Le lancement récent, nous sommes en septembre 2010, d'un film sur le fondateur de Facebook, Mark Zuckergerg, nous incite à compléter ce dossier qui a été créé en février 2008. Le film est une autre manifestation du génie américain du Soft Power. Par leurs commentaires, les médias du monde entier feront à Facebook une publicité valant des centaines de millions de dollars.
Un autre fait récent attire notre attention sur Facebook, , la publication d'un livre sur la climatisation aux États intitulé: Loosing our cool. Jadis, dit l'auteur, dans telle petite ville de Géorgie, les gens sortaient le soir pour jouir de la fraîcheur de l'air et pour causer avec leurs voisins. Aujourd'hui ils s'enferment dans leur sous-sol réfrigéré et causent via Facebook avec leurs vosins, également enterrés dans une glacière qui contribue à faire fondre la planète.
Bonne nouvelle pour les francophones. Une des partenaires du site Noslibertés a traduit l'un des rares articles de fond jamais publié sur Facebook. Il s'agit de celui de Tom Hodgkinson paru dans le journal britannique The Guardian en janvier 2008 sous le titre de With friends like these....
Alors que les gens, les jeunes surtout, vont sur Facebook pour satisfaire le plus innocemment du monde leur besoin d'être reconnus, ils jouent le jeu d'investisseurs philosophes comme Peter Thiel dont la pensée se ramène à ceci: fuyez la nature, la vie, Hobbes l'avait dit, elle est «méchante, brutale et courte. »Réfugiez-vous dans le virtuel. L'instinct grégaire s'y manifestera avec plus de force encore que dans cette nature où ses racines permettent au brin d'herbe d'éviter d'être emporté par le vent, tel un grain de sable, vers la masse la plus proche.
L'homme qui pense ainsi est aussi celui qui a fourni à Zuckerberg son premier 500 000 $. Il est toujours l'un des quatre membres, probablement le plus influent, du Conseil d'administration de Facebook. L'autre membre influent après Zuckerberg lui-même- mais quel est le poids réel de ce dernier - s'appelle Jim Brewer. Brewer est membre du conseil de géants des États-Unis, comme Wal-Mart et Marvel Entertainment, il est également un ancien président de l'Association Nationale des Capitaux à Risques (NVCA). Ce sont désormais ces personnes qui font vraiment que ces business puissent exister en Amérique, parce qu'elles investissent dans les nouveaux jeunes talents, comme Zuckerberg et d'autres. La plus récente participation financière dans Facebook a été menée par une compagnie appelée Greylock' Senior Parnters qui a mis 27,5 millions de dollars sur la table. Un des principaux associés de Greylock s'appelle Howard Cox, un autre ancien président du NVCA, qui est également membre du comité directeur de In-Q-Tel. Qu'est-ce que In-Q-Tel ? C'est la branche capital-risque de la CIA. La communauté du renseignement des USA est devenue si intéressée par les possibilités des nouvelles technologies et les innovations faites dans le secteur privé, qu'elle a créé son propre fonds de capitaux à risques. In-Q-Tel : « identifie et s'associe avec des entreprises développant des technologies de pointe pour fournir des solutions à la CIA (Central Intelligence Service) et à l'IC (Intelligence Community) afin de réaliser ses missions. »
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Retour à 2008
Après la saga Microsoft, la saga Google, voici la saga Facebook, le site communautaire dont la croissance, sur tous les plans, est encore plus rapide que celle de Google. Depuis que Microsoft a déboursé, le 4 octobre dernier, 240 millions de dollars pour acquérir 1,6% des actions de Facebook, cette entreprise vaut 15 milliards. Cette évaluation a été confirmée un peu plus tard au cours de l'automne 2007, au moment où le chinois Li-ka-Shing, neuvième fortune du monde, a pris une participation de 0,4% au coût de 60 millions.
Selon le site Acturca, «La société compte plus de 400 salariés aujourd’hui et devrait recruter 300 personnes supplémentaires d’ici à la fin 2008. Alors qu’il rassemblait moins de 10 millions d’utilisateurs actifs en septembre 2006, le site communautaire a connu une croissance exponentielle pour compter aujourd’hui (début janvier 2008) 58 millions de membres actifs, dont 28 % viennent d’Europe. Derrière l’Angleterre, principal pays du Vieux Continent avec 7,7 millions d’utilisateurs, la Turquie est le deuxième pays avec 2,2 millions de personnes, suivi par la France et la Suède. « En Allemagne, il est difficile de s’imposer face à StudiVZ tant que nous n’avons pas de version allemande du site », estime Net Jacobsson, directeur du développement international de Facebook.
Il existe donc des pays qui résistent au monopole américain sur Internet et manifestent de l'attachement pour leur langue. Les Brésiliens, s'ils ne poussent pas l'originalité jusqu'à créer leur propre site communautaire et à l'adopter, s'éloignent de la tendance générale en restant fidèles à Orkut, le site communautaire de Google.
Il existe un site communautaire québécois, Capazoo. Les Québécois le préféreront-ils à Facebook, du moins quand l'édition française sera disponible ce qui devrait se produire bientôt? Pour le moment, s'ils suivent plutôt la tendance canadienne, on pourra conclure que leur société n'est pas aussi distincte qu'ils le prétendent. À raison de 8 millions de membres - soit le quart de la population canadienne- - les Canadiens facebookent plus que tout autre groupe national au monde, plus que les Américains, qui ne sont que 8% dans la Maison de verre. Selon les blogueurs du site Branchez-vous, éclairés en la matière, les statistiques de Facebook sont gonflées et les Québécois francophones sont beaucoup moins nombreux que la moyenne des Canadiens. «Facebook, écrit l'un d'entre eux, est une usine à gaz et ce type d'article sans fondement en est le produit. J'ai même vu un article disant que 1 Canadien sur 4 au pays était sur Facebook. Ça inclut les bébés et les grands parents! Faut vraiment être con. Sérieusement, ma petite prédiction 2008, Facebook va se faire ramasser. C'est totalement gonflé artificiellement et voué à l'éclatement. »
Où en est la France? Avec ses 2 millions de membres, elle est encore loin derrière l'Angleterre qui en compte 8 millions, mais la croissance y semble aussi forte qu'ailleurs. L'unilinguisme anglais du site semble être un avantage pour Facebook tant les Français sont fiers de démontrer, en adoptant l'anglais, qu'ils appartiennent au monde plus qu'à leur pays et à l'Europe.
Les autres géants américains d'Internet, Yahoo, Google ont assumé eux-mêmes le coût de la traduction de leurs sites dans les diverses langues du monde. Pour ce qui est du français, Facebook s'en remet aux Français eux-mêmes pour assurer la traduction dans leur langue. Les premiers résultats ne plaisent pas à tous. «À noter enfin la présence d'un groupe de 29 utilisateurs qui militent quant à eux farouchement contre la traduction de Facebook, qu'ils jugent "ridicule" et dont ils estiment qu'elle devrait aboutir à "l'utilisation de mots plus débiles les uns que les autres résultant d'une traduction de mots intraduisibles en français". L'anglais fait, selon eux, "partie du charme de Facebook". Il "sert de filtre à l'inscription", disent-ils, et serait "un signe d'ouverture au monde contrairement au français".
Mise au point sur le site Capazoo, le 15 février 2008
Nous fiant à une information trouvée sur un site respectable, Vortexsolution, nous avons dans une version antérieure de ce dossier, écrit ce qui suit:
«Le site québécois Capazoo promet de partager avec ses membres les revenus publicitaires dont ils seront la cible. Ne serait-ce que pour cette raison, il vaut le détour.»
Selon une une information parue dans le journal La Presse du 11 fèvrier dernier, une dizaine de jours après la publication de notre dossier, il existe de bonnes raisons de mettre en doute l'honnêteté des promoteurs de Capazoo. «Luc Verville et son frère Michel, écrit Francis Vailles dans La Presse, ont touché 1,2 M$ de rémunération en 2007 pour développer la PME Capazoo, soit 20% des fonds des investisseurs, a appris La Presse Affaires.»
Quoiqu'il en soit, on a bien des raisons de s'inquiéter de l'adhésion massive à Facebook: ces fans de la tendance ignorent-ils donc qu'ils donnent 250 $ aux actionnaires du site en remplissant le formulaire? Qu'ils ne s'inquiètent pas de l'usage que l'on fera de leurs détails, la chose peut sembler anodine, tant l'esprit du temps invite à la transparence, mais qu'ils n'aient même pas la curiosité de se renseigner sur les actionnaires de Facebook, de savoir ce qu'ils pensent, ce qu'ils font et feront de leur argent, cela dénote un grégarisme rappelant les plus mauvais souvenirs.