Enjeux
Trafic international de cannabis
"D'après le rapport pour 2002 de l'OICS, le cannabis continue d'être cultivé illicitement à grande échelle dans de nombreux pays africains, ce qui s'explique en partie par les prix peu élevés offerts pour les produits agricoles traditionnels. Les superficies illicitement cultivées s'étendent dans les pays ou les régions touchés par la guerre civile ou les conflits armés. Environ un quart des saisies mondiales de résines et de feuilles de cannabis sont effectuées en Afrique et, d'après les chiffres de l'OICS, 60 à 70 % de la résine de cannabis saisie en Europe proviendraient du Maroc.
Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Bernard Petit, chef de l'OCRTIS, a déclaré : «
L'honnêteté me pousse à dire que 85 %, voire 90 % de la résine de cannabis interceptée dans tous les pays d'Europe provient du Maroc. C'est le Maroc qui est le grand producteur de résine de cannabis pour toute l'Europe. Cela représente environ 2.000 tonnes de résine produite au Maroc -certains vont jusqu'à 3.000 tonnes- et les autorités marocaines n'en reconnaissent que 1.750. C'est énorme. On en saisit environ 600 à 700 tonnes en Europe et 1.000 tonnes s'évaporent donc et passent à travers tous les filtres. Effectivement, le Maroc est un problème au regard du trafic de résine de cannabis (27)
».
Le cannabis marocain est acheminé principalement par l'Espagne et, dans une moindre mesure, par le Portugal et la France, à destination de divers pays européens. Certaines filières passeraient aussi par l'Algérie et la Tunisie ou y aboutiraient.
S'agissant des autres zones de culture illicite de cannabis, le rapport pour 2002 de l'OICS mentionne également les pays d'Amérique centrale et des Caraïbes où il est essentiellement destiné à la consommation locale, de même que le cannabis produit en Amérique du Sud. Tous les pays d'Amérique du Sud ont signalé des saisies de cannabis qui représentent un total d'environ 8 % de l'ensemble des saisies de feuilles de cannabis effectuées dans le monde. En outre, le cannabis produit en Colombie est introduit clandestinement aux Etats-Unis. Enfin, s'agissant du continent asiatique, le rapport pour 2002 de l'OICS mentionne notamment l'ampleur considérable de la culture illicite du cannabis en Afghanistan et au Pakistan où ce produit « pousse à l'état sauvage ». La résine de cannabis continue ainsi d'être acheminée clandestinement de ces deux Etats vers d'autres pays d'Asie occidentale et vers l'Europe.
Enfin, le rapport pour 2002 de l'OICS révèle également que le cannabis continue d'être cultivé illicitement à une grande échelle dans toute l'Europe et que cette culture est en progression sensible dans les Etats membres de l'Union européenne, ce qui pourrait être lié aux politiques que certains Etats ont adoptées et qui témoignent d'une indulgence discutable à l'égard de la détention de cannabis.
Dans la pratique, on distingue
trois niveaux de trafic international de résine de cannabis :
- un niveau bas, pour lequel le trafic est entre les mains d'usagers/revendeurs ou de petits trafiquants locaux, portant sur des quantités relativement modestes (10 à 100 kilogrammes) dissimulées dans des véhicules de tourisme pour franchir les frontières marocaine, espagnole et française;
- le grand trafic international ayant lieu presque exclusivement par le biais des transports routiers internationaux, en provenance du Maroc et d'Espagne et étant le fait de réseaux structurés et organisés. Ces trafiquants profitent des flux licites de marchandises pour importer en Europe des quantités très importantes (de 500 kilogrammes à plusieurs dizaines de tonnes) en un seul passage. Pour ce type de trafic, la France n'est souvent qu'un pays de transit, ces grandes quantités étant destinées aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, où le haschisch est souvent reconditionné sous des quantités plus petites pour être réexpédié en France;
- le trafic intermédiaire, sans doute le plus déstabilisant sur le plan économique et social, qui est apparu en France depuis environ trois ans, et qui est le fait de différents groupes de délinquants qui importent, régulièrement, d'importantes quantités de cannabis d'Espagne en France selon le mode opératoire des « go fast ».
(27) Le représentant de la délégation marocaine rencontré à Vienne par la commission, lors de la Conférence des stupéfiants de l'ONU, a rappelé sur ce point la lourdeur de l'héritage de la colonisation et indiqué que le Maroc n'avait pas les moyens de contrôler ses côtes."
Sénat français - Commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites,
Drogue: l'autre cancer. Rapport d'information (no 321) - session ordinaire de 2002-2003. Remis à Monsieur le Président du Sénat le 28 mai 2003. Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juin 2003. Présidente de la Commission : Nelly Olin. Rapporteur : Bernard Plasait (site Web du Sénat français) - reproduction autorisée par le site d'origine