Pavot

"On cultive trois sortes de pavots à opium : le papaver album (sommiferum), de l’Inde et de la Chine; le papaver setigerum de la Grèce et de Chypre; le papaver glabrum de la Perse, de l’Égypte et de l’Asie-Mineure.

Le pavot est une plante de la famille des papaveracées; les capsules sont formées par la réunion d’un certain nombre de carpelles, dont les bords indupliqués se dirigent, sous forme de cloisons, vers le centre du fruit, sans toutefois se rejoindre. Elles sont globuleuses, ovales ou arrondies; leur grosseur moyenne est celle d’une mandarine; elles sont couronnées par un disque stigmatique déprimé à son centre et divisé en plusieurs lobes. Leur couleur est brun jaunâtre; elles renferment un grand nombre de petites graines blanchâtres et réniformes."

Georges Thibout, La question de l’opium à l’époque contemporaine, Paris, G. Steinheil, 1912, p. 19-20

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Enjeux

Un bref historique de la culture du pavot jusqu'au milieu du 19e siècle

Selon Georges Thibout, "le pavot apparaît pour la première fois, selon toute probabilité en Asie, dans le bassin de la Méditerranée.

Bien que certains auteurs affirment qu’il en est fait mention dans les plus anciens poèmes de l’Inde, le Dr Martin pense qu’il leur est postérieur, puisqu’on ne le rencontre ni dans le Râmayana, ni dans le Mahâbharata. Mais, tous les dictionnaires sanskrits mentionnent le pavot auquel ils donnent le nom de khaskasa, et l’opium qu’ils appellent khaskasarasas, c’est-à-dire jus ou essence de khaskasa. On peut conclure de ces données que le pavot est connu depuis longtemps dans l’Inde; mais il est difficile de fixer une date.

D’autre part, les recherches faites dans les tombes pharaoniques ne font pas découvrir le pavot, mais le coquelicot; de plus, certains documents, notamment des lexiques coptes-arabes du Ve ou VIe siècle de notre ère, mentionnent la plante sous nom grec (...); on peut donc déduire avec vraisemblance que le pavot, n’ayant pas de nom égyptien, était seulement cultivé en Égypte, où il aurait été introduit avec son appellation grecque, et qu’il n’a pas été connue dans ce pays avant la période gréco-romaine.

Existait-il dans la flore hellénique? Aucun document ne permet d’affirmer qu’il existait avant Homère, mais ce dernier le connaissait et souvent il s’en sert dans ses descriptions.

Les propriétés de l’opium étaient connues d’Hippocrate et des Romains; mais, bien que certains auteurs (1) considèrent la vallée du Nil comme le foyer primitif d’où la funeste habitude de se servir de l’opium comme excitant partit à la conquête de l’Asie, d’autres auteurs estiment que ce sont les Arabes, qui les premiers, l’employèrent comme tel, à une période pas très reculée, mais difficile à préciser : « Peuples nomades, écrit le Dr. Martin, vivant sous un climat torride, ayant à parcourir de vaste déserts, exposés à souffrir de la faim, ils s’aperçurent que le suc de la plante constitue un agent toxique et capable de ranimer les forces. Ils partagent avec leur monture fatiguée le suc, et reprennent leur chemin. » (2)

Dans tous les cas, il est intéressant de remarquer que ce sont les Arabes qui ont apporté le pavot et l’opium aux différents pays qu’ils ont visités : comme plus tard, ce seront les Chinois qui feront pénétrer l’habitude de fumer cet opium dans les contrées où ils séjourneront.

C’est en effet des Arabes que les Perses le reçurent; l’opiophagie est décrite par le P. Raphaël, qui écrivit un livre sur la Perse en 1660. Quant à la pratique de fabrique des cigarettes d’opium et de les fumer, elle ne remonte pas à plus d’une soixantaine d’années.

Ce seraient encore les Arabes qui auraient introduit l’opiophagie dans l’Inde asiatique, bien que certains auteurs estiment que cette pratique est originaire de ce pays. Au XVIe siècle, l’habitude de consommer l’opium y était très répandue. Quant à la pratique de fumer, elle appartient surtout à la fraction exotique de la population, c’est-à-dire aux Chinois.

Ce sont les Arabes que nous voyons au XIVe siècle apporter le pavot dans les Indes néerlandaises, avant les Portugais. Au XVIIe siècle, la pratique de l’opium avait pris un extension abusive.

Le pavot n’apparaît dans la flore chinoise qu’à une époque relativement récente; la première mention qui en est faite se trouve dans les écrits du VIIIe siècle; il semble avoir aussi été importé en Chine par les Arabes qui la visitèrent en 763. Jusqu’en 975 il est cultivé dans les jardins comme fleur d’agrément, et ses charmes inspirent les poètes : « Quand j’ai pris une infusion de la fleur, dit Su-Tche, je me sens courir le long des rives embaumées du fleuve. » Et un autre compare un champ de pavot à une superbe nappe de neige (3).

En 1666, l’opium commence à être fumé sur quelques points du littoral, tels que Macao, Canton, etc. Mais jusque vers 1740, époque à laquelle Wheeler, vice-résident des Indes, et le colonel Watson, eurent l’idée de l’importer en Chine et d’en dénaturer l’usage en le faisant servir, comme cela existait au Indes et en Perse, à la production de jouissances factices au moyen d’une excitation délétère, l’opium était à peine entré dans la pratique. Ce n’est qu’à partir de cette époque – fin du XVIIIe siècle et commencement du XIXe – qu’il fut introduit définitivement dans l’empire du Milieu et que la culture du pavot s’y répandit dans de grandes proportions.

Lorsque les Chinois se furent adonnés à la drogue, ils la transportèrent dans d’autres pays, et en même temps qu’elle, la funeste habitude de fumer. C’est ainsi qu’ils l’introduisirent très vite en Cochinchine. Les îles Hawaï, les Philippines, la presqu’île malaise, le Siam, l’Australie, l’Amérique du Sud, le Cap, avec les mineurs de la colonie, ne furent pas épargnés. Aux Etats-Unis, la construction du transcontinental Rail-Road, reliant New York à San-Francisco en 1864, amena pendant cinq ans une grande quantité de Chinois et avec eux la pratique de l’opium. Cette même habitude se propagea aussi au Canada avec les Célestes. Enfin des officiers, des fonctionnaires coloniaux, au contac des Chinois, contractèrent l’habitude de fumer l’opium et rapportèrent cette habitude dans les différents pays d’Europe.

Ainsi la drogue se répandit insidieusement mais sûrement, presque dans le monde entier."

Notes
(1) Fonssagrives, Article in Dict. encyclopédique des sciences médicales
(2) Dr Martin, L’opium, ses abus : Mangeurs et fumeurs d’opium : Morphinomanes, p. 13.
(3) Cf. Dr Martin, op. cit., p. 58.

Georges Thibout, La question de l’opium à l’époque contemporaine, Paris, G. Steinheil, 1912, p. 14-17

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