Néo-impressionnisme
Delacroix avait pressenti dès le milieu du siècle la plupart des conclusions auxquelles aboutiront les néo-impressionnistes dont Signac théorise l'approche dans l'étude "D'Eugène Delacroix au néo-impressionnisme" parue en 1899 dans la Revue blanche. La couleur n'est jamais aussi brillante, vibrante et lumineuse que lorsqu'elle est composée de touches justaxposées de couleurs vives, complémentaires. Dès 1704, Newton avait réussi à décomposer la lumière blance à l'aide d'un prisme, prouvant par là que la lumière était un phénomène résultant de l'addition et non pas de l'absence de couleur. Il avait établi un cercle chromatique composé de 7 couleurs, dont le noir et le blanc était absents. Le physicien et peintre américain N. O. Rood, reprenant les théories de James Maxwell, démontre dans Modern Chromatics, publié en 1879, que les couleurs pures, auxquelles on juxtaposait leur complémentaire (couleur opposée sur le spectre chromatique), se mélangeaient dans le regard en de nouvelles couleurs. Le peintre moderne était invité à substituer au mélange pigmentaire le mélange optique des couleurs devant retenir le maximum de clarté et de luminosité. Il ne s'agit plus simplement pour le peintre d'"évoquer seulement la lumière, mais faire du tableau un foyer lumineux" (S. Teskrat). Il s'agit selon Pissarro de "substituer le mélange optique au mélange des pigments. Autrement dit la décomposition des tons en leurs éléments constructifs. Parce que le mélange optique suscite des luminosités beaucoup plus intenses que le mélange des pigments."
Maîtriser la couleur en fonction des nouvelles connaissances scientifiques ne suffit cependant pas à Seurat et Signac: il faut également aller au-delà de la spontanéité et de la méthode intuitive propres aux Impressionnistes. Devant sa toile, la première préoccupation du peintre doit être de «décider quelles courbes et quelles arabesques vont en découper la surface, quelles teintes et quels tons la couvrir. [..] Guidé par la tradition et par la science, il harmonisera la composition à sa conception, c'est-à-dire qu'il adaptera les lignes (directions et angles), le clair-obscur (tons), les couleurs (teintes) au caractère qu'il voudra faire prévaloir. La dominante des lignes sera horizontale pour le calme, ascendante pour la joie, et descendante pour la tristesse, avec toutes les lignes intermédiaires pour figurer toutes les autres sensations en leur variété infinie. Un jeu polychrome, non moins expressif et divers, se conjugue à ce jeu linéaire: aux lignes ascendantes, correspondront des teintes chaudes et des tons clairs; avec les lignes descendantes, prédomineront des teintes froides et des tons foncés; un équilibre plus ou moins parfait des teintes chaudes et froides, des tons pâles et intenses, ajoutera au calme des lignes horizontales. Soumettant ainsi la couleur et la ligne à l'émotion qu'il a ressentie et qu'il veut traduire, le peintre fera œuvre de poète, de créateur.» (P. Signac)