoir suprême de l'homme, que naquit Comenius20.

En 1604, à l'âge de 12 ans, il perd son père et sa mère, puis, peu de temps après, également deux de ses soeurs. Il est alors recueilli par une tante habitant la ville de Straznice, sur la frontière hongroise. Mais, l'année suivante, cette ville est conquise et incendiée par les Turcs et les Hongrois. Échappant du désastre à travers les forêts, Comenius parvient à retrouver le pays de son enfance.

En 1608, à l'âge de l6 ans, il entre à l'école latine de Prérov, où ses dons attirent l'attention de son directeur, l'évêque de l'Unité, Jean Lanecky. Comenius, soutenu par ce puissant patronage, poursuit ses études académiques et s'inscrit, en mars 1611, à l'université calviniste de Herborn en Allemagne. Là, sous l'influence des théologiens Piscator et Alsted, il s'initie aux doctrines du millénarisme. Cette attente passionnée d'un royaume millénaire parfait du Christ sur terre marqua définitivement Comenius. A Herborn, toute la pensée des étudiants, dans tous les domaines, était soumise à la Bible, et l'enseignement donné était très critique à l'égard des philosophes païens, en particulier d'Aristote. C'est là que Comenius apprit à ne pas chercher les fondements de la pensée dans la philosophie, mais dans la Parole de Dieu21. En 1613, il s'inscrit à la célèbre université de Heidelberg.

De retour en Moravie en 1614, il prend, à la demande de l'Unité des Frères, la direction de l'école de Prerov. Il est alors âgé de 22 ans. En 1616, il est consacré au ministère pastoral dans l'Église Morave. En 1618, on lui confie une des paroisses les plus importantes de Moravie, celle de Fulneck, et cette même année il épouse Madeleine Visovska qui lui donnera deux enfants. Le 8 novembre 1620, à la bataille de la Montagne Blanche, les forces tchèques sont mises en déroute par celles de l'Empereur ; l'espoir d'un Royaume tchèque hussite prend ainsi brutalement fin. Au printemps de 1621, la ville de Fulneck est à son tour prise par les troupes espagnoles. La vie de son pasteur, Comenius, est mise à prix. Il doit alors fuir dans les forêts avoisinantes pour sauver sa vie, contraint d'abandonner sa femme enceinte et son fils. C'est, caché dans une retraite sûre, qu'il écrit pour son épouse un traité de consolation intitulé Réflexions sur la perfection chrétienne. Dans la préface, on lit ceci :

Car en marchant sur mes tristes chemins, j'ai beaucoup réfléchi au singulier dessein de Dieu envers nous, ses élus, qui veut que ces épreuves ne soient pas toujours agréables, mais toujours utiles à notre salut. Reconnaissant la douceur sous l'amertume, avant de m'éloigner davantage de toi, je me suis proposé, dans ce lieu où j'ai pu trouver un abri pour quelques jours, de t'écrire sur ces choses pour te faire plaisir, ou au moins pour adoucir ton affliction et la mienne ; je t'envoie une copie ; l'autre, je la prends avec moi en guise de compagnon22.

Peu après, sa femme et ses deux enfants meurent de la peste sans que le père ait jamais pu voir le dernier né. Ainsi, dans le désastre provoqué par le début de la Guerre de Trente Ans, Comenius perd son Église, sa patrie, sa famille et tous les immenses travaux théologiques, linguistiques et encyclopédiques dans lesquels il s'était engagé avec ardeur. [...]

C'est aussi, semble-t-il, à l'époque de son ministère à Fulneck que Comenius commença à s'intéresser aux recherches ésotériques de Jean Valentin Andreae, le fondateur de la Rose-Croix. Son intérêt pour le mysticisme gnostique et panthéiste de cette secte jouera un rôle important dans le développement de sa passion pour une connaissance immédiate, totale et absolue, véritable gnose pseudo-divine, et de ce qui en découla tout naturellement, son messianisme pédagogique au caractère si nettement utopique.

Nous ne nous attarderons pas à la vie ultérieure de Comenius, sauf pour dire qu'elle fut une suite d'épreuves et de déracinements. Au cours de l'été 1624, Comenius se remarie avec la fille du pasteur Cyrille, Dorothée. Comenius se tourne alors vers des visionnaires, comme un certain Christophe Kotter, tanneur de métier qui, dès 1624, émet des prophéties annonçant la prochaine défaite des puissances catholiques et le rétablissement de la foi biblique en Moravie. En effet, toute sa vie Comenius fut comme fasciné par les plus absurdes révélations, pour autant qu'elles puissent alimenter son espoir toujours renaissant, toujours inassouvi d'un rétablissement prochain de son Église et de sa patrie. Il traduit ces prophéties qui confirment son ardent désir de voir sa patrie libérée, et les fait publier en tchèque et en allemand. Il obtient la confirmation de leur authenticité par d'autres responsables de l'Unité des Frères. Mais ce ne sont là que des lumières trompeuses, toujours démenties par les faits et qui n'annoncent que des événements qui ne se produiront jamais. Mais peu importent les faits ; il faut y croire, car ces illusions confirment une espérance utopique qui permet de vivre l'exil en préparant l'avenir. En couvrant ces fabulations trompeuses de son autorité, Comenius donna un dangereux crédit à ces illusions, car plusieurs chefs du parti protestant y crurent dur comme fer, et y conformèrent leur action. Cette crédulité conduisit à plusieurs reprises le parti protestant aux échecs les plus cuisants et à des désastres militaires et politiques irréparables. Ce n'est pas en adhérant à de telles erreurs que l'on attire les bénédictions divines !

Nous voyons, donc dès cette époque, une influence occulte, à la fois anti-biblique et irrationnelle, dominer la pensée de Comenius. Cet irrationalisme l'accompagnera à tout instant et on en trouvera la marque dans tous ses écrits philosophiques et pédagogiques. On voit s'installer chez lui une dichotomie permanente entre une pensée biblique, d'une part, et une pensée profane, d'autre part, utopique et messianique en contradiction complète avec les données tant de la Bible que du sens commun. Comme l'écrit Marcelle Denis,

La foi que Comenius attache à ces révélations est immense. Si elles l'encouragent au début, elles l'orientent sur la voie d'un mysticisme qui aveuglera son jugement au point de lui faire perdre toute crédibilité auprès des rationalistes, notamment des Français comme Descartes et le Père Minime Mersenne24.

Cette passion pour les révélations extra-bibliques poursuivra Comenius durant toute sa vie. En 1628, l'année où il décide finalement de s'établir à Leszno en Pologne avec un reste de l'Unité des Frères, il se fera accompagner par une jeune hallucinée de seize ans, Christine Poniatowska, qui, elle aussi, prophétise le retour dans la patrie et la défaite de l'ennemi catholique. C'est elle qui lui indique par prophétie le lieu de leur refuge. Voici comme Anna Heyberger décrit l'emprise de cette prophétesse sur Comenius :

C'est ainsi que Christine Poniatowska, devenue orpheline, est recueillie par les Comenius comme leur propre fille. Bientôt de véritables assemblées se tiennent autour d'elle, aux moments (généralement elle les prévoit) où se produisent ses visions. (…) Quant à Comenius, rien ne peut ébranler sa foi en la mission divine de cette vierge, car il connaît la sincérité de ses sentiments religieux et patriotiques. (…) Quelles sources d'encouragement pour les exilés qui ne se lassent pas de relire ces prophéties ! La tension excessive résultant de cette perpétuelle extase a cependant raison de Christine ; le 27 janvier 1629, elle est victime d'une crise de catalepsie qui fait croire à sa mort. Elle se rétablit, néanmoins, tout aussi subitement, et dans plusieurs églises on célèbre sa guérison miraculeuse. Comme un pasteur hasarde quelques objections, Comenius publie son traité De veris ac falsis prophetis, pour convaincre ceux qui peuvent encore douter de la véracité de ces visions. (…) Les phénomènes surnaturels semblent, du reste, à cette époque, avoir rencontré parmi les intellectuels des prosélytes facilement crédules25.

Nous retrouvons la même passion de Comenius pour les révélations extra-bibliques lors de son séjour de 1651 en Hongrie où il s'était rendu, invité par la famille royale des Rakoczi pour y fonder des écoles. Anna Heyberger écrit à ce sujet les lignes suivantes :

Comme nous l'avons vu, Comenius a subitement triomphé de l'accablement et de la tristesse causés par les suites funestes du pacte de Westphalie ; à Sarospatak, il a poursuivi à nouveau la réalisation de son oeuvre didactique avec une énergie, une souplesse et un entrain vraiment surprenants. (...) De même que, jadis, les prophéties de Kotter et de Christine Poniatowska avaient stimulé le génie créateur de Comenius, de même, alors, les prophéties de Nicolas Drabicius lui ont restitué toute sa force morale et intellectuelle. (…) Au cours de son premier voyage en Hongrie, il eut l'occasion de voir Drabik et de s'entretenir avec lui : il garda de cette entrevue une impression ineffaçable. Ces visions, dont le récit le troublait profondément, ne faisaient guère, en réalité, que traduire les vagues espérances qu'il gardait en la résurrection de la patrie ; il tâcha pourtant de les soumettre à un examen impartial, en suppliant Dieu d'éclairer son jugement. Sa raison résistait encore, mais sa volonté était déjà gagnée à la cause des révélations. Comenius sortit enfin de cette crise, animé d'une pleine confiance en ces "messages de Dieu" et en la justice divine qui, après tant de revers, devait libérer sa patrie par l'anéantissement de la puissance autrichienne. C'était Drabik qui avait pressé Comenius d'accepter l'offre du prince Sigismond, parce qu'il voyait dans la famille des Rakoczi l'instrument de Dieu. Le père, Georges Ier, de son vivant, n'a pas voulu écouter les voix divines. D'après Drabik, ce devait donc être son fils Sigismond, qui était destiné à exécuter le plan divin. Après la mort de celui-ci, c'était, disait le prophète, Georges, prince de Transylvanie. Toutes les fois que faibliront l'espoir ou les convictions de Comenius, Nicolas Drabik affirmera, sous la foi du serment, que ses visions ont bien été inspirées par Dieu. Comenius avait personnellement de l'affection pour Drabik, et, quoiqu'il connût toutes ses faiblesses, il se consolait en se disant que Dieu pouvait choisir même un indigne pour exécuter sa sainte volonté. (…) Toujours est-il qu'à son retour de Sarospatak, "le troisième dimanche après la Trinité", Comenius va rendre visite à Drabik, pour entendre ses plus récentes prophéties et le consulter au sujet de la conduite à tenir26.

Plus loin, Anna Heyberger écrit :

Durant toute cette période (1656-1657), Drabicius ne cesse d'engager Comenius à publier ses révélations, tantôt en le suppliant, tantôt en le menaçant du courroux de Dieu. Lorsqu'après la mort de Ferdinand III, la libération de la patrie paraît proche, Comenius assemble le 7 juillet plusieurs pasteurs de ses amis chez le pasteur Rulicius ; ils adressent des prières ferventes à Dieu, et décident ensuite de publier en latin les révélations de Kotter, de Poniatowska et de Drabicius, sous le titre de Lux in tenebris, mais de ne les envoyer qu'aux hauts personnages qu'elles concernent. C'est en vain que Figulus s'efforce de détourner son beau-père de ce projet. (…) Les opinions sont diverses. Les lettres que Hartlib reçoit nous révèlent l'état d'esprit qui régnait alors en Angleterre et ailleurs : "Les desseins de Dieu pour l'avenir se dévoilent dans les révélations de Drabicius", écrit le pasteur Beale, "et il n'est pas possible que ce soient là des rêves ordinaires." Les jansénistes français s'intéressent également à la Lux in tenebris et en achètent de nombreux exemplaires. (…) Un huguenot français écrit que c'est là une "doctrine très dangereuse en ses suites, aisée à retomber sur nous et fort peu concordante au fond avec la douceur et l'esprit de l'Évangile". (…) Pour prouver l'authenticité des révélations, Comenius publie encore, la même année, sa volumineuse Historia revelationum. Ce livre est un document d'un intérêt capital : Comenius, comme toujours, plein de scrupules, fait l'historique complet des événements qui, pendant trente ans, ont touché de près ou de loin aux prophéties27.

Elle ajoute plus loin :

Drabicius continue à pourvoir Comenius de prophéties et d'instructions, et son influence sur celui-ci devient de plus en plus grande. Comenius prépare une nouvelle édition de prophéties, magnifiquement illustrée ; il modifie le titre de l'ouvrage, qui devient Lux e tenebris. Cette publication a un but nettement politique. En 1665, Comenius abandonne l'anonymat et n'hésite plus à la signer de son nom. Il fait suivre l'introduction de lettres ouvertes. En premier lieu, il s'adresse à l'empereur Léopold et l'exhorte à faire pénitence, pour son bien et pour celui des siens ; ensuite, il rappelle au pontife romain, Alexandre VII, et à ceux qui l'entourent, leur premier devoir, qui est de suivre en tout l'exemple des apôtres ; enfin, il adjure les princes de veiller au bien-être de leurs sujets. mais c'est au roi très chrétien, Louis XIV, qu'il assigne la tâche principale : il le supplie de convoquer en concile les représentants de toute la chrétienté, afin d'aplanir les différends religieux et politiques qui divisent l'Europe entière, et de faire régner à nouveau la paix dans le monde. (…)

Comenius, qui n'a vu aucun de ses voeux exaucé, passe le crépuscule de sa vie en rêves mystiques. Il entre en relations amicales avec Labadie et avec la prophétesse Antoinette Bourignon ; dans leur amitié et dans la correspondance qu'il entretient avec eux, il trouve un réconfort pour sa vieillesse et un soulagement pour sa maladie28.

C'est à partir de 1630 environ que Comenius se dirige de plus en plus vers des travaux pédagogiques, ainsi que vers la composition de sa Pansophie, un système de pensée qui se veut absolument exhaustif, traitant de tous les sujets, une véritable encyclopédie universelle qu'il conçoit comme moyen de salut par l'illumination de l'intelligence des hommes. Ici encore, il ne lui est pas possible de se défaire de l'influence occulte. Citons encore la biographie de Anna Heyberger :

L'auteur dont il subit le plus profondément l'influence est Johannes Valentinus Andreae (le fondateur de la Rose-Croix), dont il ne cesse de parler avec une touchante reconnaissance, car Andreae "a réussi à éclairer toutes les erreurs de la vie humaine". Comenius le prie de le compter parmi ses admirateurs, disciples et fils, et Andreae à son tour l'encourage dans ses recherches pédagogiques29.

Ce qui est surprenant, c'est à quel point Comenius manifestait ses convictions rosicruciennes ouvertement, sans que cela affecte le moins du monde sa réputation d'orthodoxie dans les milieux chrétiens. Ainsi son ouvrage sur la physique chrétienne, l'Abrégé de physique, fut publié à Londres en 1651, sous le règne des Puritains, avec le titre suivant :

La lumière divine d'un Rose-croix ou Abrégé de physique, par J. A. Comenius. Où il est question du monde en général, et des créatures particulières qu'il contient, sur la base des principes de la Sainte Écriture30.

Le titre de l'édition originale de 1632 était le suivant :

L' Abrégé (ou le plan) de la Physique de J. A. Comenius réformé à la lumière de Dieu.

Prévot commente cette tentative digne d'un créationniste anti-copernicien et anti-galiléen ainsi :

Il s'agit donc bien d'une tentative pour ramener la science physique à l'orthodoxie chrétienne, pour concilier la physique et la Bible31.

De tels faits ne témoignent que trop clairement de la confusion qui régnait dans les milieux chrétiens au XVIIe siècle – même chez les docteurs puritains de la vieille et de la nouvelle Angleterre – entre spiritualité chrétienne et spiritualité ésotérique.

Le succès des innombrables publications utopiques de Comenius, tant pansophiques (c'est-à-dire gnostiques) que pédagogiques est immense. On réclame partout leur auteur. Même le cardinal de Richelieu lui adressa une invitation pressante à se rendre en France pour y établir un Collège Pansophique. Il visite la Suède, travaille en Hongrie, s'établit quelque temps en Angleterre, au début de la Révolution puritaine (en 1641), où il exerça une influence marquante sur les milieux scientifiques. Il y influença les travaux visant à la constitution d'une Académie des Sciences, travaux qui aboutirent à la fondation de la Royal Society. John Winthrop l'invita même à se rendre Outre-Atlantique dans la colonie puritaine du Massachusetts, pour y diriger le célèbre Collège de Harvard.

La paix de Westphalie de l'automne 1648, qui met fin à la guerre de Trente Ans, livre définitivement les terres tchèques aux mains des Habsbourg et ferme tout espoir humain à un retour des membres de l'Unité des Frères dans leur patrie. De retour de Suède, Comenius a le chagrin de perdre sa seconde épouse. Il se remarie une troisième fois. En 1650, à l'âge de 58 ans, Comenius est nommé au poste de Praeses, d'évêque de l'Unité des Frères, ce qui alourdira encore ses responsabilités envers son Église dispersée à travers toute l'Europe. En avril 1656, le refuge polonais des frères, Leszno, tombe lui aussi entre les mains des catholiques polonais. La ville est pillée et incendiée, ceux qui n'ont pu s'enfuir sont massacrés. Comenius perd une fois de plus ses manuscrits, sa bibliothèque, toute l'oeuvre d'une vingtaine d'années. Il doit reprendre à nouveau le chemin de l'exil. Les Pays-Bas lui offrent un asile, et il s'établit enfin, en 1656, dans la ville d'Amsterdam qui lui offre une pension de 800 florins. Là, le Sénat s'engage à publier l'ensemble de ses oeuvres didactiques. C'est dans cette ville opulente et si accueillante envers tant de réfugiés qu'il finira ses jours (il mourra le 15 novembre 1670 à l'âge de 78 ans), travaillant toujours au développement de son oeuvre pansophique, oeuvre d'un rationalisme gnostique et dialectique qui conduisit le monde protestant du XVIIe siècle à accueillir sans obstacle l'esprit utopique, anti-chrétien, anti-rationnel et anti-réaliste, du rationalisme humaniste des Lumières.»


Notes
20 Anna Heyberger, Anna Heyberger, Jean Amos Comenius. Sa vie et son oeuvre d'éducateur, Champion, Paris, 1928. p. 19..
21 Anna Heyberger, op. cit, p. 23.
22 Anna Heyberger, op. cit., p. 30.
23 Anna Heyberger, op. cit., p. 33-34.
24 Marcelle Denis, Un certain Comenius, Publisud, Paris, 1992, p. 23.
25 Anna Heyberger, op. cit, p. 43-44. Le recueil français des prophéties de cette fille fut publié en 1629 à Arnheim et aussi à Genève. Les éditions allemandes se succédèrent jusqu'en 1761.
26 Anna Heyberger, op. cit, p. 88-89.
27 Anna Heyberger, op. cit., p. 95-99.
28 Anna Heyberger, op. cit., p. 101-104.
29 Anna Heyberger, op. cit., p. 45.
30 Prévot, op. cit., p. 51.
31 Ibidem.

Source: Jean-Marc Berthoud, Jean Amos Comenius et les sources de l'idéologie pédagogique.
Ce texte auquel nous vous renvoyons est lui-même un chapitre d'un livre de Jean-Marc Berthoud :L'école et la famille contre l'utopie, paru aux Éditions L'Age d'Homme à Lausanne en 1998.

Actualité de Comenius

Si l'actualité de Comenius est incontestable, elle ne réjouit pas tout le monde. À l'Unesco, on considère Comenius comme le fondateur de la pédagogie moderne et l'on fait grand cas de l'article que Jean Piaget lui a consacré en 1957, au milieu de son règne de directeur général du Bureau international d'éducation.

Voir, en document associé, le texte complet l'article de Piaget et ci-après la conclusion.

Voici le point de vue d'un compatriote de Jean Piaget, monsieur Jean-Marc Berthoud.

«Dans l'Avertissement aux lecteurs, par lequel s'ouvre sa Grande Didactique, Comenius écrit :

Mais j'ose promettre, moi, une grande didactique, c'est-à-dire un art universel qui permet d'enseigner tout à tous avec un résultat infaillible ; d'enseigner vite, sans lassitude ni ennui chez les élèves et chez les maîtres, mais au contraire dans le plus vif plaisir ; de donner un enseignement solide, surtout pas superficiel ou formel, en amenant les élèves à la vraie science, à des moeurs aimables et à la piété de coeur. Enfin, je démontre tout cela a priori, c'est-à-dire en le tirant de la nature immuable des choses ; comme d'une source vive coulent sans cesse des ruisseaux qui s'unissent finalement en un seul fleuve, j'établis une technique universelle qui permet de fonder des écoles universelles32.

Voici un programme pédagogique bien modeste ! Enseigner toutes choses à tous les enfants, passe encore. Mais avec la garantie d'un succès infaillible ; plus encore, enseigner tout, à tous, infailliblement et rapidement, sans effort et sans peine. Autant dire apprendre en dormant, avec en plus la garantie de rêves agréables. Et un tel enseignement infaillible, procurant aux élèves et aux maîtres le plus vif plaisir, aurait pour effet de produire des moeurs aimables et même une vraie piété. Voici de quoi faire pâlir de jalousie les partisans de cette pédagogie formative de la personnalité de l'élève, qui aujourd'hui connaît une telle vogue aux États-Unis, et qu'on commence à introduire dans le canton de Vaud avec la nouvelle loi scolaire, École vaudoise en mutation (EVM 96)33. Finalement, tout cela coule de source, provient d'une étude attentive (et aisée) de la réalité scolaire dont on extrait ainsi, presque automatiquement, des recettes parfaites et infaillibles. Mais il y a bien plus encore. Dans la Didactique tchèque nous lisons :

J'appellerai école parfaite celle qui sera vera hominum officina, celle où la lumière de la sagesse éclairera l'esprit des élèves, et lui fera saisir promptement toutes choses manifestes et cachées, où les âmes et leurs émotions seront amenées à une harmonie universelle et les coeurs remplis et pénétrés de l'amour divin, afin que tous ceux qui auront été confiés aux écoles chrétiennes, pour y être imprégnés de sagesse, apprennent à vivre une vie céleste sur cette terre34.

Ainsi est attribuée à l'école une vocation messianique universelle, le salut du monde entier par voie pédagogique. C'est bien le but recherché par l'éducation américaine si bien analysée par Rousas J. Rushdoony dans son étude Le caractère messianique de l'éducation américaine35. Il y aussi dans cette vision d'une pédagogie infaillible et automatique, une conception mécanique du processus éducatif, comme si l'élève recevait l'éducation comme un vase reçoit l'eau qu'on y verse. Ici, dans un langage d'apparence chrétienne, Comenius nous présente un projet pédagogique utopique parfaitement mécanique qui ressemble fort à celui de nos psycho-pédagogues romands, petits imitateurs vaudois des Skinner et autres thaumaturges américains de l'école formative de la personnalité des enfants. L'utopie pseudo-chrétienne prônée par Comenius au XVIIe siècle est devenue, par une espèce de mutation laïcisante, le conditionnement mécanique de la psycho-pédagogie tant à la mode en ce XXe siècle finissant. »


Notes
32 J. Prévot, L'Utopie éducative. Comenius, Belin, Paris, 1981, p. 36.
33 La pédagogie formative met l'accent sur la formation de toute la personnalité de l'élève, ceci en contraste avec la pédagogie traditionnelle, beaucoup plus modeste, qui ne cherche qu'à former son intelligence ou ses aptitudes.
34 Anna Heyberger, op. cit., p. 113.
35 R. J. Rushdoony, The Messianic Character of American Education, The Craig Press, Nutley, New Jersey, 1966. Pour une vision saine de l'instruction des enfants dans une perspective chrétienne, voyez : R. J. Rushdoony, The Philosophy of the Christian Curriculum, Ross House Books, P.O. Box 158, Vallecito, CA 95251, 1981

Source: Jean-Marc Berthoud,
Jean Amos Comenius et les sources de l'idéologie pédagogique.
Ce texte auquel nous vous renvoyons est lui-même un chapitre d'un livre de Jean-Marc Berthoud :L'école et la famille contre l'utopie, paru aux Éditions L'Age d'Homme à Lausanne en 1998.


L'actualité de Comenius selon Piaget.

Au terme de cette brève esquisse, cherchons, pour conclure, en quel sens nous avons le droit de parler de l'actualité de Comenius.

«Cette actualité ne tient pas à ses méthodes de démonstration, puisque Comenius n'a pas dominé la science de son temps et n'a pas compris les raisons qui poussaient ses contemporains à créer des sciences particulières, distinctes de la philosophie. Mais, par un paradoxe extrêmement instructif du point de vue de l'histoire des sciences, ce métaphysicien qui rêvait d'une connaissance intégrale a précisément contribué, en écrivant une Grande didactique et ses traités spéciaux, à créer une science de l'éducation et une théorie de la didactique envisagées à titre de disciplines autonomes. On peut dire que c'est là sans doute son principal titre de gloire, sans sous-estimer, comme on vient de le voir, ses initiatives sur le plan social et international.

Or ce qui rend compte de ce paradoxe et ce qui, de manière générale, explique pourquoi Comenius demeure si actuel malgré le caractère suranné de son appareil métaphysique, c'est que ce maître a su, dans tous les domaines qu'il a abordés, conférer une signification extrêmement concrète aux notions clefs de sa philosophie. Ses deux idées centrales sont sans doute, à cet égard, celle d'une nature créatrice de formes et celle du parallélisme entre le travail humain et celui de la nature. Peu importe alors qu'il se soit contenté, pour ce qui est des formes de la nature et de celles de l'organisation humaine, de notions globales et en partie mystiques ; il reste qu'en étudiant plus scientifiquement l'évolution des êtres, le développement de l'enfant et les structures sociales, on peut retrouver les grandes vérités coméniennes en élargissant simplement le cadre de Comenius, mais sans le faire craquer. Il demeure vrai, en effet, quel que soit le langage utilisé pour décrire ces faits, que l'enfant se développe selon des lois naturelles, que l'éducation doit tenir compte de ce développement, que les sociétés humaines évoluent aussi selon certaines lois et que l'éducation est également fonction de ces structures sociales. Comenius est donc de ces auteurs qu'il n'est pas nécessaire de corriger et de contredire pour les moderniser, mais seulement de traduire et de prolonger.

Quant aux idéaux normatifs de Comenius, tels que son idée centrale de la démocratisation de l'enseignement ou son autre idée cardinale de la nécessité d'une organisation internationale (sur tous les terrains mais avant tout sur celui de l'éducation), loin d'être affaiblis par une telle transposition, ils n'en ressortent que plus solides et plus actuels.

Mais le mérite suprême du grand éducateur tchèque est d'avoir soulevé une série de nouveaux problèmes. En effet, si les théories passent, les problèmes sont permanents, car ils se renouvellent et se diversifient sans cesse en conservant leur vertu initiale d'orienteurs de la recherche. D'un tel point de vue, même les théories insuffisantes ou inexactes ont souvent eu, dans l'histoire des sciences et des techniques, une importance décisive, précisément à cause des problèmes nouveaux qu'elles soulevaient.

Peu importe à cet égard que la conception génétique de l'éducation proposée par Comenius et que ses idées sur le développement mental aient été solidaires d'idées néoplatoniciennes sur le «retour» des êtres, ou soient issues de toute autre source philosophique: l'essentiel est que, situant cette remontée au niveau du travail humain et en parallélisme avec les processus formateurs de la nature, Comenius ait soulevé ainsi une série de problèmes nouveaux pour son siècle: celui du développement mental, celui des fondements psychologiques des méthodes didactiques, celui des relations entre l'école et la société et de la nécessité d'organiser ou même de réglementer les programmes et les cadres administratifs de l'enseignement, celui enfin d'une organisation internationale de la recherche et de l'éducation.

Avoir pris conscience de l'existence de telles questions et inlassablement souligné leur importance vitale pour le devenir de l'humanité demeure le plus grand titre de gloire du célèbre éducateur.»

Jean Piaget, "Janmos Comenius (1592-1670)", Perspectives (UNESCO, Bureau international d'éducation), vol. XXIII, n° 1/2, 1993, p. 175-99.
©UNESCO: Bureau international d'éducation, 1999. Ce document peut être reproduit librement, à condition d'en mentionner la source (mention apparaissant sur le document original)

Comenius métaphysicien selon Jean-François Mattei

«Toutes nos actions et nos passions dans cette vie nous montrent que notre fin ultime n'est pas ici-bas, mais que nous­mêmes et tous nos actes tendons à autre chose. Quoi que nous soyons, fassions, pensions, disions, combinions, acquérions, pos­sédions, tout cela n'est qu'une étape. Nous avançons pas à pas, gravissant marche après marche, imaginant toujours une marche supplémentaire. Nous n'atteignons cependant jamais l'étape suprême. Car, à l'origine, l'homme n'est rien. »1
1. Comenius, Didactica Magna, 1657, trad. fr., La grande didactique ou l'art universel de tout enseigner à tous, Paris, Klincksieck, 1992, p. 47. Il faut ici dénoncer la récupération, en forme de contresens, des thèses du philosophe tchèque par certains courants de la pédagogie moderne dont la lecture est sélective. Patocka a bien établi, dans « Comenius und die offene Seele s ("Comenius et l'âme ouverte"), in L'écrivain: son objet, Paris, Presse Pocket, 1990, à quel point le pédocentrisme contemporain a trahit Comenius en faisant sauter tous les passages métaphysiques de son oeuvre consacrée aux fins de l'homme. On a fait ainsi de Comenius, avec Philippe Meirieu, le père du constructivisme en occultant et en déformant le sens de son enseignement.

Citation et commentaire par Jean-François Mattei, dans La barbarie intérieure, Paris, PUF, 1999, p.179




Chronologie de la vie et de l'oeuvre de Jan Amos Comenius

Établie par Giuliana Limiti

1592 Naissance à Uherský Brod (Moravie).

1608 Études à l'école de Prerov.
Œuvre : Commence à élaborer le Thesaurus linguae bohemicae [Trésor de la langue tchèque], dictionnaire phraséologique et stylistique sur lequel il continuera à travailler pendant des années, et dont le manuscrit sera perdu dans l'incendie de Leszno en 1656.

1610 Études à l'Université de Herborn; lit le De studiorum rectificanda methodo consilium de
Ratke, livre qui le pousse à entreprendre des études de didactique.

1612 Poursuit ses études à l'Université de Heidelberg.

1614 Enseigne à Prerov.
Œuvre: Poussé par la lecture de Ratke et s'inspirant de sa propre expérience d'enseignant, écrit les Grammaticae facilioris praecepta [Préceptes d'une Grammaire plus facile] avant ses manuels scolaire (première édition, Prague, 1616).

1616 Devient ministre réformé de l'Église de l'Unitas fratrum bohemorum.
Œuvre: Pendant les années suivantes travaille à une encyclopédie, Theatrum universitatis rerum [Théâtre de l'universalité des choses], dans le prologue duquel sont énumérés les thèmes absents de la culture de la Bohême qu'il a l'intention de développer. Fait le projet de compléter le Theatrum par un Amphitheatrum et un Theatrum scripturae qu'il complétera et publiera plus tard. Pendant le années des dures défaites subies par la Bohême, écrit des ouvrages de théologie et de morale (souvent autobiographiques), dont le Labyrinth sveta à ràj srdce [Le labyrinthe du monde et le paradis du coeur], auquel il reviendra à la fin de sa vie.

1618 Début de la guerre de Trente Ans. Enseigne et exerce son ministère à Fulnek (jusqu'en 1623).

1620 Défaite des États insurgés de Bohême à la Montagne Blanche.

1623 3 mai: à Fulnek, mise à sac par les troupes impériales, perd sa famille, sa maison et sa bibliothèque, brûlée sur la place publique.

1626 Premier voyage en Hollande.

1627 Réfugié dans les montagnes de Bohême, lit la Didattica de Bodino, ouvrage qui l'incite à poursuivre ses études. Un édit impérial menace de bannissement les réformés. Comemius s'expatrie.
Œuvre: Commence à travailler à la Didaktika ceskà [Didactique tchèque], première version de la Didactica magna, conçue comme une partie d'un ensemble d'écrits à réunir sous le titre de Ràj ceski o Raj Cirkve [Paradis tchèque ou paradis de l'Église], dont il faut peut-être voir une ébauche dans les
Navreni krátke o obnovení skol o králostí ceskem [Brèves propositions pour la réforme des écoles du Royaume de Bohême] (première édition, Prague, 1849).

Période de Leszno

1628 3 février: est en exil à Leszno, en Pologne enseigne et rédige la première série organique de ses ouvrages didactiques. Entre 1628 et 1633, il écrit divers ouvrages didactiques.
Œuvre: Informatorium sko1y matérske [Livre pour les enseignants des écoles maternelles] (première édition, Leszno, 1633), qui paraîtra d'abord en allemand et ensuite en latin dans Opera didactica omnia. Ensuite paraissent des ouvrages qu'il définit de la manière suivante : Vernaculae scholae classis sex libelli [Six opuscules pour les classes de l'école nationale]: Violarium, Rosarium, Viridarium, Labyrinthus, Balsamentum, Paradisus, puis Janua linguarum reserata [La porte ouverte sur les langues] (première édition, Leszno, 1631), ouvrage conçu comme un «séminaire de tous les arts et de toutes les sciences», qui remplace son premier manuel de Grammaire facile et sera immédiatement traduit dans plusieurs langues. Pour faciliter la lecture de La porte ouverte sur les langues, il écrit Januae linguarum reseratae vestibulum [Vestibule de la porte ouverte sur les langues]. Pendant les années suivantes, Comenius poursuit ses activités didactiques, en expliquant l'utilisation de ses manuels aux enseignants des villes qui les ont adoptés et en projetant de les améliorer et de les enrichir. Le terme de cette activité didactique continue est la traduction en latin de la Didaktika ceskà, c'est-à-dire Didactica magna [La grande didactique], qui ouvrira le recueil des Opera didactica omnia [Oeuvres didactiques complètes], publiées ultérieurement. Pendant ces années-là, le projet original d'adjoindre à la Janua linguarum une Janua rerum [Porte ouverte sur les choses] ou d'élaborer, en collaboration avec d'autres savants, un Templum latinitatis [Temple de la latinité] (1636) ou un Templum sapientiae [Temple de la sagesse] prend la forme de recherches d'inspiration syncrétique sur la sagesse universelle qui débouchent sur la rédaction d'un Pansophiae prodromus [Prélude à la sagesse universelle] (première édition, Londres, 1637), envoyé pour consultation privée aux amis anglais et publié par ces derniers à l'insu de l'auteur.

1638 Invité en Suède pour réformer les écoles, ne donne pas suite à l'invitation, mais est poussé à traduire en latin la Didaktica ceska pour la diffuser dans toute l'Europe.

1639 Œuvre: En réponse aux interventions sur le Pansophiae prodomus écrit Conatuum pansophicorum dilucidatio [Explication des tentatives pansophiques] (première édition, Londres, 1639). Entre-temps, publie séparément quelques écrits scientifiques, représentant une partie de ses recherches pansophiques, dont Physica ad lumen divinum reformanda [La réforme de la physique suivant la lumière divine] (première édition, Leipzil, 1639).

1641 Hiver: sur l'invitation du Parlement (23 septembre), se rend en Angleterre pour collaborer à l'établissement d'un «Collège de savants».
Œuvre: 4 février: dans une lettre (adressée peut-être à Louis De Geer), expose l'idée d'une oeuvre dont feront partie une Pansophia et une Pampaedia, dont le nom apparaît pour la première fois.

1642 Sur la suggestion de Mersenne, est invité en France par Richelieu pour réformer les écoles. La mort de Richelieu réduit à néant le projet.
Juillet: rencontre avec Descartes à Endegeest.
Août: se rend en Suède pour discuter avec le chancelier Oxenstierna de la réforme de l'école. Est conduit à renoncer à ses projets pansophiques et à retourner à la didactique.
Œuvre: Écrit Via lucis [La voie de la lumière], où il propose une réforme culturelle et politique générale. Il doit renoncer à la faire publier en raison de la crise survenue en Angleterre, et la publiera plus tard (première édition, Amsterdam, 1668). De la même période date la Consultationis brevissima delineatio [Définition très brève de la consultation], première ébauche concrète de ce qui sera sa grande oeuvre De rerum humanarum emendatione consuitatio catholica [Consultation universelle sur l'amendement des choses humaines]. Pendant cette période, Comenius envisage un plan très proche du plan définitif, qui fait de la Pampaedia le centre d'un triptyque qu'ouvrent et que ferment respectivement une double introduction et une double conclusion.

4. Pampaedia
3. Pansophia 5. Panglottia
2. Panaugia 6. Panorthosia
1. Panegersia 7. Pannuthesia

Période d’Elblag (Elbing en allemand)

1642
17 octobre: s'installe à Elblag, en Pologne suédoise.
Œuvre: Commence à élaborer la Linguarum methodus novissima [Méthode inédite pour l'étude des langues] (première édition, Leszno, 1648), qui, comme la Didactica, constituera le fondement théorique d'une nouvelle série de manuels: Vestibulum latinae linguae/Vortür der lateinischen Sprache [Vestibule de la langue latine] (première édition, Leszno, 1649); nouvelle version bilingue (latin-allemand) de l'ouvrage antérieur Januae linguarum reserata vestibulum ; Latinae linguae janua reserata/Die offene Tür der lateinischen Sprache [La porte ouverte sur la langue latine] (première édition, Leszno, 1649); nouvelle version bilingue 1atin-allemand) de son ouvrage antérieur Janua linguarum reserata, qu'il fait suivre d'une Grammatica janualis [Grammaire de la porte] avec des Annotationes super grammaticam novam janualem [Annotations sur la nouvelle grammaire de la porte, et, enfin, un Lexicon januale latino-germanicum [Lexique latin-allemand de la porte] (première édition, Leszno, 1649). Restera inédit le Latinitatis atrium (Atrium de la latinité] avec les ouvrages s'y rapportant, Grammatica atrialis (Grammaire de l'atrium) et le Lexicon atriale [Lexique de l'atrium].

1644 24 août: participe au concile d'Orlag.

1645 28 août - 20 septembre: Colloquium charitativuum de Torun. Comenius écrit quelques notes pour les délégués de l'Union des frères moraves.

1646 Retourne quelques jours en Suède pour discuter de ses projets pansophiques.

1648 Été: entame son deuxième séjour à Leszno. Paix de Westphalie qui ignore les revendications de la Bohême.

Période de Sarospatak

1650 Mai: s'établit à Sàrospatak, en Hongrie, sur l'invitation de Sigismond Ràkoczy. Y commencera une troisième série d'ouvrages didactiques.
Œuvre: Après avoir illustré par quelques brefs écrits son projet d'école pansophique, écrit Scholae pansophicae classibus septem adornandae delineatio [Projet d'une école pansophique comportant sept années d'études], suivi d'autres brefs commentaires. Ensuite, pour répondre à la demande d'une école où les études seraient moins longues, élabore une nouvelle proposition

Articles


L'éducation selon Comenius

Jean Piaget
Texte paru initialement sous le titre "L'actualité de Comenius" et figurant en introduction à l'ouvrage Pages choisies, publié par l'UNESCO en 1957, à l'occasion du trois centième anniversaire de la publication des Opera didactica omnia (1657-19



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