Arrogance
L'arrogance est un mépris de tout sauf de soi-même, et l'arrogant est du genre à dire à une personne pressée qu'il la rencontrera après dîner, durant sa promenade. A-t-il rendu un service, il entend bien qu'on s'en souvienne. Rencontre-t-il en rue des gens qui lui ont confié le soin de départager leurs arbitres, il se fraie de force un passage !
Est-il élu à une fonction gouvernementale, il se dérobe en affirmant sous serment... qu'il n'a pas le temps. Il ne consent à aborder personne le premier. Il est homme à inviter vendeurs et salariés à se rendre chez lui au lever du jour.
Lorsqu'il marche en rue, tête baissée, il ne parle pas aux gens qu'il rencontre, mais redresse derechef la tête dès lors qu'il en a envie. Donne-t-il un dîner à ses amis, lui-même ne mange pas avec eux, mais il charge quelqu'un de son personnel de s'occuper d'eux.
Quand il est en route, il envoie par avance quelqu'un pour dire qu'il arrive. Il ne laisse entrer personne au moment de sa friction, de son bain ni de son repas. Bien entendu, lorsqu'il règle un compte avec quelqu'un, il enjoint à son esclave de pousser les jetons et, une fois le total fait, de l'inscrire pour lui sur son compte.
Dans une lettre, il n'écrit pas «Vous me feriez plaisir...», mais «Je veux que...» et «J'ai envoyé quelqu'un prendre chez vous...» et «Afin que cela ne se fasse pas autrement» et «au plus vite».
THÉOPHRASTE, Les Caractères (20 à 30), Nouvelle traduction annotée
par Marie-Paule LOICQ-BERGER (janvier 2002), Chef de travaux honoraire de l'Université de Liège.