Blixen Karen

17 avril 1885-7 septembre 1962
Karen Christentze Dinesen naît le 17 avril 1885, à Rungstedlund, près de Copenhague. Son père, officier militaire, écrivain et parlementaire, qui a vécu en Amérique parmi les Indiens et connu la guerre de 1870 contre la Prusse aux côtés de l'armée française, se suicide en 1895 après avoir tenté d'enrayer en vain les progrès de la syphilis. Sa mère est issue d'une riche famille de négociants danois. Les Dinesen maintiennent des liens avec la haute noblesse danoise. Éduquée dans un univers féminin, marqué par l'austérité du protestantisme unitarien, Karen s'intéresse très jeune au dessin et à la littérature. À 17 ans, elle s'inscrit à l'Académie royale des beaux-arts de Copenhague. Malgré des dispositions évidentes pour la peinture, elle reçoit peu d'encouragement et, après un bref séjour à Paris où elle poursuit sa formation, elle abandonne cette voie. Elle écrit à la même époque une série de textes qui passent inaperçus, insuccès qui la détourne de la carrière littéraire.

En 1914, elle rejoint à Mombasa, près de Nairobi, au Kenya, son fiancé, le baron Bror Blixen-Finecke. Ils y exploitent ensemble une plantation de café jusqu'à leur divorce en 1921, date à laquelle Karen prend le contrôle avec son frère Thomas des opérations de ce qui devient la Karen Coffee Corporation. La ruine totale l'attend au cours des années qui suivront: sur le plan financier, la crise économique mondiale l'oblige à vendre sa plantation; sur le plan sentimental, elle est dévastée par la mort accidentelle de Denys Finch Hatton, un aristocrate anglais amateur de chasse qui accompagne avec le baron Bror, le Prince de Galle lors de sa visite au Kenya. Hatton était sensible aux talents de Karen et l'encourageait à écrire. Il l'initie au grec, lui fait découvrir les poètes symbolistes et l'art moderne. Pilote de brousse, il meurt dans un accident d'avion. Sa mort anéantit les derniers espoirs de bonheur de l'auteure en terre africaine. Sa santé est minée par la syphilis qui la taraude depuis les débuts de son séjour en Afrique. C'est néanmoins à cette période qu'elle reprend la plume. En 1934, ses Sept Contes Gothiques, dont la première ébauche remonte à 1926, trouvent preneur chez un éditeur new-yorkais, avant d'être publiés dans sa langue maternelle l'année suivante. L'ouvrage est publié sous son nom de plume: Isak Dinesen.

En 1937, elle accède à la gloire avec le succès phénoménal de La Ferme Africaine, roman publié simultanément aux États-Unis, en Angleterre et au Danemark. La Ferme Africaine, qui ne devait être au départ qu'une série de tableaux réalistes, de récits de voyages, relate la vie de l'auteure sur sa ferme au Kenya, sur laquelle elle règne en maître, à la manière d'un seigneur féodal, mais pourvu de la sensibilité d'une Européenne cultivée du XXe siècle. Dans un style sobre, serti de descriptions sublimes du paysage et du monde animal africains, elle raconte ce qui fut une découverte déterminante dans sa vie: celle de l'âme noire. Elle s'insurge contre la médiocrité et les préjugés raciaux des colons anglais et estime supérieurs à bien des égards les Africains:
    Les Noirs, en effet, sont en harmonie avec eux-mêmes et leur entourage, intégrés à la nature… Dès que j'ai connu les Noirs, je n'ai eu qu'une pensée, celle d'accorder à leur rythme celui de la routine quotidienne que l'on considère souvent comme le temps mort de la vie . [...] Ils entrèrent dans mon existence, comme une sorte de réponse à quelque appel de ma nature profonde.

En 1940, à la demande d'un quotidien danois, elle se rend en Allemagne pour témoigner de la réalité de l'Europe en proie à la guerre. À son retour, le Danemark est occupé par l'Allemagne nazie et ses "Lettres d'un pays en guerre" ne seront publiées qu'en 1948. Elle attire à la Rungstedlund un cercle de jeunes auteurs gravitant autour de la revue Heretica à laquelle elle collabore.

Vers 1950, elle donne une série de causeries radiophoniques très populaires. Elle est mise en nomination à deux reprises pour le Prix Nobel de Littérature: en 1954, année où le prix est attribué à Ernest Hemingway et en 1957 où il est décerné à Albert Camus. Son oeuvre attire les plus grands réalisateurs de l'époque: Orson Welles fait une adaptation pour la télévision française de la nouvelle "Une histoire immortelle", avec entre autres Jeanne Moreau et Orson Welles lui-même comme interprètes. Le réalisateur américain tentera d'adapter deux autres contes de Blixen, mais devra s'arrêter en cours de tournage, faute de moyens.

En 1957, paraissent ses Derniers contes (traduits en français sous le titre Nouveaux contes d'hiver), puis en 1958, elle publie Anecdotes du destin, recueil de nouvelles, dont le Festin de Babette, parues précédemment dans des magazines américains.

Figure incontournable de la vie culturelle danoise en vertu de son statut d'écrivain de réputation internationale, mais aussi par l'effet de ses fréquentes et souvent controversées participations aux débats intellectuelles, Karen Blixen meurt âgée de 77 ans le septembre 1962. Elle est enterrée près d'un arbre sur la propriété familiale de Rungstedlund.

L'adaptation cinématographiques de la Ferme Africaine (1985), par Sydney Pollack, avec Robert Redford et Meryl Streep et du Festin de Babette (1987) par Gabriel Axel, a renouvelé l'intérêt pour l'oeuvre de l'écrivain danois.

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