"Pourtant c'est aux exemples perpétués par le disque que tant de musiciens d'aujourd'hui doivent leurs plus décisifs exemples. Un Furtwängler, un Fischer ont aujourd'hui une influence que leurs contemporains leur ont marchandée. Les disques sont des stimulants de la sensibilité. Ils nous aident tous à trouver notre oreille, si nous ne sommes qu'auditeurs, notre voix (notre voie) si nous sommes interprètes. Le moindre accent y pourvoit. [...] Voix de Gérard Philippe dans Le Cid ou de Jouvet dans L'École des femmes, partie de cartes pour Raimu ou notes de Schubert boulées par Fischer, mais avec quelle vie unique, le disque est notre mémoire à tous, notre guide-oreille, sans rien de sectoriellement spécialisé. Le patrimoine du discophile averti, c'est son oreille, riche en mémoire, agile en comparaisons. À sa manière elle est un instrument de musique, sûrement au niveau (au moins) d'un diplômé des conservatoires sans carrière. Ceux qui ont inventé le disque croyaient fabriquer une mémoire artificielle, pour de beaux instants que la nature fait éphémères. En un siècle, il s'est fait sa formidable fonction de formation, pluridisciplinaire, éduquant l'oreille tous azimuts. Disque voulait dire: mémoire. Il veut dire: école d'imagination."
Source: André Tubeuf, «A l'école du disque», Diapason-Harmonie, no 387, novembre 1992, p. 93