Bach Jean-Sébastien

21 mars 1685-28 juillet 1750

Le génie est ce qui échappe à toutes les définitions tout en ayant des racines dans des conditions socioculturelles précises. Les racines de Bach (1685-1750) sont multiples. Il appartient à une famille de musiciens connus en Thuringe depuis le XVIe siècle. Bach sera mis très jeune en contact avec les oeuvres des compositeurs italiens et français: contrairement à Mozart, cet itinérant qui connaîtra tout ce que l'Italie contenait de grands musiciens, Bach voyagera peu en dehors de son pays natal et passera une partie de son adolescence à transcrire les oeuvres de Frescobaldi, Corelli, Pachelbel, Albinoni, Vivaldi, chez les Italiens, et Couperin et Nicolas de Grigny, chez les Français. Il fera à pied le voyage d'Arnstadt à Lübeck pour rencontrer Buxtehude. Bach n'imitera pas ses maîtres, il les transcendera. Il fera un cru unique de tous les grands cépages musicaux de son temps. Nous n'entrerons pas dans le détail de sa vie mais nous évoquerons les événements qui éclairent son oeuvre. Toute sa vie, il sera organiste et maître de chapelle dans divers duchés et villes d'Allemagne. Il sera en butte au début de sa carrière à l'incompréhension. Au retour de Lübeck, il dut quitter son poste d'organiste à l'Église d'Arnstadt, puis peu de temps après à celle de Gehren (où il avait épousé sa première femme). On lui reprochait son art trop riche, trop personnel, trop charnel, puisqu'il séduisait l'oreille, détournait de la méditation et «adultérait l'art de la vérité divine». C'est à Weimar, à Kothen puis à Leipzig qu'il trouvera les conditions qui stimuleront le plus son génie. Il fut d'abord organiste de la Cour à Weimar de 1708 à 1716. C'est là qu'il composera ses principales oeuvres pour orgue, toccates, fugues et préludes. Ici se place une anecdote amusante; lorsqu'il voulut quitter Weimar pour une autre fonction, le duc refusa de le laisser partir et le fit arrêter. Il restera un mois en prison... À Kothen, il sera au service du prince Anhalt-Kothen pour lequel il composera de la musique de chambre: sonates, partitas, suites, dont les célèbres Concertos brandebourgeois. Il passera les trente dernières années de sa vie à Leipzig, comme cantor de St-Thomas... «il entrait dans ses fonctions de superviser toutes les manifestations de la ville».

Les concerts intimes d'une dynastie
Bach enfant a baigné dans la musique. «On sait que les membres de la famille Bach avaient l'habitude de se réunir pour chanter à plusieurs parties et aussi pour improviser, soit sur un thème donné, soit sur un quolibet instantané qu'émettait un soliste et auquel les autres exécutants s'adaptaient sur le champ, sans la moindre peine, en se conformant à des règles précises de maîtres-chanteurs». A quinze ans, Bach qui avait une très belle voix de soprano, chantait dans la chorale de Luneburg. Plus tard, avec sa seconde femme Maria Magdalena et ses enfants, il organisait des concerts: «Avec ma famille, disait-il, je puis déjà former un concert, vocaliser et instrumentaliser, surtout que ma femme chante un très beau soprano et que, de son côté, ma fille aînée exécute sa partie pas mal du tout».

Bach et sa famille
De ses deux mariages, Bach eut 20 enfants (22 selon certains musicologues), dont huit seulement survivront mais dont quatre seront des musiciens connus: Jean Chrétien, Carl Philippe Emmanuel, Jean Christophe Frédéric et Wilhem Friedman. Sa seconde femme, Anna Magdelena, avait une jolie voix de soprano et Bach écrira pour elle ses airs les plus inspirés. Elle recopiera de sa main plusieurs des oeuvres de son mari. Elle laissera aussi un cahier de musique où toute la famille Bach transcrivait des pièces faciles et courtes qui servent encore de nos jours à l'initiation des élèves à la musique. Bach sera frappé de cécité à la fin de sa vie. Il mourra peu de temps après deux opérations de la cataracte qui avaient échoué.

L'oeuvre de Bach
Les admirables cantates, la partie la plus riche de l'oeuvre de Bach, ne sont jouées qu'une fois, devant les bigotes de la paroisse, par le chœur des élèves, avec un petit ensemble d'instrumentistes amateurs et quelques membres de la famille Bach. Comme cantor de St-Thomas de Leipzig, il devait exécuter une cantate chaque dimanche. Il pouvait puiser dans un répertoire italien ou français qu'il connaissait si bien, mais le plus souvent, il composait lui-même la dite cantate. Se représente-t-on ce que cela supposait de puissance créatrice, de vitalité, de patience aussi? Le cantor avait également la responsabilité des répétitions.

On a beaucoup souligné la foi de Bach en Dieu. À la seule Gloire de Dieu est une dédicace qu'on a retrouvée sur de nombreux manuscrits. De l'extraordinaire sérénité qui se dégage de son oeuvre, on peut déduire que Bach voyait en Dieu le centre d'un univers harmonieux. Et par là, il est, à travers les siècles qui les séparent, le frère des pythagoriciens, beaucoup plus que celui des Encyclopédistes. Au siècle des Lumières, c'est la Lumière divine qui semble plutôt l'éblouir.

Toutes les oeuvres de Bach méritent d'être citées: celles pour l'orgue, les Préludes et Fugues, les Toccates, les Sonates, la Grande Passacaille, les chorales; celles pour le clavecin, les 48 Préludes et Fugues du Clavecin bien tempéré, les Variations Goldberg et tant d'autres encore; les messes, les Passions (dont deux ont été perdues), les concertos brandebourgeois, le clavier bien tempéré, dont l'importance dans l'histoire de la théorie musicale a été soulignée au cours de cette route, les cantates. Bach a composé à la fin de sa vie deux oeuvres qui sont la Somme de son art et qui sont de merveilleux instruments de formation musicale, l'Art de la fugue, où il a donné à l'art du contrepoint sa forme définitive et l'Offrande musicale.

Un subterfuge de Bach

Orphelin, Bach a été élevé chez son frère Johann-Christoph, organiste à Ohrdruf. Ce dernier possédait un recueil de pièces de clavecin dont il interdisait l'accès à Sébastien. Celui-ci en cachette la nuit, à la clarté de la lune, le recopia. Il lui fallut six mois. Lorsqu'il eut terminé, par malheur son frère s'en aperçut et lui confisqua et l'original et la copie. La cécité de Bach à la fin de sa vie fut-elle le prix dont il paya les nombreuses transcriptions faites dans des conditions difficiles?

Articles


Le recueil de pièces de clavecin

Hélène Laberge
On ne sait ce qui est le plus admirable chez le jeune Bach: le génie ou la persévérance?

Une puissance créatrice

Hélène Laberge
Êtes-vous plutôt Bach ou Mozart?



L'Agora - Textes récents

  • Vient de paraître

    Lever le rideau, de Nicolas Bourdon, chez Liber

    Notre collaborateur, Nicolas Bourdon, vient de publier Lever de rideau, son premier recueil de nouvelles. Douze nouvelles qui sont enracinées, pour la plupart, dans la réalité montréalaise. On y retrouve un sens de la beauté et un humour subtil, souvent pince-sans-rire, qui permettent à l’auteur de nous faire réfléchir en douceur sur les multiples obstacles au bonheur qui parsèment toute vie normale.

  • La nouvelle Charte des valeurs de Monsieur Drainville

    Marc Chevrier
    Le gouvernement pourrait décider de ressusciter l'étude du projet de loi 94 déposé par le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville. Le projet de loi 94 essaie d’endiguer, dans l’organisation scolaire publique québécoise, toute manifestation du religieux ou de tout comportement ou opinion qui semblerait mû par la conviction ou la croyance religieuse.

  • Billets de Jacques Dufresne

    J'ai peur – Jour de la Terre, le pape François, Pâques, les abeilles – «This is ours»: un Texan à propos de l'eau du Canada – Journée des femmes : Hypatie – Tarifs etc: économistes, éclairez-moi ! – Musk : danger d'être plus riche que le roi – Zelensky ou l'humiliation-spectacle – Le christianisme a-t-il un avenir?

  • Majorité silencieuse

    Daniel Laguitton
    2024 est une année record pour le nombre de personnes appelées à voter, mais c'est malheureusement aussi l’année où l'abstentionnisme aura mis la démocratie sur la liste des espèces menacées.

  • De Pierre Teilhard de Chardin à Thomas Berry : un post-teilhardisme nécessaire

    Daniel Laguitton
    Un post-teilhardisme s'impose devant l'évidence des ravages physiques et spirituels de l'ère industrielle. L'écologie intégrale exposée dans les ouvrages de l'écothéologien Thomas Berry donne un cadre à ce post-teilhardisme.

  • Réflexions critiques sur J.D. Vance du point de vue du néothomisme québécois

    Georges-Rémy Fortin
    Les propos de J.D. Vance sur l'ordo amoris chrétien ne sont somme toute qu'une trop brève référence à une théorie complexe. Ce mince verni intellectuel ne peut cacher un mépris égal pour l'humanité et pour la philosophie classique.

  • François, pape de l’Occident lointain

    Marc Chevrier
    Selon plusieurs, François a été un pape non occidental parce qu'il venait d'Amérique latine. Ah bon ? Cette Amérique se tiendrait hors de l'Occident ?

  • L'athéisme, religion des puissants

    Yan Barcelo
    L’athéisme peut-il être moral? Certainement. Peut-il fonder une morale? Moins certain, car l’athéisme porte en lui-même les semences de la négation de toute moralité.

  • Entre le bien et le mal

    Nicolas Bourdon
    Une journée d’octobre splendide, alors que je revenais de la pêche, Jermyn me fit signe d’arrêter. « Attends ! J&

  • Le racisme imaginaire

    Marc Chevrier
    À propos des ouvrages de Yannick Lacroix, Erreur de diagnostic et de François Charbonneau, L'affaire Cannon

  • Le capitalisme de la finitude selon Arnaud Orain

    Georges-Rémy Fortin
    Nous sommes entrés dans l'ère du capitalisme de la finitude. C'est du moins la thèse que Arnaud Orain dans son récent ouvrage, Le monde confisqué