Hérédité

Jusqu'à Mendel et à sa découverte décisive (1866) celle des caractères distincts qu'on appellerait un jour gènes, on expliquait la reproduction par le mélange des sangs. Imaginons deux ruisseaux qui se rencontrent pour former une rivière: l'eau du premier est cristalline, celle du second boueuse. L'eau de la rivière sera grisâtre.

C'est là une image assez juste de la théorie de l'hérédité la plus vogue au moment où Mendel faisait ses observations sur les pois, celle du mélange des sangs.

Vers 1850, la théorie la plus accréditée était celle du mélange des «sangs» dans des proportions que le cousin de Darwin, Francis Galton venait de préciser: 1/2 pour le sang du mâle ou de la femelle à la première génération, 1/4 à la seconde, etc. Au moment ou Mendel commença ses expériences, la génétique était donc beaucoup moins avancée que la physique ne l'était avant Newton.

Mais c'est à Copernic peut-être plus encore qu'à Newton qu'il faut comparer Mendel. Mettre le soleil à la place de la terre au centre de l'univers, c'était substituer le monde de la raison à celui des apparences. Mendel accomplit une révolution semblable dans la représentation qu'on se faisait du phénomène vital par excellence: la reproduction. Continue auparavant, l'hérédité devenait discontinue. Globale, elle s'atomisait. On rendrait bien compte de la révolution opérée par Mendel en disant qu'il a donné à chaque poisson pris individuellement le rôle qu'auparavant on attribuait globalement aux rivière paternelle et au lac maternel. Un mouvement semblable de rejets des apparences a conduit les physiciens à la découverte de l'atome et les théoriciens de la biologie générale à la découverte du rôle primordial de la cellule.

Au terme de cette révolution, le mâle avait cessé d'être l'élément dominant de la reproduction, comme la terre avait cessé d'être le centre du monde au terme de la révolution copernicienne.

Le flot continu du sperme, le geste dominateur du mâle, dans l'espèce humaine comme dans les autres, la passivité de la femelle, toutes ces apparences - rappelant le mouvement apparent du soleil autour de la terre - suggéraient l'idée que le mâle transmettait sa forme à une matière, une argile fournie par la femme. Cette forme, bien entendu, on ne pouvait l'imaginer qu'achevée. La théorie préformiste, qui eut de nombreux adeptes aux XVIIe et XVIIIe siècles, illustre parfaitement la conception traditionnelle de l'hérédité. D'après cette théorie les êtres humains adultes sont la version grandeur nature de modèles réduits préformés dans le sperme. Suivant une logique impeccable, certains en déduisaient que le sperme de l'ancêtre le plus lointain, Adam, contenait, emboîtés les uns dans les autres comme des poupées russes, les modèles réduits de tous les descendants.Les petites poupées russes étaient appelées homoncules. C'est le nom que Goethe donnera à l'enfant que le docteur Faust fabriqua dans son laboratoire.

Articles


Les lois de Mendel

Jacques Dufresne
Mendel explique l'hérédité par des éléments distincts plutôt que par l'ensemble de l'apport du mâle et de celui de la femelle et il propose une formulation mathématique simple et élégante des lois selon lesquelles ces éléments se combinen



Lettre de L'Agora - Printemps 2025

  • Billets de Jacques Dufresne

    J'ai peur – Jour de la Terre, le pape François, Pâques, les abeilles – «This is ours»: un Texan à propos de l'eau du Canada – Journée des femmes : Hypatie – Tarifs etc: économistes, éclairez-moi ! – Musk : danger d'être plus riche que le roi – Zelensky ou l'humiliation-spectacle – Le christianisme a-t-il un avenir?

  • Majorité silencieuse

    Daniel Laguitton
    2024 est une année record pour le nombre de personnes appelées à voter, mais c'est malheureusement aussi l’année où l'abstentionnisme aura mis la démocratie sur la liste des espèces menacées.

  • De Pierre Teilhard de Chardin à Thomas Berry : un post-teilhardisme nécessaire

    Daniel Laguitton
    Un post-teilhardisme s'impose devant l'évidence des ravages physiques et spirituels de l'ère industrielle. L'écologie intégrale exposée dans les ouvrages de l'écothéologien Thomas Berry donne un cadre à ce post-teilhardisme.

  • Réflexions critiques sur J.D. Vance du point de vue du néothomisme québécois

    Georges-Rémy Fortin
    Les propos de J.D. Vance sur l'ordo amoris chrétien ne sont somme toute qu'une trop brève référence à une théorie complexe. Ce mince verni intellectuel ne peut cacher un mépris égal pour l'humanité et pour la philosophie classique.

  • François, pape de l’Occident lointain

    Marc Chevrier
    Selon plusieurs, François a été un pape non occidental parce qu'il venait d'Amérique latine. Ah bon ? Cette Amérique se tiendrait hors de l'Occident ?

  • L'athéisme, religion des puissants

    Yan Barcelo
    L’athéisme peut-il être moral? Certainement. Peut-il fonder une morale? Moins certain, car l’athéisme porte en lui-même les semences de la négation de toute moralité.

  • Entre le bien et le mal

    Nicolas Bourdon
    Une journée d’octobre splendide, alors que je revenais de la pêche, Jermyn me fit signe d’arrêter. « Attends ! J&

  • Le racisme imaginaire

    Marc Chevrier
    À propos des ouvrages de Yannick Lacroix, Erreur de diagnostic et de François Charbonneau, L'affaire Cannon

  • Le capitalisme de la finitude selon Arnaud Orain

    Georges-Rémy Fortin
    Nous sommes entrés dans l'ère du capitalisme de la finitude. C'est du moins la thèse que Arnaud Orain dans son récent ouvrage, Le monde confisqué

  • Brèves

    La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – Chine: une économie plus fragile qu'on ne le croit – Serge Mongeau (1937-2025) – Trump: 100 jours de ressentiment – La classe moyenne américaine est-elle si mal en point?