Pellan Alfred
L'étoile de Pellan
J'ai bien connu Pellan, dont nul ne pourrait nier la puissance et l'originalité mais qui, à l'écart de la palette et du chevalet, était aussi un homme charmant. Aux faits connus, il me plaît d'ajouter quelques impressions que nos rencontres m'ont laissées.
À un étranger qui demanderait: «Qui est Pellan?» il faudrait bien dire qu'il est né à Québec en 1906, a étudié à l'École des Beaux-Arts de Québec, où il a obtenu des premiers prix dans plusieurs disciplines. À l'âge de 16 ans, il voit l'une de ses toiles partir pour la Galerie nationale d'Ottawa! Avec l'aide de son père, qui est mécanicien de locomotive, il va étudier à Paris, à l'École supérieure nationale des Beaux-Arts de Paris, à l'Académie Colarofisi, à l'Académie Ranson et à la Grande Chaumière. Il est le premier à recevoir la bourse de la province de Québec, section peinture. En 1928, l'École des Beaux-Arts de Paris (atelier Lucien Simon) lui décerne le premier prix de peinture. Une exposition de ses oeuvres est tenue à l'École des Beaux-Arts de Québec. C'est le départ d'une longue série d'expositions, de premiers prix, d'honneurs, de distinctions de toutes sortes et d'activités qui témoignent à la fois de son talent et de son ardeur au travail. Il a déjà une oeuvre abondante. Il fraie avec les artistes les plus connus de l'époque (Picasso, Matisse, Derain, Dali, etc.), visite l'Europe, s'imprègne des grands courants de l'art du temps et fait même partie, avec d'ex-camarades de l'atelier Simon (Humblot, Tal-Coat, Lasne et Jannot), d'un mouvement appelé Forces nouvelles. Il vécut ainsi à Paris pendant 16 ans. Tout en conservant certaines caractéristiques et tout en se faisant rappeler, de temps à autre, qu'iI était Canadien, il était devenu un vrai Parisien, parlant comme les Parigots, vivant comme eux, très à l'aise dans ce milieu créateur si favorable aux expériences et aux découvertes.
La Seconde Guerre mondiale a tout bouleversé. Devant la menace nazie, Pellan a ramassé ses affaires et a quitté l'Europe pour revenir au pays, - cette fois, Montréal. Pour lui, c'était une sorte de fin. Pour nous, c'était le commencement de la période la plus importante et la plus féconde de l'art canadien. Dès son arrivée, PelIan a passé pour un révolutionnaire et une espèce d'alchimiste. En montrant ses travaux, il remettait en question toutes nos idées sur la peinture et avait l'air d'un voyageur qui revient de pays étranges, chargé d'objets précieux et nanti de formules magiques. Quatre ans avant son retour, Pellan était venu à Québec dans le but d'être nommé professeur à l'École des Beaux-Arts de Québec. Il avait été refusé par un jury qui le trouvait trop «moderne».
Pourtant, Pellan satisfaisait à une condition qu'imposaient plusieurs autorités d'ici: il était passé par Paris. On ne dira jamais assez l'importance de la capitale française de cette époque comme centre d'enseignement et de création. Une multitude d'artistes canadiens et américains en ont profité. Par exemple, rappelons-nous que les Sulpiciens qui accordaient des commandes pour la décoration de la chapelle Sacré-Coeur de l'église Notre-Dame exigeaient que les artistes s'en aillent à Paris pour exécuter leur travail. Ce qu'ont dû faire Franchère, Larose, Laliberté, Saint-Charles et Beau. Paris était vraiment la capitale mondiale de l'art et synonyme de grand style et de qualité. Mais c'était aussi la capitale de l'art académique le plus caduc et factice qui soit. Cependant, les partisans de l'art abstrait allaient changer l'ordre des choses et déplacer la capitale.
Situation de Pellan
Tandis que Pellan était plongé dans un monde bouillonnant d'expériences et d'idées nouvelles, le milieu artistique montréalais - qui aurait dû être le plus avancé - reflétait le climat d'intolérance et de lassitude résultant de la grande crise économique de 1929 et du joug imposé par les autorités religieuses et politiques.
Vers les années 30, on en était encore aux genres traditionnels: paysage, portrait, nature morte, scènes religieuses ou historiques, etc. Les artistes qui dominaient dans les galeries étaient Brymner, Walker, Delfosse, Caron, quelques membres du Groupe des Sept et autres. Les illustrations de Maria Chapdelaine avaient valu une grande renommée à Clarence Gagnon (ses imitateurs se sont multipliés jusqu'à nos jours), qui ne cachait pas son mépris des nouvelle écoles, ayant même donné une conférence intitulée: «The grand Bluff of modernist Art». On avait une piètre opinion de Cézanne, Van Gogh et Gauguin. Heureusement, il y avait Suzor-Coté, Holgate, Lyman, Marian Scott et, surtout, Marc-Aurèle Fortin! Il n'empêche que la majorité avait peine à accepter l'impressionnisme (qui avait pourtant un demi-siècle d'existence). Les pontifes et les mécènes - des anglophones pour la plupart - siégeaient à la Galerie nationale, à Montreal Art Association et à l'Académie royale du Canada. Aujourd'hui même en certains milieux, James Wilson Morrice passe pour une sorte de pionnier de cette époque-là: c'est tout dire.
Avant tout, les principaux obstacles à l'ouverture des esprits étaient cette timidité générale et cet attachement maladif aux genres traditionnels. «Je me souviens», «Au Québec, rien ne change», «Notre maître le passé», sont autant de paroles négatives qui bloquent la recherche et l'avancement. Les virus du puritanisme et du colonialisme infectaient notre société. L'art et la littérature étaient les seules portes légèrement entrouvertes.
Toute une génération se sentait mal à l'aise devant cette mainmise sur la pensée et la créativité. La presse écrite et parlée et le cinéma excitaient la curiosité. Le rideau allait se lever, la scène était prête.
La rentrée de Pellan
Le retour de Pellan n'a nullement été calculé. Il était presque inévitable. Comme bien d'autres, il sent que les choses se gâtent. Il revient tout simplement dans son pays. L'an 1940 est le point tournant de sa carrière et celui de l'histoire de l'art, section Canada.
Est-ce dû uniquement à son talent, ou peut-être parce que sa forte personnalité et l'enthousiasme de ses amis et des amateurs d'art ont contribué grandement à le faire accepter, il reste que les portes se sont vite ouvertes, qu'il n'a pas manqué de critique et de publicité favorables, qu'il a pu exposer ses oeuvres, seul ou en groupe, en de nombreux endroits et, qu'après à peine trois ans, il est chargé du cours supérieur de peinture à l'École des Beaux-Arts de Montréal. Et, pourtant, il choque.
Son curriculum vitae est presque accablant, de même que sa bibliographie. On a l'impression qu'il est partout, qu'il n'y en a que pour lui: expositions, prix, honneurs, bourses, livres, interviews, commandes, toutes les possibilités s'offrent à lui. Mais il se fait des ennemis. Son art n'est pas accepté partout. Son style dérange. Certains avant-gardistes fanatiques le disent «dépassé»; d'autres le traitent de révolutionnaire. Il y a des raisons à cela.
Ses goûts - en musique: Bach, Stravinsky, Bartok; en littérature: toute l'oeuvre d'Alfred Jarry et ses rencontres dans le monde des artistes: Picasso, Breton, Dali, Léger, Miro; tout cela paraît d'une façon ou d'une autre dans sa peinture.
Tous le reconnaissent, sans que ce soit toujours un compliment. Pellan a profité des recherches, des innovations et des acquis de ses contemporains artistes. Les adeptes et les fruits du cubisme, du surréalisme, du dadaïsme, et autres écoles plus ou moins abstraites, l'intéressent au plus haut point. Comme l'étudiant qui fréquente plusieurs maisons, il se familiarise avec diverses disciplines, techniques et connaissances. Il n'est pas l'homme d'un livre... Au contraire, son indépendance d'esprit lui fait faire une revue et l'amène à une sorte de synthèse, à un mode d'expression personnel. Étrangement, le plus grand reproche que des Automatistes lui font est celui d'être éclectique - comme si ce n'était pas le mouvement naturel de chaque individu qui devient un adulte. Mais que répondre à des gens qui se croient sortis de la cuisse de Jupiter?
Ce faisant, Pellan est provocant malgré lui. Sa manière est difficile à étiqueter. On a parlé de surréalisme à son propos. Mais les Dali et les Delvaux semblent bien mous et théâtraux, comparés à Pellan. On a évoqué Picasso, mais celui-ci, malgré son bizarre génie, paraît sec et cérébral auprès des formes sensuelles et des orgies de couleurs de notre ami. On a voulu lui opposer les champions de l'École de New York, - sans succès - car l'oeuvre de Pellan, toute pénétrée de géométrie et de schémas, n'a rien de commun avec l'expressionnisme abstrait.
Pellan rompt avec une tradition de soumission à la nature, vis-à-vis de laquelle, comme il l'a fait pour l'académisme, il demeure indépendant. Par son exemple, il incite à chercher de nouvelles voies et à se méfier des théories. Cela est édifiant, de la part d'un artiste dont le dessin, même vu avec les yeux de la tradition, relève de la virtuosité. À preuve, la série de portraits au fusain exposés à l'ex-Galerie nationale du Canada par la directrice d'alors, Mme Hsio-Yen Shih, en 1980, et qui ont fait l'objet d'une étude par Mme Reesa Greenberg: Les dessins d'Alfred Pellan. On y voit un art tour à tour simple et sophistiqué, net et chaleureux, mais toujours axé sur l'essentiel et le naturel.
Pellan et les Galeries
Comme Louis Muhlstock et quelques autres artistes, Pellan a traité avec très peu de galeries (je pense à Montréal). Il a surtout exposé dans les grands Salons, les Centres d'art, les musées, les édifices gouvernementaux, les Hôtels de ville, les locaux d'associations et de nombreux lieux privés. À Montréal, on a vu ses travaux dans la Galerie Denyse Delrue, devenue par la suite Galerie Libre. Ce qu'il faut rappeler, c'est le fait que le Dr Max Stern, directeur de la Galerie Dominion, exposait les tableaux de Pellan pendant que celui-ci était à Paris, après avoir obtenu une bourse de recherche de la Société royale du Canada. Durant cette période, les ventes faites chez Dominion comptaient beaucoup pour Pellan. C'était l'une de ses seules ressources. Or, les critiques d'art de Montréal, de Repentigny, Guy Viau, etc., profitaient de son absence pour le descendre. Je disposais de chroniques dans plusieurs journaux hebdomadaires: je fus presque seul à rappeler sa valeur et son existence. J'étais d'autant plus convaincu que Pellan nous faisait honneur à Paris: il tint une exposition rétrospective comprenant cent quatre-vingt-une oeuvres au Musée national d'Art moderne de Paris, en 1955. Un tour de force! Premier Canadien à le faire.
Je me demande souvent si Pellan n'a pas été plus apprécié à Toronto et à Ottawa qu'à Montréal. Je me souviens que, les dernières années, il exécutait des tableaux mesurant quatre pieds par quatre pieds qui, sitôt terminés, s'en allaient vers l'Ouest, vendus. Les anglophones sont-ils plus avisés et plus éclairés que nous?
Les galeries qui se spécialisent dans le paysage et la nature morte trouvent Pellan trop abstrait. Celles qui se croient d'avant-garde le classent parmi les figuratifs. Toutes ont besoin d'une cure de désintoxication esthétique...
Les coups de Pellan
Un épisode savoureux de la carrière de Pellan a été celui de l'École des Beaux-Arts, en 1945. À la fin de l'année scolaire, les travaux de ses élèves étaient exposés. Le directeur Maillard trouve certaines pièces trop osées et demande à Pellan de les retirer. Celui-ci refuse. Maillard décide de les enlever. Pellan demande à ses élèves de corriger leurs travaux à l'aide de gouache. On fait intervenir l'Église, les élèves se révoltent, les cris et les papillons disent: À bas Maillard! À bas l'académisme! Les journaux s'emparent de l'affaire. Jean-Charles Harvey et Charles Hamel sont les plus agressifs. Finalement, Maillard remet sa démission.
L'année 1948 fut particulièrement féconde. Le groupe formé de Pellan et Louis Archambault, Léon Bellefleur, Jacques de Tonnancour, Albert Dumouchel, Gabriel Filion, Pierre Gauvreau, Arthur Gladu, Jean Benoît, Lucien Morin, Mimi Parent, Jeanne Rhéaume, Goodridge Roberts, Roland Truchon et Gordon Webber lance en février un manifeste intitulé: Prisme d'yeux, qui est une prise de position vis-à-vis du groupe des Automatistes dirigé par Paul-Émile Borduas, qui publient leur propre manifeste, en août, sous le nom de Refus Global. Prisme d'yeux a fait long feu, ses membres se sont dispersés, chacun ayant une personnalité distincte. Quant à ceux du Refus global, ils sont demeurés groupés plus longtemps et, avec le concours de jeunes journalistes qui se voulaient d'avant-garde, sont littéralement partis en guerre contre tout ce qui n'était pas des leurs. Mais les faits montrent que Borduas était l'homme des ruptures, que les principes de l'Automatisme ont été vite oubliés (à part une ou deux exceptions) et que les dissensions se sont multipliées au sein des Automatistes. En comparaison de Borduas, dont les derniers tableaux traduisent l'éblouissement et la mélancolie, Pellan a poursuivi son activité créatrice, plus imaginatif et prolifique que jamais!
Deux événements marquent 1956. Pellan expose ses oeuvres dans le Hall d'honneur de l'Hôtel de ville de Montréal. On a là des pièces imposantes, de véritables murales. Une fête de formes et de couleurs. Le tout ressemble plus à une tempête qu'à une exposition de peintures! Tout le monde admire, sauf un conseiller municipal, Antoine Tremblay, ancien président du Comité de la moralité publique qui, scandalisé par certains nus, déclare que le maire Drapeau a transformé l'Hôtel de ville en «porcherie»! Une polémique s'ensuit. Pour calmer les esprits, le maire fait intervenir Monseigneur Olivier Maurault, qui ne voit pas matière à scandale mais conseille néanmoins de retirer deux des tableaux... La même année, au mois d'août, Pellan tente de réintégrer sa fonction de professeur à l'École des Beaux-Arts de Montréal. Il est refusé par le directeur, R.H. Charlebois. De mon côté, dans ma chronique du Petit Journal, je proteste contre cette décision et je pose des questions. II s'est alors passé une chose qui en dit long sur l'aspect politique de l'affaire: dans les jours qui ont suivi, j'ai reçu un appel du secrétaire de la Province, Jean Bruchési, qui m'a demandé de laisser tomber cette histoire, bref, de me taire. Si j'ai mentionné ce détail à quelqu'un, ce n'est qu'à Pellan. Ma réponse au politicien a été que «dans 50 ans, l'histoire jugera les deux hommes. On verra de quel côté penchera la balance...»
En 1984, ironie du sort! Pellan reçoit le prix Borduas. C'est comme si Picasso avait reçu le prix Rousseau. Je ne suis pas le seul à trouver mystérieux et imprévisible le choix des récipiendaires. Dire que parmi les élus, on compte aussi les noms de Molinari, Comtois, Lemoyne... On ne voit pas le rapport.
Deux ans avant le décès de Pellan, mon fils André a fait un film documentaire sur celui-ci. Un film qui donne à l'artiste l'occasion d'exposer ses idées. Pellan y est très présent et très lucide et ne semble pas prêt du tout à nous quitter. L'oeuvre est révélatrice en ce sens qu'elle nous montre que Pellan est loin d'être un inconnu à Paris. On y assiste à une séance de ventes à l'Hôtel Drouot qui en dit long sur notre ami. Document d'autant plus précieux qu'il est le seul long métrage consacré à Pellan.
Pellan chez lui
La maison en pierres des champs que Pellan a achetée en 1950 est située à Auteuil (autrefois Sainte-Rose Est) le long de la rivière des Mille-Îles. Il a choisi cet endroit après une enquête dans la région de Montréal et constaté que c'était une des rares parties où la nature était intacte. Avec l'aide de son beau-frère, professeur de menuiserie, et de quelques élèves dévoués, il l'a rénovée, fait des changements, supprimé des cloisons et aménagée à son goût, ajoutant çà et là des surfaces de couleurs vives et contrastées - qui donnent une note moderne à la vieille construction. À l'intérieur, le rez-de-chaussée constitue une grande pièce où la chambre seule est fermée par un rideau. Un escalier sans rampe conduit à une trappe, qui s'ouvre sur l'atelier, également sans cloisons. J'ai occupé cette maison pendant près de trois ans, avec ma famille, pendant son séjour à Paris avec Madeleine, son épouse. C'est à ce moment qu'il a exposé au Musée d'art moderne.
Quoique aimable et généreux, Pellan était jaloux de son intimité. On n'entrait pas facilement chez lui. La gracieuse Madeleine était implacable: le visiteur non bienvenu arrêtait au seuil. Toutefois, à l'occasion, les Pellan recevaient largement. J'ai rencontré là, au cours de soirées, Pierre Elliott Trudeau (avant qu'il ne s'occupe de politique active), le comédien Guy Provost, les architectes Jacques Vincent, Jean Damphousse et Paul 0. Trépanier, le cinéaste Dansereau et bien d'autres personnalités. Mais la rencontre que je n'oublierai jamais, c'est celle des Villeneuve!
Par une belle journée ensoleillée, j'ai partagé le repas de midi avec Pellan, sa femme, Arthur Villeneuve, Mme Villeneuve et leurs deux enfants, un garçon et une fille. C'était très agréable mais la scène était pleine de contrastes. Les enfants étaient espiègles, parlaient beaucoup et bougeaient tout le temps. L'ex-barbier de Chicoutimi devenu peintre naïf parlait doucement, avec une tranquille assurance. Son épouse, une forte brune aux gestes puissants et à la voix de stentor, personne franche et sympathique, remplissait la galerie de déclarations fracassantes. En face, Madeleine, par sa gentillesse et sa réserve, semblait sortie d'un tableau de Préraphaëlites. Toujours simple et maître de lui-même, Pellan manifestait sa bonne humeur habituelle et participait activement à la conversation. Pendant que Mme Villeneuve ponctuait ses paroles de coups de poing qui faisaient gémir le poteau qui soutenait le plafond, Pellan ne sourcillait pas en écoutant Villeneuve qui mêlait leurs deux carrières et les commentait en disant: «nous autres...».
Pellan était compréhensif et indulgent. Je ne l'ai jamais entendu descendre quelqu'un. Par exemple, lorsque je traitais Dali de cabotin devant lui, il répondait simplement: «Il est amusant». Sa blague favorite, à propos de Borduas, était de dire, en voyant des vaches dans un champ: «Des Borduas...».
L'héritage de Pellan
L'un des plus importants événements de ce siècle aura été le triomphe presque général de l'art non-figuratif. Le mouvement a commencé en Europe, sans s'imposer tout à fait, mais c'est aux États-Unis, surtout à New York, qu'il est devenu comme une forme ultime de l'art. Je prétends que tout art est abstrait et artificiel. Comment qualifier autrement le résultat obtenu en appliquant sur une toile quelconque des pigments plus ou moins délayés, avec une touffe de poils de martre? Mais ceci est une autre histoire...
On doit aux chercheurs de l'abstrait des réalisations incomparables mais aussi des montagnes d'insignifiance et une sorte de démission de l'esprit volontaire. Hélas une foule d'artistes se sont soumis à ce nouvel académisme et se sont royalement blousés. Excepté Pellan et quelques autres.
Quand j'étais enfant et que je débordais d'admiration devant les reproductions d'oeuvres des génies de la Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël et autres, je m'étais fait une certaine idée de ce qu'était le grand art. Je dis sans hésiter qu'Alfred Pellan est l'artiste de mon pays qui a le plus fait pour raviver cette émotion de jadis!