Livingstone David
Dans son pays d'origine on le présente comme le plus grand explorateur écossais. Les Églises protestantes le présentent plutôt comme un missionnaire. Certes il aimait passionnément la nature et il s'est intéressé très tôt à la botanique, mais ce ne fut sûrement pas là le principal mobile qui l'a poussé vers la vie la plus dangereuse qu'on puisse imaginer. Et s'il n'avait été qu'un explorateur au service d'un pays ou d'une entreprise, il aurait sûrement imposé des limites plus visibles à sa détermination. Cet homme du XIXe était animé par un zèle missionnaire comparable à celui des premiers jésuites qui vinrent évangéliser les Indiens du Canada. Henry M. Stanley, celui qui partit à sa recherche et le rencontra près du Lac Tanganika en fut à ce point persuadé qu'il se fit lui-même missionnaire et continua son oeuvre.
Levingstone commença à gagner sa vie à l'âge de dix ans en travaillant dans une usine de coton. À l'école du soir, de 20h à 22h. il apprit le latin avec une telle application qu'à seize ans il pouvait lire Horace. Il décica de devenir missionnaire à vingt ans. Il commença ensuite des études de médecine et de théologie à Glascow qu'il termina à Londres où il était devenu membre de la London Missionary Society.
Dès ses premières années en sol africain, l'instinct de l'explorateur sembla reléguer au second plan la vocation missionnaire, si bien que peu avant son premier retour Londres il reçut la plus haute décoration de la Royal Geographical Society, la médaille d'or. Ses conversions n'avaient pas suscité la même admiration à la Missionnary Society. Et aujourd'hui la réputation de Livingstone tient surtout au fait qu'il fut le premier blanc, la premier homme peut-être à traverser l'Afrique d'Ouest en Est et que, chemin faisant, il a découvert les chutes Victoria et le fleuve Zambèse.
Certains de ses biographes sont d'avis que la lutte contre l'esclavage fut la grande affaire de sa vie et le principe de son unité. Il pensait en effet que le commerce et la civilisation seraient les remèdes les plus efficaces contre l'esclavage, d'où sa volonté d'explorer le coeur du continent, d'en dresser la carte . Il se plaisait à répéter ce credo:«Tout ce que j'ai ou possède n'a de valeur à mes yeux que par rapport au royaume du Christ.»
La rencontre de Stantey et Livingstone
« Le docteur Livingstone, je présume?
- Oui, répondit-il en soulevant sa casquette, et avec un bienveillant sourire.
Nos têtes furent recouvertes, et nos mains se serrèrent.
« Je remercie Dieu, repris je, de ce qu'il m'a permis de vous rencontrer.
- Je suis heureux, dit-il, d'être ici pour vous recevoir. »
Je me tournai ensuite vers les Arabes, qui m'adressaient leurs yambos, et que le docteur me présenta, chacun par son nom. Puis oubliant la foule, oubliant ceux qui avaient partagé mes périls, je suivis Livingstone.
Il me fit entrer sous sa véranda - simple prolongation de la toiture - et m'invita de la main à prendre le siège dont son expérience du climat d'Afrique lui avait suggéré l'idée : un paillasson posé sur la banquette de terre qui représentait le divan ; une peau de chèvre sur le paillasson; et pour dossier, une autre peau de chèvre, clouée à la muraille, afin de se préserver du froid contact du pisé. Je protestai contre l'invitation ; mais il ne voulut pas céder ; et il fallut obéir.
Nous étions assis tous les deux. Les Arabes se placèrent à notre gauche. En face de nous plus de mille indigènes se pressaient pour nous voir, et commentaient ce fait bizarre de deux hommes blancs se rencontrant à Oujiji, l'un arrivant du Manyéma, ou du couchant; l'autre de l'Ounyanyembé, ce qui était venir de l'est.
L'entretien commença. Quelles furent nos paroles? Je déclare n'en rien savoir. Des questions réciproques, sans aucun doute.
« Quel chemin avez-vous pris?
- Où avez-vous été depuis vos dernières lettres? »
Oui, ce fut notre début, je me le rappelle; mais je ne saurais dire ni mes réponses, ni les siennes; j'étais trop absorbé. Je me surprenais regardant cet homme merveilleux, le regardant fixement, l'étudiant et l'apprenant par coeur. Chacun des poils de sa barbe grise, chacune de ses rides, la pâleur de ses traits, son air fatigué, empreint d'un léger ennui, m'enseignaient ce que j'avais soif de connaître, depuis le jour où l'on m'avait dit de le retrouver. Que de choses dans ces muets témoignages, que d'intérêt dans cette lecture!
Je l'écoutais en même temps. Ah ! si vous aviez pu le voir et l'entendre! Ses lèvres, qui n'ont jamais menti, me donnaient des détails. Je ne peux pas répéter ses paroles, j'étais trop ému pour les sténographier. Il avait tant de choses à dire qu'il commençait par la fin, oubliant qu'il avait à rendre compte de cinq ou six années. Mais le récit débordait, s'élargissant toujours, et devenait une merveilleuse histoire.
Les Arabes se levèrent, comprenant, avec une délicatesse dont je leur sus gré, que nous avions besoin d'être seuls. Je leur envoyai Bombay pour leur dire les nouvelles, qui malheureusement les touchaient de trop près. Séid ben Médjid, l'un d'eux, était le père du vaillant Saoud, qui s'était battu à côté de moi à Zimbiso, et que les gens de Mirambo avaient tué le lendemain dans les bois de Vouilyankourou. Tous avaient des intérêts dans l'Ounyanyembé, tous y avaient des amis; ils devaient être impatients d'apprendre ce qui les concernait.»
Source et suite
Chronologie
|