Information
Ce n’est là toutefois que l’un des sens techniques admis, celui qui s’est imposé dans le sillage de l’ordinateur et de ses théoriciens. Peu après la publication des travaux de Norbert Wiener sur la cybernétique et de Claude Shannon, Une théorie mathématique des communications, le nouveau sens donné au mot information a suscité un enthousiasme tel que plusieurs ont cru que c’était là, dans les sciences, un événement comparable à la découverte de la notion de force quelques siècles auparavant. D’éminents physiciens, tel Léon Brillouin, ont cru y découvrir une nouveau concept pour expliquer l’ensemble des phénomènes naturels. C’est dans le contexte que le mot information, dans son sens technique, a été utilisée en biologie et dans les sciences humaines.
Cet enthousiasme a été de courte durée. Comme nous le rappelle aussi Philippe Breton, le nouvel usage du mot information découle d’une distinction essentielle, faite longtemps auparavant, entre la forme et le sens du message. Les symboles utilisés en télégraphie, symboles transformés en signaux électriques, illustrent bien la différence entre le sens ou la signification du message et sa forme. On a eu bien des raisons d’étudier la forme séparément. Si elle n’est pas à l’abri d’une certaine dégradation, elle est à l’abri du mensonge, toujours rattaché au sens. L’intérêt pour la forme séparée s’inscrit en outre, à partir du XIVe siècle, dans une montée du formalisme touchant aussi bien la vie quotidienne que les sciences.
La réduction de l’information à un phénomène physique quantifiable est l’aboutissement de l’étude séparée de la forme du message. Il fallait avoir poussé cette réduction à sa limite pour en arriver à soutenir, à la suite de Shannon, que «l’information est la mesure de l’entropie, de la dégradation du signal en présence du bruit,» mot qui est ici synonyme de nuisance. Le but de Shannon et de ses collègues ingénieurs étaient d’étudier le bruit, pour apprendre à la réduire et assurer ainsi de meilleures communications.
Il n'en reste pas moins qu'en choisissant le mot information pour ne désigner que l'aspect physique de ce phénomène complexe, on a détourné l'attention des autres sens techniques de ce mot qui est indissociable du mot forme et du verbe informer. Il suffit de penser au sens que donnait Aristote à ces mots pour mesurer les effets du nouvel usage.