Chateaubriand François-René de
Un “ultra” épris de liberté
"Émigré pendant la Révolution, c’est à sa gloire littéraire, avec la publication d’Atala et du Génie du Christianisme, que Chateaubriand doit son entrée en politique, sous le Premier Empire. Premier secrétaire d’ambassade à Rome puis ministre de France dans le Valais, ce monarchiste dans l’âme démissionnera le soir même de l’assassinat, sur les ordres de Napoléon, du duc d’Enghien, dernier rejeton de la lignée des Condé.
La publication du pamphlet De Buonaparte et des Bourbons signe son retour, au moment de la première Restauration. Lors de la seconde Restauration, Chateaubriand est ministre d’Etat. Il devient pair de France en 1815, vote pour la mort du maréchal Ney et, quoique “catalogué” ultra, défend le gouvernement représentatif et la liberté de la presse, ce qui lui vaut une durable popularité. Lors de la Révolution de Juillet, il est, en route pour la Chambre des Pairs, porté en triomphe aux cris de “vive le défenseur de la liberté de la presse!”.
Mais Chateaubriand ne prêtera pas serment au nouveau gouvernement: “il y a des hommes qui, après avoir prêté serment à la République une et indivisible, au Directoire en cinq personnes, au Consulat en trois, à l’Empire en une seule, à la première Restauration, à l’acte additionnel aux Constitutions de l’Empire, à la seconde Restauration, ont encore quelque chose à prêter à Louis-Philippe: je ne suis pas si riche.” Il quitte la Chambre des Pairs sur un discours en faveur du duc de Bordeaux, “l’enfant du miracle”, fils posthume du duc de Berry, pour se retrancher dans une opposition résolue à la Monarchie de Juillet."
Portrait de Chateaubriand (La Chambre des Pairs de la Restauration, 1814-1830 -- Le Sénat: histoire de la seconde chambre, Sénat de la République française)
Le tombeau de Chateaubriand, à Saint-Malo (ca 1890-ca 1900)
Publication: Detroit, Mich., Detroit Publishing Company, 1905.
Fait partie de la série "Views of architecture, monuments, and other sites in France"
Library of Congress Prints and Photographs Division Washington, D.C.
Numéro de reproduction : LC-DIG-ppmsc-05360 (domaine public)
L'amant de madame Récamier avait autant de moi que d'âme et il avait l'âme grande. D'où ce mot de Louis XVIII à son sujet: «Il voyait loin lorsqu'il ne se mettait pas devant lui-même.»
Au début du XIXe siècle, Chateaubriand avait un admirateur au Canada en la personne de l'abbé Charles-François Painchaud, futur fondateur du Collège de La Pocatière. À l'auteur du génie du christianisme, l'abbé Painchaud écrivait, du fond de ses forêts, des lettres vibrantes d'admiration naïve. «Je dévore vos ouvrages, dont la mélancolie me tue, en faisant néanmoins mes délices; c'est une ivresse. Comment avez-vous pu écrire de pareilles choses sans mourir?» Voilà de quoi s'étonnait l'abbé Charles-François Painchaud.
La réponse du Maître, dans le style qui a fait sa gloire, est un parfait résumé de sa vie: «Désormais, Monsieur, les tempêtes politiques ne me jetteraient sur aucun rivage; je ne chercherais pas à leur dérober quelques vieux jours, qui ne vaudraient pas le soin que je prendrais de les mettre à l'abri; à mon âge, il faut mourir pour le tombeau le plus voisin, afin de s'épargner la lassitude d'un long voyage. J'aurais pourtant bien du plaisir à visiter les forêts que j'ai parcourues dans ma jeunesse, et à recevoir votre hospitalité.»
Le vieil homme est désormais au-dessus des tempêtes politiques auxquelles il a été mêlé et qui furent peut-être le prétexte de son premier voyage en Amérique; toujours romantique, il veut mourir dans les lieux qui l'ont vu naître; toujours porté à confondre la réalité avec ses rêves, il aimerait revoir des forêts qu'il n'a sans doute jamais parcourues, l'abbé Painchaud vivant à plus de cent kilomètres au Nord de Québec et à plus de 700 kilomètres des chutes du Niagara. Égal à lui-même, magnanime, il répond à cet admirateur naïf et lointain.
Pressentait-il qu'il allait, à travers l'abbé Painchaud, avoir une influence déterminante sur l'enseignement collégial du Québec. Le Collège de la Pocatière est en effet une maison romantique par sa constitution autant que par son emplacement. Il domine le Saint-Laurent, majestueux à cet endroit et au centre de la cour de récréation, il y a une montagne, pleine de mystère, avec ses grottes, ses sentiers obcurs et ses balcons, «à quelque roche épineuse accrochés», d'où l'on peut contempler le fleuve.
Ce collège et cette cour de récréation serviront de modèles aux éducateurs du Québec pendant tout le XIXe siècle.