Alexithymie
Les manifestations alexithymiques dites nucléaires sont au nombre de quatre, explique Jean-Louis Pedinielli, dans l’un des premiers ouvrages paru en français sur la question: Psychosomatique et alexithymie, Paris, PUF, 1992.
1. L’incapacité à exprimer verbalement les émotions ou les sentiments.
2. La limitation de la vie imaginaire.
3. La tendance à recourir à l’action pour éviter et résoudre les conflits.
4 . La description détaillée des faits, des événements, des symptômes physiques.
Il existe divers tests permettant de mesurer le degré d’alexithymie d’une personne, et d’établir des corrélations entre cet état psycholoique et diverses maladies. Même si les études sur le sujet ne sont encore qu’à l’état d’ébauche, on possède des données significatives permettant de penser qu’il peut y avoir un lien entre l’alexithymie et les maladies en général, qu’elles soient physiques, réputées psychosomatiques ou psychologiques. Sifneos a montré que 44 % des malades psychosomatiques qui ont passé ses tests pouvaient être considérés comme alexithymiques, que le taux évolue entre 33 % et 47 % dans le cas des maladies respiratoires, entre 30 % et 66 % dans le cas des douleurs chroniques, entre 20 et 45 % dans le cas des maladies du système digestif. Dans la population en général, le taux d’alexithymie oscille autour de 8 %.
Le principal intérêt de ces études est qu’elles indiquent clairement qu’il y a un lien entre la pauvreté de l’imaginaire, que l’on peut connaître par l’étude des rêves, et la morbidité en général. Non seulement faudrait-il, dans ces conditions, revoir les thèses traditionnelles sur les maladies psychosomatiques, mais faire l’hypothèse plus générale, qu’en médecine, l’heure est peut-être venue d’accorder à la dimension symbolique autant d’importance qu’à la dimension biologique. Au lieu de miser sur les senseurs pour aider les gens à se familiariser avec leurs propres émotions, il conviendrait peut-être de les aider à découvrir les nourritures symboliques dont ils ont besoin.
Dans la conclusion de son livre, Pedinielli présente l’alexithymie comme une fermeture au sens.
«L’alexithymie, écrit-il, est une forme particulière de fermeture au sens des événements internes (émotionnels) comme externes, fermeture dont le mécanisme et les effets sont totalement différents de ceux de la névrose et de la psychose. Cette privation de sens liée au style particulier de communication fait de l’alexithymie l’un des paradigmes de l’analyse de l’élaboration psychique du somatique, aux côtés de l’hystérie, de l’hypocondrie et du langage d’organe.»(Ibidem, p. 122.)
Il va de soi qu’une telle fermeture au sens des événements internes nuit à la vigilance à l’égard de soi-même. L’alexithymie apparaît comme une déficience de la raison imaginative. Il semble bien qu’il soit possible d’établir une relation entre l’alexithymie et le fonctionnement du cerveau et du système nerveux en général. Sifneos et ses collègues de Harvard et de France ont commencé des études prometteuses sur cette question infiniment complexe.
Puisque l’alexithymie est un trouble de la communication, est-il permis d’affirmer que les médias en sont responsables? On pourrait, par exemple, faire l’hypothèse qu’à force de s’identifier à des personnages de l’écran, certains sujets en viennent à ne plus pouvoir reconnaître leurs propres émotions. Alieno ex ore sapiunt !