Camée

"Vous me demanderez ce que j’entends par camées proprement dits? Ce sont certaines pierres gravées en relief, qui seules devraient porter ce nom. Je sais bien qu’on appelle maintenant camée toute pierre gravée en relief. Mais je sais aussi que cela ne s’est pas toujours fait et que nous ne devrions pas le faire aujourd’hui, si nous voulions employer le terme propre et précis.

On appelle proprement camée une pierre gravée en relief, qui a deux couches de différentes couleurs, dont l’une est devenue la figure en relief et dont l’autre a servi de fond. Boot confirme ma définition : « Lorsque l’une des couches, dit-il, est gravée et que l’autre est réservée pour le fond, les graveurs appellent cet ouvrage camehuja ou camée, que ce soit un onyx ou une sardoine. L’artiste peut choisir indifféremment l’une de ces deux couches pour faire la figure, que ce soit la couche claire ou la couche foncée; mais s’il est libre de choisir, il préférera sans doute celle dont la couleur se prête et convient le plus à la figure; si, par exemple, il doit tailler une tête de nègre dans un onyx, qui présente une couche noire et une couche blanche de même hauteur, il serait évidemment absurde de prendre la blanche pour la tête, et la noire pour le fond. Dans ce cas il est forcé de suivre la couleur, parce qu’il peut la suivre, sans faire la moindre violence à son art, et vous voyez bien que je n’ai pas voulu parler de cette tendance du graveur à imiter la peinture. »

(...)


Si le mot Cameo ou Camayeu a désigné et ne doit désigner qu’une pierre gravée en relief, dont le fond est d’une autre couleur que la figure, et qui sera sans contredit un onyx, parce que parmi les pierres précieuses les onyx seuls ont de ces couleurs régulières et de différentes couleurs, on devinera facilement quel genre de tableaux les Français appellent aussi camayeux, et on comprendra pourquoi ces tableaux on reçu ce nom. On ne les appelle pas ainsi, parce qu’ils imitent le bas-relief, comme Pernety et d’autres se le figurent, car je ne vois pas ce que « Kamai », d’où il dérive ce mot avec Ménage, a de commun avec le bas-relief. On les nomme ainsi parce qu’ils sont peints d’une seule couleur et imitent la gemma onychia gravée. J’ajoute encore cette observation générale que le relief est si peu le caractère du camée, que même des pierres gravées en creux (des onyx, cela va de soi) peuvent et devraient être appelées camées, dès que la couche supérieure, à une seule couleur, a été gravée jusqu’à la couche inférieure, qui est d’une autre couleur, et que le fond offre l’une et la figure l’autre. Il n’y a pas bien longtemps que les Français ont employé de mot Camayeu pour des œuvres en creux et en relief. « Les joailliers et les Lapidaires, écrit Félibien dans son dictionnaire des arts, nomment camayeux les onyx, sardoines et autres pierres taillées en relief ou en creux. » Il aurait seulement dû laisser de côté les mots « et autres pierres taillées »; car on peut ranger tout au plus les sardoines dans cette catégorie, en tant qu’elles étaient comprises par les anciens sous le nom générique d’onyx et qu’elles seules peuvent être travaillées de la même manière."

source: Gotthold Ephraim Lessing, «Quarante-septième lettre: Qu’appelle-t-on camée? Étymologie de ce mot. » (Lettres sur l’art ancien), dans Lettres sur la littérature moderne et sur l'art ancien. Extraits traduits pour la 1ère fois par G. Cottler. Paris, Hachette, 1876, p. 261-262 et 270

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Étymologie du mot «camée»

Gotthold Ephraim Lessing



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