Blondin Antoine

11 avril 1922 -7 juin 1991 à Paris, France

« Antoine Blondin (1922-1991) est l'auteur de six romans, parmi lesquels on trouve L'Europe buissonnière (1949), L'Humeur vagabonde (1953) et Un singe en hiver (1959), ce dernier étant de loin le plus connu, pour avoir mérité à son auteur le prix Interallié et pour avoir été adapté à l'écran, dans un film où les célèbres acteurs Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo se donnent la réplique. Dix-ans d'intervalle sépare le dernier roman de Blondin, Monsieur Jadis ou l'école du soir (1970), de son précédent, Un garçon d'honneur (co-écrit avec Paul Guimard), une période de silence marquée par la disparition de nombreux amis chers au coeur de l'écrivain, parmi lesquels on compte Marcel Aymé, Albert Vidalie et Roger Nimier. De la perte de ce dernier, Blondin ne se remît jamais. Nimier fut son compagnon de la première heure au sein de la bande des « Hussards », l'enseigne sous laquelle des écrivains aussi différents que Blondin, Nimier, Michel Déon et Félicien Marceau opérèrent. À propos de ce long « hiver de l'affectivité, hiver de la littérature », Blondin écrit en 1973 : « Il n'était plus question d'écrire, chaque mort remettant tout en cause, de mes dispositions et de mon univers. Du moins, à la question infamante : “Pourquoi écrivez-vous ?” s'en était-il substitué une autre, plus onctueuse : “Pourquoi n'écrivez-vous plus ?” Et, de même que Paul Valéry répondait à la première : “Par faiblesse”, nous aurions pu et voulu répondre à la seconde : “Par force.” » Dans les années soixante-dix, Blondin revient à l'écriture, pratiquant entre autres la chronique sportive à l'occasion des Tours de France et des championnats de rugby qu'il couvre. Au cours de cette même décennie, il se met à collaborer à une foule de journaux et de magasines à grand tirage – tels Le Monde, L'Express, Elle –, grâce à quoi il parvient à assurer sa pitance. Il revient également à l'essai littéraire en publiant de nombreuses préfaces de romans – on lui en compte quatre-vingt-dix-sept au total –, dont le recueil intitulé Certificats d'études (1977) offre une espèce de concentré. Ce livre prend l'aspect d'une « flânerie » au coeur de vingt siècles de littérature, où l'on côtoie Dickens, Homère, Alexandre Dumas, Rimbaud, mais également des figures plus inattendues comme celles d'Édith Piaf et de James Dean. En 1982, Blondin réunit un nombre imposant de chroniques publiées entre 1943 et le début des années quatre-vingt en un recueil intitulé Ma vie entre des lignes, biographie intellectuelle que vint compléter Alain Cresciucci en publiant en 2006 Mes petits papiers.

Ayant son ardoise dans tous les bistrots de la rive gauche, ce noceur infatigable qu'est Antoine Blondin prétend avoir toujours écrit sous la contrainte – pour « payer une dette privée ou publique », ou comme on fait des « devoirs de vacances » (autre titre de l'essai intitulé Certificats d'études) –, tandis qu'il « considère les gens que leur profession ou une minute d'égarement mettent dans le cas d'avoir à [le] lire comme des examinateurs ». « À cet égard, affirme-t-il, éditeur, rédacteur en chef ou lecteur : c'est tout un ; je leur remets ma copie. » »

François Masse, Le roman selon Antoine Blondin, Bibliographie critique du TSAR (travaux sur les arts du roman). Montréal : Université McGill. 22 juin 2011.

 

Croquis saisissant de la vie de cet écrivain hors du commun, par le critique Renaud Matignon : «Par goût des bonheurs partagés, il va faire de cet univers de fête et de fuite sa vie quotidienne et transformer ses jours en une danse de funambule. Et, par une obsession contraire – celle des plaisirs qui s’en vont et des rires qui font naufrage –, il va colorer ses mélancolies amusées des reflets de l’alcool, son compagnon fidèle, face noire de la grâce de vivre chez un elfe à la voix cassée qui s’est installé dans un mal de mer joyeux, dans un chant profond, dans une drôlerie de chaque instant, comme un personnage entre dans un chapitre. Une vie de bâton de chaise, dira-t-on, mais la chaise était un tapis volant.» (Renaud Matignon, La liberté de blâmer)

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