Mai 68

« La crise de mai 1968 présente des aspects communs avec les révoltes sociales du passé. Mais, dans son déroulement et ses causes, elle est un moment profondément original : elle débute par un violent mouvement de protestation étudiante, entraîne une mobilisation des salariés et débouche sur une crise politique. Le mouvement étudiant français, assez analogue à ceux qui agitent alors les Etats-Unis ou la RFA, débouche dans l'hexagone sur une crise politique majeure » (source : De Gaulle et Mai 68, Fondation et Institut Charles de Gaulle).

Voir cette utile présentation des événements de mai 68 proposée par l'Encyclopédie Hachette (Yahoo! France); voir aussi la notice de Wikipedia (fr.)
Chronologie (site du professeur Thierry Delthé, Lycée Georges Clemenceau, Chantonnay). Également, le séminaire de recherche sur Mai 68 et les intellectuels de l'École des chartes (février 2007)

Essentiel

Les interprétations sont pour le moins divergentes quant au sens à donner aux événements de Mai 68. Certains, comme André Comte-Sponville, considèrent ce passé positivement et non sans une certaine nostalgie :

«Mai 68, pour les gens de ma génération, c’est d’abord un souvenir de bonheur. [...] Nous ne voulions plus de ce vieux monde, de ce vieux pays, de ce vieil homme… De Gaulle, la France, le capitalisme, tout cela nous semblait d’un autre âge, dépassé, mortifère. [...]

L’Histoire n’avance que par son mauvais côté, disait Marx. Elle n’est faite que de nos rêves défaits. Mais enfin elle avance, et l’on ne m’ôtera pas de l’idée que Mai 68, avec toutes ses limites, avec toute sa naïveté, fut une avancée considérable. Vers quoi ? Vers plus de liberté, surtout s’agissant des mœurs, mais aussi vers plus de solidarité et d’audace.»

André Comte-Sponville, Mai 68, un souvenir de bonheur, Psychologies Magazine, mai 1998


D'autres, comme le journaliste français Christian Authier et l'essayiste québécois Pierre Vadeboncoeur, sont d'avis que la "pensée 68" est à l'origine de bien des travers de la société actuelle, et ils ne se gênent pas pour critiquer les postures et les prises de position des «soixante-huitards», celles d'hier comme celles d'aujourd'hui :

«[...] les soixante-huitards ont fait carrière sur l’apologie débridée de la subversion et de la transgression face à toute forme d’autorité (politique, religieuse, morale, sociale, familiale). Leur drame est d’être aujourd’hui au pouvoir. Ils n’en reviennent pas, partagés entre le contentement et le dégoût de soi (pour les moins cyniques), d’incarner l’ordre bourgeois et moral qu’ils vomissaient. Certes, ils s’habillent "jeune", tentent de parler "branché", de poser en éternels rebelles contestataires et de ne rater aucune mode, mais ce sont des notables confits dans des idées plus vieilles qu’eux. Jouhandeau les imaginait notaires, ils sont plutôt ministres, éditorialistes influents ou patrons de presse. Ils défendent le FMI, la Banque mondiale et l’OTAN. Que leur reste-t-il? La posture. Celle de l’ado révolté et de l’enfant insoumis. [...] Mais ils ont beau singer la modernité, elle s’enfuit devant ces ringards et ne leur laisse que ses bijoux de pacotille. Cours camarade, ton vieux monde est derrière nous…»

Christian Authier, «68: dépôt de bilan» (dossier, L'Opinion indépendante, Toulouse, Fr.) (lien désactivé: 20-08-01)

«[....] Mai 68 n'est pas une révolution. "Cette fiesta n'a laissé d'autre héritage que celui d'un anti-modèle." Il est étonnant, croit Pierre Vadeboncoeur, que l'on baigne toujours dans l'illusion que véhiculait Mai 68. Il qualifie l'événement de "pure folie", qui offre le contraire de ce qui est nécessaire dans une société, croit-il, c'est-à-dire, entre autres, une culture profonde, remontant dans le temps. L'interdit d'interdire s'est érigé en dogme. Il y a rupture avec les sources. Et de nos jours, "une vraie révolution [...] supposerait une radicale levée des interdits qui protègent aujourd'hui une pensée répétitive qu'on s'obstine à dire libre".»

Caroline Montpetit, «Pierre Vadeboncoeur: humanité indifférente», Le Devoir, 23 septembre 2000 (lien désactivé)

Enjeux

«Les soixante-huitards, les Sartre et les Foucault, sous le haut patronage desquels on monta aux barricades et renversa l'autorité des maîtres, se délestèrent dans la joie de ce vieil idéal de la Renaissance: la liberté comme discipline et conquête de soi. Il ne serait plus question d'hériter de quoi que ce soit, ni de la culture, ni du passé. La liberté, trop lourde à porter, trop lente à venir, cédera à l'impatience de l'hédonisme, à l'exaltation de la vie comme énergie brute, nommée "vitalisme" par [Hannah] Arendt. Les patrons de mai 1968 forgèrent une langue nouvelle, un lyrisme du "je" qui encense la libre volonté de l'individu à l'écoute de ses besoins, le jaillissement de la spontanéité créatrice, les désirs obscurs refoulés par la morale et le pouvoir. Il faut alléger le monde de son passé, libérer l'homme de toutes ses chaînes, à commencer par celles que l'éducation traditionnelle imposait à ses pupilles. Mai 1968 a vu apparaître, observe [Alain] Finkielkraut, l'oligarchie de ceux qui n'existent que pour eux-mêmes, pour lesquels la vie devient le seul horizon de la vie.»

Marc Chevrier, L'empire de l'écran total. Ce que conserver veut dire d'après Alain Finkielkraut, L'Agora, vol. 5, no 4, juillet 1998

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