La fondation de Ville-Marie (1642): documents

Deux textes datant de l'époque de la Nouvelle-France présentant les débuts de Ville-Marie, la future Montréal. Ils sont dans la langue du 17e siècle.
I

Le quinziéme d'Octobre de l'année derniere 1641. iour dédié à la memoire de Saincte Terese, vniquement aimée et amante de la Saincte Famille, Monsieur le Gouuerneur, le R.P. Vimont et plusieurs autres personnes bien versées en la connoissance du pays, arriuerent au lieu qu'on a choisi pour la premiere demeure qui se doit faire dedans cette belle Isle [de Montréal], que i'appellerois volontiers l'Isle Saincte, puis que tant d'Ames d'élite l'ont si sainctement consacrée à la Saincte Famille.

Le dix-septiéme de May de la presente année 1642. Monsieur le Gouuerneur [Montmagny] mit le sieur de Maison-neufue en possession de cette Isle, au nom de Messieurs de Montreal, pour y commencer les premiers bastimens: le R.P. Vimont fit chanter le Veni Creator, dit la saincte Messe, exposa le Sainct Sacrement, pour impetrer du Ciel vn heureux commencement à cét ouurage: l'on met incontinent apres les hommes en besongne; on fait vn reduit de gros pieux pour se tenir à couuert contre les ennemis...

Le quinziéme d'Aoust on solemnisa la premiere Feste de cette Isle-Saincte, le iour de la glorieuse et triomphante Assomption de la Saincte Vierge. Le beau tabernacle que ces Messieurs ont enuoyé fut mis sur l'Autel d'vne Chapelle, qui pour n'estre encor bastie que d'écorce, n'en est pas moins riche. Les bonnes Ames qui s'y rencontrerent se communierent. On mit sur l'Autel les noms de ceux qui sous-tiennent les desseins de Dieu en la Nouuelle France, et chacun s'efforça de bannir l'ingratitude de son coeur et de se ioindre auec les Ames sainctes qui nous sont vnies par des chaisnes plus precieuses que l'or et que les diamans, chanta le Te Deum en action de graces, de ce que Dieu nous faisoit la grace de voir le premier iour d'honneur et de gloire, en vn mot la premiere grande Feste de Nostre Dame de Montreal; le tonnerre des canons fit retentir toute l'Isle, et les Demons, quoy qu'accoutumez aux foudres, furent épouuantez d'vn bruit qui parloit de l'amour que nous portons à la grande Maistresse; ie ne doute quasi pas que les Anges tutelaires des Sauuages et de ces contrées n'ayent marqué ce iour dans les fastes du Paradis. Apres l'instruction faite aux Sauuages, se fit vne belle Procession apres les Vespres, en laquelle ces bonnes gens assisterent, bien étonnez de voir vne si saincte ceremonie, où on n'oublia pas à prier Dieu pour la personne du Roy, de la Reine, de leurs petits Princes et de tout leur Empire; ce que les Sauuages firent auec beaucoup d'affection. Et ainsi nous vnismes nos voeux auec tous ceux de la France.

source: Relations des Jésuites, vol. 2, Relation de 1642

II

[Maisonneuve et sa suite] partirent de Kebec, à ce qu'on peut conjecturer, dans le commencement du mois de may [8 mai], puisqu'ils arrivèrent à l'isle de Ville-Marie, terre de promission et de grande espérance, le 17e du dit mois; aussy tôt qu'ils aperçurent cette chère ville future dans les desseins de Dieu, qui n'estoit encore que des forêts de bois debout, ils chantèrent des cantiques de joie et d'action de grâces à Dieu, de les avoir amenées si heureusement à ce terme, comme les Israélites firent autrefois, et mirent pied à terre dans le lieu où est bâtie la ville à présent. Mademoiselle Mance m'a raconté plusieurs fois par récréation, que le long de la grève, plus d'une demi-lieue de chemin ci-devant, on ne voit que prairies émaillées de fleurs de toutes couleurs, qui fesois une beauté charmante; après avoir descendu de la chaloupe et mis pied à terre, Monsieur de Chomedy se jeta à genoux pour adorer Dieu dans cette terre sauvage, et toute la compagnie avec luy qui, tous ensemble, rendirent les devoirs de religion à la supresme Majesté de Dieu, qui ne luy avois point encore esté offerts en ce lieu barbare, habité par les nations qui nous font la guerre aujourd'huy jusqu'à lors.

Ils chantèrent encore des psaumes et des hymnes au Seigneur, puis les hommes travaillèrent à dresser des tentes ou pavillions, comme de vrais Israélites, pour se mettre à couvert du plus fort des pluies et des orages, qui furent grandes et extraordinaires cette année-là; le lendemain matin on dressa un autel, où toutes nos dames épuisèrent leur industrie et leurs bijoux, et firent en ces rencontres [conjonctures] tout ce que leur dévotion leur suggéra, sur lequel le R. Père Dupairon [Joseph Imbert du Perron], jésuite, offrit la sainte victime J. C. N. S. à son père éternel en odeur de suavité. Le 18e jour du mois de may de l'année 1641 [1642], on ne peut pas dire la joie et la consolation que ressentit alors cette troupe élue, car je les croy toutes des saintes; on entendoit de tous côtés que des voix de cantiques, d'hymnes et psaumes en action de grâces et de louanges à Dieu, surtout de nos dames, qui en firent leur principale affaire, pendant que les hommes commencèrent à travailler pour se faire du découvert et mettre leur vie plus en assurance.

source: Sœur Marie Morin, « Annales de l'Hôtel-Dieu »

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