Beaudin Gaétan
Gaétan Beaudin artisan créateur 1924-2002
Par Hélène Laberge, 12 février 2020
L’argile fut la première matière plastique. Le façonnage et la cuisson de cette terre en vue d’en faire des récipients a marqué une étape importante dans l’histoire des civilisations. La céramique a conservé une aura qu’elle tire de ses lointaines origines. Chaque pot était une chose unique à l’image de l’humain qui le fabriquait, un objet qui, tout en étant utile, exprimait l’identité des individus et des peuples. Le nom et l’œuvre de Gaétan Beaudin sont à jamais associés à la céramique québécoise.
Une incursion dans des dictionnaires m’a révélé une définition étonnamment simple de l’artisan : « une personne qui exerce un métier manuel pour son propre compte » et celle tout aussi rudimentaire de l’artiste, présenté comme « une personne qui pratique un métier, une technique difficile. »
Gaétan Beaudin s’est pourtant toujours attribué le nom d’artisan. Un artisan né en 1924 qui jusqu’à sa mort en 2002 a bouleversé les pratiques très diversifiées de la céramique telles qu’on peut les découvrir dans L’Association des collectionneurs de céramique du Québec.
Sa carrière est celle d’un esprit inventif qui, au fil de ses diverses recherches, études et expérimentations, a été reconnu comme le créateur d’une technique qu’il a mise au point en cherchant les terres les plus propices à supporter de grandes chaleurs permettant la solidité des œuvres de céramique et la beauté de leur glaçure. Il souhaitait que cette méthode permette de créer des œuvres d’art ou des objets destinés à la table, tasses, soucoupes, carafes, etc. ayant une facture spécifique au Québec et pouvant être vendus comme tels aux amoureux d'une céramique typique de leur pays aussi bien qu'aux touristes.
Une mission qui a commencé par des études (une maîtrise) à l’École des Beaux-Arts de Montréal et s’est poursuivie par l’enseignement de la céramique pendant huit ans à l’École technique de Rimouski puis à la Penland School of Handicrafts de Caroline du Nord.
En 1953, à North Hatley, dans les Cantons de l’Est, il fonda et dirigea un Atelier-école de poterie, et y forma de nombreux élèves de diverses provenances jusqu’en 1964. Pour plusieurs d’entre eux, dont les céramistes très reconnus, Marcel Beaucage et Louise Doucet, il devint un maître.
Sa passion pour ce métier et son esprit créatif le conduisirent à faire des recherches sur la résistance mécanique de la terre et à expérimenter celles qui supportent de haut degrés de chaleur.
La céramique joue un grand rôle dans la vie quotidienne des Japonais. Les céramistes sont formés par des maîtres dont ils apprennent et reproduisent les techniques. Attiré par cette culture de la céramique, il fit un voyage d’étude dans ce pays et put travailler en atelier avec les maîtres Fujiwara, Tsuji et Shimaoka.
Revenu au Québec, Beaudin fonda SIAL, avec Bertrand Vanasse et Pierre Legault, en 1965. Une entreprise qui lui permit de mettre au point un procédé à base de silicate d’aluminium qui pouvait supporter des chaleurs intenses. Son objectif : recherche et innovation de procédés de fabrication de vaisselle industrielle dont il créa le design. Toujours désireux de guider son instinct créateur, il avait suivi en 1974 un cours en Design Management au HEC de Montréal..
Il est hors de mon propos ( et de mes connaissances) de décrire les étapes conduisant à des pièces achevées. La production industrielle avait été rendue possible par des moulages faits à la main, lesquels faisaient de chaque objet un objet unique. Aucune standardisation dans cette industrialisation de la céramique. Pour diverses raisons que tout homme d’affaires chevronné devinera, SIAL cessa sa production dans les années quatre-vingt.
Comme un géologue consciencieux, Gaétan Beaudin avait non seulement recherché les meilleures terres comme supports de chaleurs intenses. Il avait aussi obtenu des résultats étonnants en utilisant des coquilles d’œuf dans la composition de certaines pièces. Cet homme modeste était doué de beaucoup d’humour; il avait fini par trouver amusant que ses anciens élèves le surnomment le « Pape de la céramique au Québec! Le Musée du Québec et le Musée de Sherbrooke ont déjà fait des expositions de la céramique de Beaudin et possèdent plusieurs de ses œuvres.
Parallèlement à ses recherches, Gaétan Beaudin a enseigné l'art de la céramique notamment au collège du Vieux Montréal, pendant huit ans. Autre trait de son ouverture comme créateur, une amie m’a raconté l’anecdote suivante : Invité à fonder une petite école de céramique en Haïti, on lui avait prédit une trentaine d’élèves. Il s’est trouvé devant une classe de deux ou trois élèves pendant plusieurs jours. Il s’est alors intéressé aux besoins réels des Haïtiens: la nourriture. Et il leur proposa de fabriquer une serre d’aquaculture, une culture de plantes alimentaires encore peu connue à l’époque. Existe-t-elle toujours?
J’ai sous les yeux quelques pièces d’une admirable facture; les couleurs des glacis, grès, chocolat, caramel, leur parfaite juxtaposition retiennent le regard. Question : est-ce le toucher qui précède le regard ? Dans le cas de cette carafe assise sur la table comme un oiseau en train de couver, sa forme inhabituelle est définitive. On ne se lasse pas de la contempler.
Source
GAÉTAN BEAUDIN
La soif de savoir- la joie d’être cause
Bernard Landry, alors Premier ministre du Québec, avait fait parvenirune lettre admirative à Chantal Auger, responsable de cette rétrospective de la vie et de l’œuvre de Gaétan Beaudin :
« Gaétan Beaudin est un grand artisan québécois. Il a donné ses lettres de noblesse à un art qui, il y a presqu’un demi-siècle, n’avait presque pas de racines au Québec. »
Ce livre a été numérisé par l’Agora.
La soif de savoir- la joie d’être cause au format PDF