Nombre d'or
Kepler qualifiait ce nombre de trésor. «La géométrie, disait-il, recèle deux grands trésors: l'un est le théorème de Pythagore; l'autre est la division d'une ligne en moyenne et extrême raison.»
Tel est le Nombre d'or. Il correspond à une espèce de sens instinctif de la proportion. En prenant les mesures de milliers d'objets rectangulaires familiers, Fechner, le fondateur de la psychologie scientifique, a pu établir que le rapport entre les côtés de ces rectangles formaient une courbe en cloche dont le sommet est le Nombre d'or: 1.618, que l'on obtient en divisant une ligne de manière telle que le rapport de la plus petite partie à la plus grande soit égal au rapport de la plus grande sur la ligne totale.
On peut engendrer une série de rectangles dorés à partir d'un rectangle doré initial. En joignant entre elles les intersections de ces rectangles, on construit une magnifique courbe logarithmique, celle-là même que l'on retrouve à l'état de perfection dan certaines coquilles comme Nautilus pompilius. Cette courbe, qui est une expression du Nombre d'or, est appelée Spira mirabilis ou courbe de vie, car elle est la mesure de la croissance. Rappelons au passage que le Nombre d'or et les logarithmes font partie de l'essence mathématique secrète de la musique.
Le nombre d'or est au coeur de la vision artistique du monde
Les amoureux du nombre d'or ont tendance à le voir partout et, comme l'a montré Marguerite Neveux, leurs démonstrations ne sont pas toujours d'une rigueur parfaite, mais est-ce là une raison suffisante pour exclure tout lien entre le sentiment de beauté et ce nombre que le mathématicien H.E. Huntley qualifie de divine proportion? Le refus du divin est si passionné chez certains qu'il les amène à rejeter toute conception de la beauté faisant appel à un principe transcendant. Qu'elle prenne la forme précise du nombre d'or ou toute autre forme, la proportion associée au sentiment de beauté n'est-elle pas la présence de l'Idée dans la matière?
Il y a entre les nombres comme entre les personnes des rencontres et des amitiés inexplicables. Il existe une série de nombres telle que chaque nouvel élément soit la somme des deux précédents. Elle porte le nom du mathématicien qui l'a découverte au Moyen Age, Fibonacci: 1-2-3-5-8-13-21-34-55-89. Divisons 2 par 1, 3 par 2, 5 par 3, 8 par 5, 13 par 8, 21 par 13, 34 par 21, 55 par 34. Nous obtenons: 2, 1.5, 1.666, 16, 1.625, 1.615, 1.619, 1.617... Des chiffres qui s'enroulent autour d'une tige centrale qui est le Nombre d'or.
Et voici la fleur de tournesol: 13 spirales partent de son centre dans une direction, 21 dans l'autre. 13 et 21! Deux nombres successifs de la série de Fibonacci. Qu'est-ce que cette rencontre fortuite a de si intéressant? L'une des raisons pour lesquelles les Anciens étaient attachés à la courbe logarithmique c'est qu'elle rend compte de la course annuelle du Soleil: Si l'on combine le mouvement diurne du Soleil avec son mouvement annuel, on obtient en effet une spirale. Dans le cadre d'une vision du Monde où les formes pures et les beaux nombres ont plus d'importance que l'analyse des forces, de tels rapprochements ne manquent pas d'intérêt.
On aura la preuve que la vision artistique du Monde a de nouveau sa place dans la civilisation le jour où l'étude de nombres comme le Nombre d'or fera partie des programmes de mathématiques. Ce sont peut-être les cours de mathématiques qui contribuent le plus à façonner les visions du Monde dans l'âme des enfants. (J.D.)