Pourquoi lire encore L'Énéide aujourd'hui ?

Paul Veyne

Pourquoi lire encore L’Énéide aujourd’hui?

PV Ce n’est jamais ennuyeux. C’est un roman d’aventures qui tient son lecteur en haleine. Il faut pénétrer assez avant dans la lecture pour que la beauté, une chose aujourd’hui méconnue, calomniée ou réduite à l’académisme, de L’Énéide soit sensible. C’est le contraire du roman réaliste qui n’est pas romanesque, mais qui est sérieux, prosaïque, laïc. L’Énéide est l’antidote à l’art actuel. Elle est légendaire, truffée de mythologie. C’est une sorte d’ « heroic fantasy », de roman de chevalerie et d’un univers assez semblable à celui que crée Tolkien. Parmi les lettrés romains, aucun ne prenait au sérieux les détails de la légende d’Énée. Ils faisaient la distinction entre la fable et la vérité. Mais pour eux, et même pour les historiens antiques, il n’était pas capital de séparer vérité historique et légende : « Un grand peuple a le droit d’embellir de fables la splendeur des origines », assure Tite-Live, un historien contemporain de Virgile.

« Énée à la porte des songes ». Entretien avec Paul Veyne. Propos recueillis par Jean-Louis Voisin. Le Figaro Histoire, février-mars 2013, p. 20-21.
 




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