Infantilisme
Bref, le commun langage reconnaît à l'état adulte un double caractère: un caractère de fait, ne plus être enfant; un caractère de droit, ne pas être infantile. Or tout ce qui s'oppose à l'infantilisme peut se résumer d'un mot, le sérieux. Sérieux, cela s'oppose tout ensemble à dérisoire, futile, frivole, amusant, comique, inconséquent, débauché, puéril! Sérieux, c'est le propre d'une entreprise qui a des conséquences tant pour autrui que pour soi-même, d'une décision dont on sait qu'elle sera maintenue, d'une situation difficile, dont on ne peut se moquer et dont il faut pourtant venir à bout: insurmontable, la situation ne serait plus sérieuse, mais tragique. Sérieux, c'est ce qui oppose l'adulte, non pas à l'enfant, mais à l'adulte qui fait l'enfant. Un romancier contemporain écrit ainsi :
- Je me demande si la guerre n'éclate pas dans le seul but de permettre à l'adulte de faire l'enfant, de régresser avec soulagement jusqu'à l'âge des panoplies et des soldats de plomb (...) Le drame, c'est que cette régression est manquée. L'adulte reprend les jouets de l'enfant, mais il n'a plus l'instinct de jeu et d'affabulation qui leur donnait leur sens originel ( ... ) Le sérieux meurtrier de l'adulte a pris la place de la gravité ludique de l'enfant dont il est le singe, c'est-à-dire l'image inversée».
OLIVIER REBOUL, «L'adulte: mythe ou réalité», Revue Critère, juin 1973