Comique
Un passant dans la rue suit une jolie fille du regard. Il bute contre un obstacle et tombe. Rire! La vie est vigilance et souplesse; notre passant distrait a perdu l'une et l'autre. Il s'est comporté comme un robot.
C'est par des exemples de ce genre que le philosophe Henri Bergson démontre qu'au fond du comique il y a, parmi d'autres éléments, du mécanique plaquée sur du vivant. A propos du passant distrait, Bergson écrit: «ce qu'il y a de risible dans ce cas, c'est une certaine raideur de mécanique là où l'on voudrait trouver la souplesse attentive et la vivante flexibilité d'une personne». D'une manière analogue, poursuit Bergson le comique pourra résulter du contraste entre une matière inerte, un vêtement par exemple et le corps vivant, ou à un autre niveau, entre le corps et l'âme, cette dernière représentant alors le pôle de la vie. D'où l'effet comique du déguisement dans un cas et du mensonge trahi par le corps dans l'autre.
Les analogies de ce genre peuvent être poussées très loin, mais au fond du comique «il y a toujours un arrangement d'actes et d'événements qui nous donnent, insérés l'un dans l'autre, l'illusion de la vie et la sensation nette d'un agencement mécanique».
Henri Bergson, Le rire, Paris, Presses universitaires de France, 1964, p. 8