Fessenden Reginald
Avec brio, Marconi avait inventé la radio sous forme TSF. Mais c'est Reginald Aubrey Fessenden, né en 1866 dans une famille loyaliste de Milton-Est, dans le comté de Brome au Québec, puis expatrié aux états-Unis, qui réussit à la faire parler. Comme dans le cas d'Alexander Graham Bell, sa carrière de chercheur prend son essor dans le bouillon de culture scientifique américain. C'est à Pittsburgh qu'il commence à travailler sur la transmission de la parole par ondes électromagnétiques, au moment où les expériences de Marconi en Grande-Bretagne font la une de l'actualité mondiale. Or Fessenden considère que Marconi fait fausse route quand il assimile la transmission radio à l'effet coup de fouet: les ondes électromagnétiques seraient produites par des étincelles électriques assez fortes pour propager des impulsions dans l'air, mais entre les étincelles, il n'y aurait rien. Fessenden croit au contraire que les ondes radio sont continues, à la manière de la lumière projetée par la flamme d'une bougie. Si tel est le cas, il est possible de transmettre la parole, estime Fessenden. Il suffit d'en augmenter la fréquence. Dans son laboratoire de Pittsburgh, il parvient ainsi à moduler les ondes radio plusieurs milliers de fois par seconde.
C'est alors que le ministère de l'Agriculture américain lui offre d'aller expérimenter la TSF dans sa station météorologique de Cobb Island, petite île du Potomac. C'est là que le 23 décembre 1900, il procède à l'expérience historique: la première transmission sans fil de la voix humaine. Encouragé par son succès, Fessenden quittera le service du ministère de l'Agriculture en 1903, afin de créer sa propre entreprise, National Electric Signalling.
Fessenden savait que le téléphone recourait au principe des variations de courant pour transmettre la voix. Il décida de faire la même chose avec la radio. Il décida d'utiliser les variations d'un courant électrique en fonction de la voix et de moduler les ondes radio par ces variations. Pour ce faire, il suffisait de brancher un téléphone sur l'antenne. Le résultat sera une fréquence radio dont l'amplitude variera en fonction d'une fréquence audio. Fessenden avait inventé le principe de la modulation par amplitude (AM).
Restait à régler le problème pratique de la fréquence audio. Comment augmenter la fréquence de l'alternateur suffisamment pour amplifier la voix humaine jusqu'à lui faire traverser l'Atlantique? Les travaux durèrent trois ans. En 1906, une station avait été construite à Brant Rock, sur la côte du Massachusetts, et une autre à Machribanish, en écosse. Chaque installation était surmontée par une antenne de 130 mètres, coiffée d'une sorte de parasol. Le détecteur électrolytique était 2000 fois plus sensible que celui de Marconi. D'emblée, il parvint à effectuer des émissions TSF traversant l'Atlantique dans les deux sens, tandis que Marconi avait toujours dû se contenter d'émissions dans un sens. Mais le but visé, qui demeurait la voix, fut atteint presque par accident. En novembre, l'opérateur de la station écossaise eut la surprise de capter une émission expérimentale de radiotéléphonie entre Brant Rock et une plus petite station située 11 km plus loin sur la côte de la Nouvelle-Angleterre. Les premiers mots à traverser l'Atlantique par radio n'avaient rien d'historique: l'assistant de Fessenden expliquait à l'opérateur de la station subsidiaire comment faire marcher une dynamo. Et c'est finalement le soir de Noël 1906, depuis la station de Brant Rock, que Fessenden inventa les émissions de radio telles que nous les connaissons aujourd'hui.