Le chemin étoilé

Michel Dongois

Cet article a d'abord paru dans le numéro de janvier 1996 du magazine l'Agora. (Vol 3, No 4)

En Europe, les Chemins de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle se présentent comme un réseau inextricable de voies pédestres. En réalité, tous les chemins mènent à Santiago de Compostela! La via Podiensis, ou voie du Puy en Velay, est l’un des quatre chemins français y conduisant. Cette route ancestrale est aujourd’hui codifiée sous le nom de gr (Grande Randonnée) 65, balisée depuis 1972 par la Fédération française de la randonnée pédestre. En mai dernier, durant 21 jours, j’ai foulé ce gr sur la plus grande partie d’un parcours de 601 km. Sur «le chemin étoilé», je me suis rapproché de Saint-Jacques, m’arrêtant à 70 km environ de la frontière espagnole. Le temps m’a manqué pour aller plus avant. Récit d’un itinéraire.

 

Du Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, on dit qu’il fut la «première étape vers l’interculturalisme et l’unité européenne». C’est un bien culturel d’une étendue et d’une diversité considérables: «Sans doute l’un des plus importants au monde à l’exception de la Grande Muraille de Chine», selon le Consejo Jacobeo, l’organisme chargé de le remettre en valeur en Espagne. Un chemin d’épopée bien ancré dans l’imaginaire collectif des Européens, au point qu’en 1987, le Conseil de l’Europe l’a proclamé «Premier itinéraire culturel européen». On dit que c’est «la grande rue de l’Europe sur laquelle ont circulé toutes les cultures européennes».

Ce Chemin a une âme. Des foules innombrables allaient jadis à Compostelle prier «Monseigneur saint Jacques», patron des pèlerins (du latin peregrinus: étranger, voyageur) et des chemins. C’était l’époque où le surnaturel n’étonnait pas, mais aussi celle où l’on était étranger à 20 km de chez soi. D’ailleurs, dans la plupart des langues de jadis, le même mot désignait l’étranger et l’ennemi. Ces étrangers de partout convergeaient vers Santiago de Compostela, en Galice espagnole, alors aux confins des terres. Au «champ de l’étoile» (campus stellae), devenu Compostelle, ils allaient s’incliner sur le tombeau présumé de Jacques le Majeur, apôtre du Christ. C’est une étoile, dit-on, qui en révéla la présence dans un champ où les troupeaux refusaient de paître.

En France, on y accède par quatre chemins qui, en Espagne, se réunissent en un seul: le camino francès. Il s’agit là des quatre principaux itinéraires, car il existe une infinité de voies secondaires et de variantes, soit plus de 8 000 km répertoriés dans toute l’Europe! Dès le XIIe siècle, le Guide du pèlerin mentionnait ces quatre points de départ: Tours, Vézelay, Le Puy et Arles. Au Moyen Âge, durant l’Âge d’or de l’art roman, Compostelle, selon les historiens, éclipsait Rome et Jérusalem comme destination de pèlerinage. L’Église faisait des efforts considérables d’assistance aux pèlerins, marcheurs au statut précaire. Le devoir d’hospitalité était alors un devoir moral autant que civique.

Le cliché, qui n’en est pas tout à fait un, représente le pèlerin bourdon à la main, besace sur l’épaule, portant une cape dite «pèlerine» et un chapeau à larges bords. Son bagage est léger. Il arbore, fixé aux vêtements, le coquillage, coquille Saint-Jacques, attribut de Compostelle et emblème séculaire du Camino. Les marcheurs de Dieu ont pour devise et cri de ralliement E. Ultreya, c’est-à-dire: toujours plus avant. Le Chemin répond ainsi pleinement à cet archétype du parcours de l’âme humaine pendant son séjour sur la terre, comme l’a indiqué Olivier Cèbe, délégué général pour les Chemins de Saint-Jacques dans les régions du sud de la France.

Seul est pèlerin celui qui va à Compostelle ou qui en revient, affirmait Dante en 1293. Au-delà de la succession d’étapes, le Chemin possède son propre fil conducteur. Et en avançant vers Santiago, la mémoire se ravive. On se sent héritier. Goethe indiqua un jour que la conscience européenne était née des pèlerinages. «Ce que tu as de tes pères, tu dois le regagner, pour qu’il t’appartienne», expliquait-il. Il s’agit en réalité de retrouver une certaine sagesse de l’Homme qui s’est arrêté en chemin et a perdu parfois jusqu’au souvenir même du chemin. Un salutaire retour aux sources.

Gotescalc, évêque du Puy, est le premier pèlerin recensé à gagner Santiago de Compostela en 951. Des milliers d’autres suivent encore ses traces aujourd’hui. Le pèlerinage connut son apogée au XIIe siècle. Pointes et baisses de popularité se succédèrent. Moribond au XIXe siècle (à peine 30 à 40 jacquets par an à Compostelle), presque tombé dans l’oubli et le mépris, il renaît cependant depuis quelques années. En 1987, 400 pèlerins sont enregistrés à la cathédrale Notre-Dame du Puy. On estime qu’un partant sur dix seulement y signale son passage.

Voici les données pour 1991, valables pour les arrivées consignées à Compostelle: 7 274 pèlerins dont plus de 4 000 sont venus à pied (ils ont marché de 100 à plus de 1 000 km, car pour être éligible au certificat de pèlerin, la Compostela, il faut avoir randonné un minimum de 100 km sur la partie espagnole du Camino), 2 443 à vélo et 30 à cheval. En 1993, Année sainte compostellane, plus de 99 000 pèlerins ont satisfait à ces exigences. De pair avec les randonneurs, le nombre de vrais pèlerins va croissant.

En réalité, le Chemin suit un double itinéraire. L’un, tourné vers l’extérieur, fait découvrir près de dix siècles d’histoire liée aux racines de la civilisation européenne. Une exploration douce du patrimoine. L’autre, orienté vers l’intérieur, est une quête spirituelle. Un sentier de retrouvailles avec soi-même. Quelque chose d’une recherche de soi, de sa vérité, dans le silence et l’ascèse acceptés. C’est une révélation à soi-même et aussi, disons-le, pour beaucoup, une certaine occasion de remettre de l’ordre dans son destin.

Et aussi de redécouvrir les autres, car la marche laisse place à la rencontre. Avec cette vieille dame par exemple, qui fut prisonnière des camps de concentration du régime de Vichy. «Je reconnais facilement là où est le cœur, dit-elle, c’est le seul endroit où il n’y a pas de rides!» Ou encore avec cet homme m’expliquant que payer un paysan pour qu’il ne cultive pas sa terre – une pratique courante de l’Union européenne – est du jamais vu dans l’histoire de l’humanité. Il y voit «l’une des grandes anomalies du monde».

Des sentes rafraîchissantes aux chemins desséchants, la diversité de la route s’accorde bien à nos humeurs. Les quelques personnes de ma connaissance qui ont gagné directement Compostelle en voiture ont exprimé leur déception. Car tout est dans l’aventure du chemin, dans l’expérience à vivre à pied. Le but semble importer bien peu. Ce qui compte, c’est le rythme de la progression, avec ses surprises et ses efforts. La multiplicité des sentiers évoque aussi la richesse des motivations: sportives, artistiques, culturelles, religieuses, etc. L’essentiel, c’est ce qu’on y découvre. Et ce que l’on cherche révèle aussi qui nous sommes.

«Si j’avais le temps, je marcherais avec vous!» Que de fois n’ai-je pas entendu cette phrase sur le Camino! Le fait d’être trop sédentaire, à tous les plans, semble constituer une dérive de la civilisation. Historien du phénomène compostellan, Jean Chaize croit déceler dans le relatif regain de Compostelle un «retour des errances». Une sorte de compensation, un coup de barre vers une société plus humaine, par l’ascèse librement consentie, par la discipline aussi qu’implique la longue randonnée. C’est en tout cas une riposte individuelle au style de vie sédentaire des sociétés mécanisées.

Cette avancée dans la solitude – oh! encore bien discrète, car on est loin des foules médiévales! – il la nomme «une prière secrète». Jacques Lacarrière, qui a fait redécouvrir les joies de la marche à des millions de Français avec ses livres Chemin faisant et L’été grec, évoque quant à lui une philosophie «simple, immédiate et fertile» de la marche. En choisissant le hasard d’un chemin plutôt qu’un autre, l’incertitude d’une draille à peine visible, dit-il, «je récite une sorte de prière profane, j’égrène le rosaire émerveillé des haltes».

Les communes «Haltes sur les Chemins de Saint-Jacques», qui s’organisent dans le sud de la France, ont installé, sur le gr65, des panneaux explicatifs du pèlerinage. On y cite Charles Péguy: «Quand nous aurons joué nos derniers personnages... nous nous souviendrons des lointains pèlerinages.» Et d’autres auteurs dont je n’ai pas retenu le nom: «On n’asservit pas l’homme qui marche.» On a dit des pèlerinages qu’ils furent les plus imposants déplacements médiévaux d’êtres humains. Plus encore que les croisades, branche armée des pèlerinages, et dont la première n’eut pas lieu en Terre Sainte mais bien en Espagne, lors de la Reconquista. Saint Jacques du reste ne fut-il pas aussi et alors le matamore, symbole de la résistance aux Maures?

Mais tout cela, c’est de l’histoire. Reste que la marche vers Compostelle, selon Raymond Oursel, spécialiste du Camino, concrétise encore de nos jours «la triple vocation humaine de l’exil, de la marche à l’étoile et de l’aspiration au Paradis perdu». À ce titre, le Chemin inspire des retours. Et se lancer sur la route remplace, selon lui, «les exaltations mystiques, missionnaires ou aventurières d’antan». Bernard Quinsat, président d’un groupe de randonneurs en France, écrit: «Le chemin nous ramène toujours à l’Homme, qui demeure malgré tout la grande affaire des siècles.»

Chaque petit pas sur le Camino est une grande victoire: il prépare le suivant. «Le pèlerin revient du Finis Terrae avec la certitude qu’il y a abordé l’annonce de l’infini, de l’au-delà de l’Océan et qu’il y est un peu plus préparé», fait observer Olivier Cèbe.

Un peu comme Parsifal, parvenu au Graal «par les chemins d’errance et de douleur». Il aura alors fait sien le chemin des étoiles, «derniers balcons sur l’invisible».


Que cherchez-vous pèlerins?

Dans un siècle voué à la précipitation, il n’est pas insignifiant que des hommes et des femmes de tous âges, de toutes conditions sociales et provenant de 34 pays (en 1991) mettent le cap vers un but commun. Le départ vers Compostelle traduit un certain appétit des réalités spirituelles, dans une société de consommation qui ignore précisément les aspirations spirituelles de la personne. «Chercheurs de l’essentiel», les marcheurs disent rechercher autre chose que la consommation béate et autodestructrice. Dans un monde qui apparaît figé, une seule issue: la marche en avant.

Le plus souvent acte volontaire d’êtres en quête de rédemption, le pèlerinage marque d’emblée une volonté de renouvellement. Le «partant» est prêt à épouser la route plutôt que de continuer sur des rails où il ne contrôle plus sa vie. Et la longue randonnée permet de se mesurer à ce qui effraie bien du monde: le cheminement avec soi-même. Mais il y a des dangers à partir, on risque de revenir transformé. De fait, la majorité de ceux qui ont signalé leur arrivée à Compostelle après plus de deux mois de marche ont indiqué que leur existence en avait été transformée. Ils en sont revenus différents. Peut-être même un peu meilleurs, raffinés par la spiritualité routière et la pédagogie du chemin qui se vivent à travers les rencontres, les paysages, les situations.

Équipé légèrement, bien chaussé pour la route, le pèlerin est prêt pour la rupture. Le premier pas concrétise cette fracture d’avec le monde familier des habitudes. «Déjà, je me sens toute autre», écrit une randonneuse. Et ce séropositif: «Je marche pour conjurer la mort.» L’objectif: atteindre Compostelle et passer sous le Portico de la Gloria de la cathédrale de Santiago.


Mais pourquoi se décide-t-on à fouler le sentier?

Par défi, pour certains. Pour l’exploit sportif pour d’autres. Il y a ces jeunes, qui font le Chemin en attendant de se trouver un travail. On a même recensé le cas d’un couple de jeunes gens partis sur la route... pour découvrir s’ils étaient faits l’un pour l’autre! Le Camino, on le foule seul, en couple, en groupe. On y croise des gens dans la quarantaine et de nombreux retraités. Beaucoup de retraités. Une constante cependant: au-delà des diversités de motivations, reste la quête d’une vie plus humaine. Bien qu’ils ne l’expriment pas nécessairement avec force et éclat, nombre de pèlerins ont d’abord une motivation spirituelle, présente au départ, en cours de route et à l’arrivée. Il y a une certaine pudeur à l’exprimer. Reste que c’est sans doute cette motivation profonde qui détermine le pèlerin, le distinguant des autres voyageurs. On part, pour ensuite mieux repartir sur d’autres bases.

Simple mode?

Parler de mode suppose un plaisir gratuit. Or, pour se faire plaisir sur le Camino, il faut chercher longtemps, indique le prieur de l’Abbaye de Conques, que nous avons rencontré. Frère Renaud accueille et voit défiler des centaines de randonneurs-pèlerins. La mode, dit-il, s’accommode de la facilité et de la pauvreté du sens. «Or, il en coûte de faire le Chemin, qui s’inscrit dans les profondeurs de l’être humain et prend en compte la totalité de la personne.» Il s’agit là, selon lui, d’un travail de réconciliation et de réunification, alors même que l’être humain vit aujourd’hui éclaté entre sa vie familiale, professionnelle et spirituelle. Autant de secteurs de vie successifs et juxtaposés. Or, par le Chemin, c’est toute une symbiose qui se refait. On y retrouve une partie de son humanité.

Le pèlerinage au long cours représente un besoin pour l’Homme moderne. Besoin spirituel, moral et physique de se sortir d’une vie pesante, matérialiste et superficielle, m’a expliqué un médecin, qui a marché les 1 600 km du chemin étoilé, sur la route de Vézelay. Il y a là une vitale urgence de gratuité, de prendre du temps là où l’on ne voit qu’efficacité, utilité et rentabilité. Et puis, boucler son sac et marcher, c’est déjà le bonheur. Ou l’appréhension du bonheur. Sans doute le meilleur antidote à la morosité.

La longue randonnée du reste est un lieu où bonheur et simplicité font bon ménage. Et la recette est simple, solidement éprouvée: du courage et de bonnes semelles! Aussi inutile qu’indispensable, cette activité prépare les retrouvailles avec soi. Le voyage à pied est une belle école pour se remettre à l’écoute du corps oublié. L’expérience est d’autant plus complète qu’à l’effort physique se joint la quête spirituelle. De plus, l’effort physique réconcilie avec une réflexion spirituelle.

L’abandon progressif de la marche au profit de la machine traduit un appauvrissement de l’être. La longue randonnée permet un réapprentissage de la vie nomade. Pour un temps, elle oblige à se désenvoûter de la technique. Ainsi apprend-on à mesurer à sa juste valeur le km/marcheur, bien différent du km/voiture. On peut encore nuancer entre le kilomètre matinal, joyeux et plein d’espoir, et le dernier de la journée, parfois proche du calvaire. On redécouvre une notion autre que celle du temps numérique et abstrait de nos montres: la cloche des églises qui indique l’heure. Ou encore la course du Soleil.

Le randonneur au long cours est bien peu porté à regarder en arrière. La route l’appelle, stimule sa volonté. Faire «le rude chemin» de Compostelle, comme on disait jadis, est aussi un baume à la crise de la quarantaine. Du moins si l’on en croit les commentaires de certains peregrinos: «Mi-chemin-mi-vie, qui sait? Jusqu’ici, nous avons marché. À présent, nous cheminons», ai-je lu dans un gîte. Que penser des motivations de ce couple d’Allemands, marcheurs sans domicile fixe: «Il se peut que pendant longtemps, je ne sache pas où est mon toit. Il se peut que jamais je ne l’apprenne.»

Dans notre monde hébété, qui s’engage à vive allure sur l’inforoute aux horizons imprécis, l’austère réalité du Camino nous redit que l’essentiel se vit à rythme d’Homme. Lentement, sans hâte, loin des passants aveugles et pressés, on déroule la voie pèlerine comme on déroule sa vie. Un dépouillement progressif naît de la route. Salutaire délestage, grande vulnérabilité face à l’inconnu, avec les impératifs du gîte et du couvert. «Le corps reposé et la flamme ravivée», le pèlerin reprend sa route. Inlassablement. Chaque jour un peu plus léger. Chaque jour un peu plus confiant. Même l’arrivée à Compostelle constitue un commencement, comme plusieurs en ont témoigné.

La signification actuelle du Chemin, c’est avant tout une disposition spirituelle, une ouverture aux autres. Que de fois l’entend-on, dans les conversations, cette simple phrase que les pèlerins répètent venant des êtres chers qu’ils ont quittés: «Tu marcheras pour moi!» C’est que le marcheur part rarement pour lui seul. Il est toujours un peu intercesseur, portant dans son sac les préoccupations des siens, de ses parents ou amis. «Je suis parti avec les pensées de tous les miens et je poursuis ma route avec celles de ceux que je rencontre», ai-je encore lu dans un gîte d’étape.

Réservé aux adeptes du déracinement volontaire, le pèlerinage est une forme d’exil consenti. Dans notre société mécanisée, la machine ne répond pas aux besoins des gens, assoiffés de rencontres. Elle dessèche, affame et isole. Or, le chemin ne reste-t-il pas l’un des rares endroits où deux étrangers se saluent encore?

Et puis, il y a ces temps forts, comme par exemple lorsque aux aurores, sous les voûtes de l’abbatiale séculaire, il m’a été donné de vivre la bénédiction du pèlerin. Par ce rituel, inchangé depuis dix siècles, on remet au voyageur, à celui qui est de passage, ses viatiques pour les deux mondes dont il se sent citoyen: un pain dans une main, l’Évangile de saint Jean dans l’autre. C’est aussi cela, la magie du Camino et de la marche vers l’Étoile.


Les itinéraires culturels du Conseil de l'Europe

Si j’avais su, j’aurais commencé par la culture.» L’un des principaux constructeurs de l’Europe, Jean Monnet, exprima un jour ce regret. La culture ne peut se séparer de la défense d’un certain nombre de valeurs. Or, il lui apparaissait nécessaire, pour transcender les vieilles divisions européennes, de raviver ces valeurs communes, fondatrices de civilisation. Et de le faire au moment même où, confondant unité et uniformité, une certaine bureaucratie bruxelloise tend à gommer les différences des peuples. Or, la diversité culturelle est d’abord tissée de nos différences.

Mais il n’est jamais trop tard pour promouvoir la culture. À preuve, cette volonté du Conseil de l’Europe d’insuffler un peu de fluidité et de nomadisme en lançant les «itinéraires culturels européens». Avec une devise intriguante, en ces temps d’interrogation sur l’avenir de l’Union européenne: trouver «un avenir pour notre passé». L’organisme vient tout juste de faire paraître un «Guide pratique des itinéraires culturels du Conseil de l’Europe».

Ces itinéraires sont regroupés en deux grandes classes: d’abord les peuples et les migrations. Y figurent les Celtes, les Vikings et bientôt les Tsiganes. Puis les grands courants artistiques, religieux, scientifiques, techniques et commerciaux qui ont façonné l’Europe. La seconde catégorie comprend pour l’instant sept réseaux, certains déjà constitués, d’autres à l’état de projet: les Chemins de Saint-Jacques, les influences monastiques, l’habitat rural, l’itinéraire du textile (routes de la soie), la route des villes des découvertes: vingt-deux cités (Portugal, Espagne et Flandre) d’où partirent, aux XVe et XVIe siècles, les découvreurs de mondes, qui ouvrirent la voie à l’ère de l’économie mondiale contemporaine.

Une académie itinérante, l’Académie des Arts du geste, proposera par ailleurs des stages à des professionnels de plusieurs disciplines artistiques. Une autre académie itinérante est en formation: l’Académie des parcs et jardins; des jardins de la Renaissance nés dans l’Italie du XVe siècle aux jardins romantiques, à l’anglaise, ou classiques, à la française. Sans oublier les petits carrés d’herbes médicinales des jardins médiévaux. Jardins de Cadix ou d’Amsterdam, de Padoue ou de Nantes. «Le jardin est un paysage érudit qui représente la vision qu’une société se fait de la nature.» Un livre, à l’état de projet, expliquera même l’itinéraire des plantes et racontera les grandes expéditions de l’Europe sur tous les continents.

Quant au réseau de l’influence monastique, il part de l’abbaye de Sylvanès (Pyrénées françaises). Expert au Conseil de l’Europe, Anne-Marie Simon considère l’abbaye en soi comme l’archétype des structures innovantes dont l’Europe a aujourd’hui tant besoin. L’itinéraire du textile, qui retrace notamment les étapes de l’industrialisation de la soie, a déjà donné lieu à quelques réalisations. En France, il a conduit à la création d’une gamme de vêtements. En Angleterre, à la naissance d’un musée, que des retraités viennent animer.

Suivront les projets de la route du baroque et celui des villes de la Hanse. L’Italie a proposé deux autres thèmes: la via Francigena, empruntée depuis le Xe siècle par les pèlerins de Canterbury à Rome, et les Routes des Phéniciens. Figure aussi dans les projets un itinéraire de l’Humanisme en Europe. «Un itinéraire n’est pas un produit, mais un processus. Des visions poétiques transcendant nos routines et nos paresses», résume Raymond Weber, du Conseil de l’Europe.

Il affirme aussi que chaque route met en œuvre «une coopération culturelle qui peut donner vitalité aux démocraties et contribuer à la sauvegarde de la dignité de l’individu». Le Conseil assure la coordination et le suivi des travaux des experts, des activités des réseaux. Il coordonne aussi les missions d’animation et d’assistance technique. Il a créé à Strasbourg un centre de ressources, qui archive les rapports, livres, articles, documents audiovisuels et cartes concernant les itinéraires culturels.

En mettant ainsi l’accent sur la culture et la revalorisation des racines, le Conseil de l’Europe veut montrer que l’Europe ne se limite pas aux seuls enjeux économiques. Qu’elle est bien plus qu’une fiction politique ou qu’une récente création technocratique. Le Conseil soutient que la mémoire collective, pour être efficace, doit être cultivée sans relâche. Et que la connaissance de ses racines renforce l’identité d’une nation comme celle d’un individu. Il rappelle que le Vieux Continent s’abreuve à des valeurs humanistes communes aux pays qui le composent. Et que ces valeurs sont bien antérieures à l’Europe des nations qui, tranquillement, est en train d’éclater.

Chaque itinéraire mobilisera des ressources d’éducation, de développement local, de tourisme culturel, de sauvegarde du patrimoine, de soutien à la création. Celui des Vikings par exemple, lancé en 1993, a vu, cette année-là, un groupe d’experts internationaux dresser l’in- ventaire d’une cinquantaine de lieux «points forts du monde viking». Dans les pays scandinaves bien sûr, mais aussi au Canada, dans les Balkans et dans une douzaine d’autres pays. Un guide sur l’itinéraire viking sera publié prochainement.

C’est à Christian Goudineau, professeur au Collège de France, que l’on doit la proposition de l’itinéraire des Celtes. Les sites archéologiques à visiter sont rares, mais on en a retrouvé suffisamment de traces pour proposer quatre trajets: le Haut-Danube, autour de Stuttgart (Allemagne); l’Italie du Nord, autour de Bologne; le monde celto-ligure (région de Marseille); l’apogée et la défaite des grands peuples gaulois, autour d’Alise-Sainte-Reine (Bourgogne). Un cinquième devrait comprendre l’itinéraire irlandais intitulé «des survivances au bout du monde» (Ier-Xe siècles ap. J.-C.). L’itinéraire des Celtes croisera aussi un autre itinéraire, celui de l’influence monastique, également en voie de réalisation au Conseil de l’Europe. En naîtra une action reliée aux moines celtes, qui se déroulera en Irlande.

Le professeur Goudineau s’élève incidemment contre certains préjugés populaires, véhiculés notamment par la bande dessinée Astérix le Gaulois, traduite dans la plupart des langues européennes. Selon lui, elle renforce l’idée des sauvages sympathiques n’ayant atteint qu’un faible niveau de civilisation. La bande dessinée, dit-il, ne présente aucun cultivateur, alors même que l’impact principal des Celtes aura été de mettre en culture des terres en Europe et de développer l’outillage agricole moderne non méditerranéen.

L’itinéraire des Chemins de Compostelle est sans doute l’un des mieux documentés. Près de 300 organismes en Europe sont associés au Camino de Santiago. L’activité des chemins de pèlerinage faisait jadis vivre des milliers de personnes, créant à la fois «des richesses et du sens». Or, une expérience passionnante se vit notamment en Allemagne, où de jeunes chômeurs remettent en état des tronçons de chemin, des ponts et des bâtiments. Sur le même principe, l’Italie, la France et l’Espagne mettent en œuvre un réseau d’initiation à la taille de la pierre. Il commence à s’implanter cette année sur une dizaine de sites des Chemins de Compostelle. Ce genre d’initiative stimule la formation de métiers offrant des débouchés, mais où l’on manque de mains qualifiées.

Le mérite premier des itinéraires culturels est sans doute de susciter une réflexion sur les racines civilisatrices de l’Occident. Eduardo Lourenço, expert du Conseil de l’Europe pour les itinéraires, estime que l’identité culturelle de l’Europe, «plus virtuelle que réelle», repose en fait sur trois piliers: la philosophie, le christianisme et la loi. La philosophie, dit-il, «comme exercice autonome et autocritique de la pensée». Le christianisme, «avènement de l’individu libre devant le pouvoir ou l’État parce que enfant de Dieu». Et la loi «comme ensemble de règles librement conçues et acceptées par et pour des Hommes qui deviennent ainsi sujets d’un État ou d’une communauté de droit».

Toujours selon ce penseur, liberté de penser, de croire et d’être sujet de droit forment la base de l’esprit européen. Le rappel des racines ne peut que redonner de la sève, dit-il, à «cette Europe qui ne croit plus en rien». Et, poursuit-il, dans une époque comme la nôtre, «dénuée d’enjeu tragique», où prime «la religion de l’indifférence et de l’immobilité qui est l’essence de notre civilisation de bien-être», il faut savoir retrouver la source.

Et comme l’écrivait un penseur: «Les utopies du XXIe siècle doivent naître des utopies enfouies dans notre passé.»


Voyage en Tsiganie

Gitans en France, Travellers ou Gypsies en Grande Bretagne, Zigeuner en Allemagne, il existe au moins une vingtaine de noms pour les désigner. Parmi ceux-ci: Bohémiens, Romanichels, Caraques, Tsiganes, Manouches, Jéniches, Zingari, Gens du voyage, Voyageurs, Gadjé.


Mais qui sont-ils?

En Europe, les Tsiganes s’appellent eux-mêmes les Rom. D’un terme emprunté au grec qui signifie «la route», «le chemin». On a tout dit sur ces gens de passage. Pourtant, le mystère de leur origine demeure entier. Il fait régulièrement l’objet de spéculations. On voit en eux l’une des tribus perdues d’Israël, ou encore des immigrants venus d’Égypte: ne les appelait-on pas encore «les Égyptiens» au XVIe siècle? On dit même qu’ils sont les rescapés de l’Atlantide engloutie.

Insaisissables comme le vent, ils hantent toujours l’imaginaire: le mythe des rois gitans est encore bien vivace. Tout comme celui de la femme tsigane, redoutée autant que séduisante, et qui lit l’avenir dans les mains. Et elle fait image, la rude philosophie des roulottes, autour d’un feu et d’une tente. Pourtant, l’histoire des Gitans, «peuple en diaspora», se résume à de pénibles pratiques d’adaptation face à la discrimination dont ils sont l’objet, depuis longtemps et partout. Une histoire tissée de persécutions et de rejets. «L’univers tsigane a toujours été par excellence le monde de l’autre, le différent, le minoritaire.» À l’instar des Juifs, bien que de façon plus méconnue, les Gitans sont le remords de l’Occident chrétien, orthodoxe, romain ou protestant.

Il semble admis que les Tsiganes viennent des Indes. Auteur du livre Les Tsiganes de l’Inde à la Méditerranée, l’historien Donald Kenrick rapporte qu’à la fin du XVIIIe siècle, des chercheurs européens obtinrent des listes de mots du sanscrit et de langues modernes de l’Inde. Ils prirent alors conscience que le romani – la langue des Tsiganes – était une langue aryenne de l’Inde. Remontant un peu le fil linguistique, des chercheurs tentèrent par la suite de retracer le chemin suivi par les Tsiganes, à travers le nord de l’Inde, l’Iran, l’Arménie et l’Europe, via l’Empire byzantin.

Et voici qu’aujourd’hui, sous l’égide de l’Union européenne, on cherche à refaire, dans l’imaginaire sinon toujours dans les faits, l’itinéraire tsigane. Un trajet qui ramène à l’Europe d’avant les nations, car les Tsiganes ont toujours ignoré dans leurs pérégrinations les frontières nationales ou celles des États. Leur culture a laissé peu de traces, car ils ne sont pas des bâtisseurs de cités ou de monuments. Le Conseil de l’Europe étudie un projet d’itinéraire soumis par le Centre de recherches tsiganes, affilié à la Sorbonne, à Paris.

Créé en 1979, le crt mène notamment des recherches dans huit domaines, dont la reconstitution de l’histoire des tsiganes, l’élaboration d’un dictionnaire dressant l’inventaire du lexique tsigane. Le Centre veut aussi analyser les conditions de scolarisation des enfants gitans. Il étudie l’ethnomusicologie (entre autres, le flamenco) et les traditions orales. Trois groupes de travail européens lancés par le crt, avec le soutien de la Commission européenne, sont déjà à l’œuvre: le premier concerne l’histoire, le second, la langue et le troisième, la pédagogie.

Voici un bref «Voyage en Tsiganie», selon l’expression de Jean-Pierre Liégeois, du crt. D’abord des lieux de pèlerinage connus ou moins connus: le pèlerinage des Gitans (24 et 25 mai) aux Saintes-Maries-de-la-Mer, sur les côtes de la Camargue non loin de Marseille et, dans une moindre mesure, Lourdes (début septembre, depuis 1957). Les Saintes-Maries constituent peut-être l’un des rares points sédentaires du monde tsigane. La légende veut que Marie Jacobé (mère de saint Jacques le Mineur) et Marie Salomé (mère de saint Jean et de saint Jacques le Majeur) aient débarqué en Camargue après avoir été chassées de Judée par la persécution. Elles auraient évangélisé les gens de cette région du Midi de la France, avec la bienveillance de sainte Sara, chef de tribu des Gitans. C’est ainsi qu’elles donnèrent à la ville le nom de Saintes-Maries-de-la-Mer.

Mais aujourd’hui, les dévotions s’adressent à leur servante, Sara «l’Égyptienne». La veille de la Sainte-Marie-Jacobé (25 mai), les châsses contenant les reliques sont descendues de la Chapelle Haute. La statue de sainte Sara est portée à la mer par les Gitans pour symboliser l’accueil des saintes. Le jour du pèlerinage, en souvenir de leur arrivée, la barque portant les statues des deux Marie est portée à la mer; à bord d’une barque, l’évêque bénit la mer, le pays et les pèlerins.

L’itinéraire tsigane comprendra aussi des lieux d’art comme l’Andalousie, liée au flamenco, ou encore la Hongrie, pour la musique. L’origine indienne des Tsiganes laisse supposer que l’itinéraire pourrait être repris par l’Unesco. De nombreux Gitans ont en effet immigré en Australie et dans les Amériques. Serait également inclus dans l’itinéraire un lieu de triste mémoire, le camp d’Auschwitz en Pologne. On estime que le tiers environ de la population tsigane d’Europe a péri dans les camps nazis. Soit près de 500 000 Gitans assassinés. Un génocide quasiment oublié.

Le Troisième Reich a eu sa «Centrale de lutte contre les Tsiganes». Renonçant à toute politique d’assimilation, les nazis édictèrent contre eux une politique raciale. D’abord on recensa et enregistra, sur le territoire allemand, tous les Tsiganes à partir de l’âge de six ans. Puis on les classa selon leur degré d’appartenance raciale, interdisant aux enfants d’aller à l’école, les assignant aux travaux forcés à partir de 12 ans. Suivirent la déportation en Pologne et l’extermination.

Aujourd’hui et un peu partout, les politiques d’assimilation n’ont pas mené à l’intégration ou à l’adaptation des Voyageurs. «Le rejet, sous toutes ses formes, reste un élément dominant des relations entre les Tsiganes et leur environnement immédiat. Les tensions, qui ont toujours été vives, entre les communautés tsiganes et leur entourage, ont rapidement tendance à s’exaspérer en conflits; les boucs émissaires sont vite trouvés, et il en résulte pour eux un dur traitement dans une insécurité permanente», écrit Jean-Pierre Liégeois, dans son livre Roma, Tsiganes, Voyageurs.

Leur histoire n’est que tragédie, et ils se sont heurtés à l’hostilité séculaire de leurs voisins sédentaires. De la tentative avortée de règlement de la «question tsigane», en Espagne («la grande rafle des Gitans», soit de 10 à 12 000 Tsiganes arrêtés le 30 juillet 1749), à l’éradication du «fléau tsigane», compris dans la solution finale des nazis, sans oublier leur déportation du Portugal en Afrique et en Amérique. Et les lois et règlements établis contre eux dans pratiquement tous les pays. Quel village de France n’a pas sa pancarte: «Interdit aux nomades» ou «Nomades, stationnement 24 heures», refoulant toujours plus loin ceux qu’on appelle aussi les «camps-volants»?

Aujourd’hui encore, les Tsiganes constituent une population inclassable. Aucun recensement n’existe pour eux, que les autorités considèrent comme des populations en transit. Pourtant, en Belgique par exemple, leur habitat mobile (caravane, roulotte) décline d’année en année. Les Tsiganes incarnent-ils, comme on le prétend, «l’Europe du rêve», qui s’oppose à «l’Europe des technocrates, de la réglementation et du gatt»? Fils du vent contre technocrates bruxellois? La réalité oblige sans doute à des nuances. D’un côté, on veut éviter face à eux le piège de toujours recourir aux secours sociaux. «Ce recours doit rester exceptionnel, car l’assistanat guette ses proies, avec en fin de parcours une rupture avec la vie économique habituelle, avec la vie sociale et culturelle, menant à la quart-mondialisation.» De l’autre, on perçoit très nettement toute la richesse que les populations nomades peuvent apporter à une société sclérosée.

Responsable de la série Linguistique romani, Marcel Courthiade la résume ainsi: «Sans doute une compréhension de la vision du monde des Tsiganes permettrait-elle à bien des sociétés européennes un renouvellement d’âme radical.» Citoyens d’un pays sans drapeau, les Tsiganes nous montrent-ils une voie d’avenir?


Peut-on sédentariser les tsiganes?

Le mouvement politique tsigane est en effervescence depuis les années 1960.

En 1986, en Allemagne, on parle d’établir un Bureau européen pour les Tsiganes. L’ouverture de l’Est, en 1989, révèle l’urgence de se doter d’un organisme tsigane unifié, dont l’action couvrirait l’Europe. L’idée d’un Parlement européen des Rom (eurom) a été lancée en 1990. L’année suivante, la Commission européenne souligne la nécessité d’avoir un interlocuteur européen tsigane. En 1994, à Strasbourg, la Conférence permanente pour la coopération et la coordination des associations tsiganes d’Europe suggère la création d’un groupe permanent de réflexion politique tsigane. Il servirait aussi d’interlocuteur auprès des institutions internationales.

Dans certains pays, les Tsiganes luttent pour bénéficier d’un statut de minorité ethnique. La mise en valeur de leur propre histoire et de leur langue aiderait à l’obtention de ce statut. Par ailleurs, en mai 1994 s’est tenu à Séville le Premier Congrès tsigane de l’Union européenne, avec le soutien de cette dernière. Il rassemblait des représentants de 18 pays. En réalité, les projets ne manquent pas, notamment en ce qui a trait à l’éducation des enfants tsiganes: 25 sont en cours dans une dizaine de pays. Ils tournent autour de cinq grands thèmes: enseignement secondaire, transition école-vie active, enseignement à distance, matériel pédagogique et formation de médiateurs.

Les premiers projets de scolarisation des enfants tsiganes et voyageurs par l’Union européenne remontent au début des années 80. En mai 1989, le Conseil de l’Europe et les ministres de l’Éducation des pays européens adoptèrent une résolution concernant cette scolarisation. Le Centre de recherches tsiganes (Paris) y collabore et publie notamment la revue Interface. En Allemagne par exemple, la majorité de la population tsigane est composée de Sinti et de Roma. Leur mode de vie, le voyage, rend difficile la scolarisation et entrave une formation scolaire continue.

Mentionnons aussi la peur des parents de voir leurs enfants perdre leur identité de Roma ou de Sinti et le fait que l’enseignement ne tienne pas compte de leur langue.

Les multiples projets de scolarisation ont permis de mieux cerner les particularités des enfants tsiganes. En Belgique, par exemple, des éducateurs les ont perçus comme des enfants très éveillés, ouverts à la nouveauté. Mais leur attention soutenue est faible et décline après dix minutes d’effort. Ces enfants aiment la liberté et ont besoin de se dépenser davantage que les autres élèves. Ils ont une grande connaissance pratique des choses vécues, par exemple une compréhension approfondie de la vie de certains animaux, qui échappe à la vigilance des petits sédentaires: lézards, couleuvres, oiseaux. Ils s’orientent rapidement vers ce qui est pratique, utile, concret. En revanche, leurs facultés d’abstraction, liées àl’apprentissage de la lecture, sont faibles.

D’autres pays, comme l’Espagne, mettent l’accent sur la formation et l’emploi de médiateurs tsiganes. Ainsi, en Andalousie, une centaine de moniteurs/médiateurs – tous tsiganes – effectuent en ce moment un travail de suivi scolaire et assurent le lien entre enseignants et familles. Et puis, il est une autre chose que les Gitans peuvent nous montrer: l’art du recyclage, dont on tend à redécouvrir un peu partout les vertus, en cette période de crise de l’environnement. Ne s’en sont-ils pas faits les champions dans tous les pays?


Cette part de l'âme médiévale qui nous rejoint encore

Alors que depuis trois siècles les historiens et le public en général s’intéressaient surtout à la période gréco-romaine, le Moyen Âge apparaît aujourd’hui comme un sujet neuf. À preuve, la création toute récente, en France, du Centre d’interprétation de l’architecture et de l’histoire médiévales, près du Mont-Saint-Michel. Ou celle du Centre européen pour la recherche et l’interprétation des musiques médiévales. Ou encore, en 1993, celle du Centre européen d’art et de civilisation médiévale (ceacm), installé à Conques.

Le regain d’intérêt pour le Moyen Âge est une vulgarisation d’un certain engouement pour la recherche érudite médiévale, qui date des années 1950. Selon Xavier Kawa-Topor, directeur du ceacm, que j’ai rencontré, c’est vraiment depuis cette époque seulement qu’on s’intéresse massivement au Moyen Âge comme sujet de recherche historique. «Auparavant, dit-il, il n’y en avait presque que pour la culture et l’histoire classiques. Et dans le renouveau de la recherche médiévale, la France mène le bal.» Il s’agit en fait, selon lui, de réhabiliter le Moyen Âge, qui n’est aucunement, comme on l’a cru longtemps, une ère d’obscurantisme. Ne parlait-on pas encore, jusqu’à il y a une quarantaine d’années, de «l’art malhabile» du Moyen Âge? Pourtant, voici qu’on relève de plus en plus de relations entre l’art contemporain et celui du Moyen Âge! Au-delà des reproductions picturales, c’est tout un langage de symboles qu’on veut retrouver.

Depuis une vingtaine d’années en France, on assiste aussi à un retour général d’intérêt pour le patrimoine, souligne M. Kawa-Topor. Et le mouvement s’accélère depuis cinq ans en Europe. Le tourisme culturel, par exemple, constitue la première forme de tourisme en France, et les monuments médiévaux, surtout ceux de l’art roman, y sont les plus visités. En 1993, par exemple, Chartres a reçu 2,5 millions de visiteurs. Notre-Dame de Paris, 12 millions. Et parmi eux, nombre de touristes qui pensaient qu’il s’agissait d’un édifice désaffecté!

L’intérêt pour le Moyen Âge relève-t-il d’une simple passade? «Non. Il est d’abord un phénomène de fin de siècle. Notre époque manque de repères et a du mal à se projeter dans l’avenir. Comme on ne sait pas où l’on s’en va, on veut au moins savoir d’où l’on vient», répond M. Kawa-Topor. Donc on retourne au passé. Le Moyen Âge apparaît dans cette optique comme un sujet d’intérêt neuf et qui nous parle beaucoup.

Mais il convient d’apporter une précision, poursuit-il. Le Moyen Âge se situe en gros entre l’an 500 et la Renaissance. Soit environ mille ans. Or, ce qui fascine aujourd’hui, c’est essentiellement l’époque du XIe au XIIIe siècles, la partie féodale, le tournant de l’an mille. «Sans doute cette période représente-t-elle un miroir par rapport à notre époque d’ébullition, de remise en cause politique, culturelle, économique, religieuse.» On pourrait aussi, comme autre point commun, mentionner la montée de l’islam. Elle inquiétait les esprits de l’an mille comme ceux de 1995.

Et voici que l’emballement pour la chose médiévale franchit l’Atlantique, avec les Médiévales de Québec. Une surprise? «Non. Le Québec et la France ont un passé commun. Certes, le Québec est un peu plus loin de cette source. Pour cette raison précisément, l’appel n’en est peut-être que plus fort.» Ce retour au Moyen Âge, selon M. Kawa-Topor, constitue un phénomène sociologique de civilisation. «Le rôle de notre Centre est d’accompagner ce mouvement, en évitant un double piège: celui de la démagogie, comme pourrait l’être celui de médiévaleries sans contenu, et celui de la reconstitution factice.»

Le directeur du ceacm voit dans la revitalisation des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle une partie intégrante de ce regain d’intérêt médiéval. Du reste, la pratique même du pèlerinage illustre bien que le Moyen Âge n’est pas l’époque étroite et repliée sur elle-même qu’on s’est souvent plu à décrire. C’était aussi une époque d’échanges, d’ouverture aux autres et de dépassement de soi. Curieusement, un livre récent, The world in 2020, du Britannique Hamish McRae, annonce que l’Europe du siècle prochain pourrait bien ressembler à... celle du Moyen Âge. L’auteur y suggère même que l’Angleterre par exemple sera contrainte de renoncer au colonialisme, et ce même en Écosse et en Irlande. Et qu’elle reviendra à la situation antérieure à 1706, «alors qu’elle n’avait qu’à se préoccuper d’elle-même».


Les vitraux de la polémique

Le randonneur qui suit la via Podiensis du Puy vers Saint-Jacques-de-Compostelle, tombe immanquablement sur Conques. Classé Grand Site de France, ce village-étape obligé du pèlerinage compostellan d’à peine 200 habitants, a vu défiler l’an dernier près de 500 000 visiteurs. L’église abbatiale Sainte-Foy de cette bourgade médiévale – l’un des villages les plus endettés de France –, blottie dans une vallée, laisse rêveur. Que dire de ses vitraux tout neufs, qui ont récemment soulevé une vive polémique dans le monde artistique européen! Une querelle digne des Anciens et des Modernes.

Pour schématiser, prenons les deux principaux acteurs, que j’ai rencontrés à Conques. D’un côté, Pierre Soulages, peintre qui domine l’art abstrait en France, créateur des vitraux. De l’autre, frère Renaud, prieur de l’Abbaye de Conques. Soulages, un enfant de la région, se refuse avec véhémence à toute symbolique, se disant seulement conscient d’avoir posé un acte grave. Jouer avec la lumière, en effet, n’est pas neutre. Il dit avoir été exalté, adolescent, par ses visites à Conques. Lorsqu’il décrocha le contrat des vitraux, il y revint à plusieurs reprises, afin, nous a-t-il expliqué, «d’évacuer les souvenirs émotionnels liés au lieu et de porter un regard froid sur l’abbatiale».

«Je ne voulais pas du verre antique, où le regard passe trop bien. Comme je ne trouvais pas de matériau, j’ai décidé de le créer.» Avec le maître verrier Jean-Dominique Fleury, Pierre Soulages a inventé un verre. «J’ai souhaité du verre blanc, translucide et non transparent, afin qu’il diffuse la lumière tout en protégeant le lieu.» Un acte de création dont frère Renaud conteste un peu le résultat.

«Monsieur Soulages affirmait que les anciens vitraux datant des années 1950 projetaient dans l’abbatiale une ambiance de boîte de nuit. Selon moi, les siens semblent créer une ambiance de boîte de jour!»

Son œuvre, poursuit-il, crée un effet temporel, très caractéristique de notre époque, alors que jadis, le vitrail était le lieu intemporel de la couleur. Selon le moine, l’œuvre de Pierre Soulages relève d’une philosophie froide de la matière. Il reconnaît cependant que le défi de M. Soulages était ardu. Il évoque les difficultés d’enfantement de l’artiste, qui s’efforce de nos jours de dégager un peu d’esprit de la matière, pour dire les choses spirituelles. Il évoque à ce sujet «une maternité douloureuse». Et M. Soulages de répliquer: «Nous ne voulions pas reconstituer ou travestir le patrimoine, mais le donner à voir. Je me suis mis au service du bâtiment. Je ne crois pas qu’il faille imiter ou reconstituer le Moyen Âge. Je suis un artiste du XXe siècle et j’interviens avec les moyens et les techniques de ce siècle.»

L’art contemporain se nourrit étroitement d’un regard posé sur le patrimoine. Regard fait à la fois de continuité et de rupture. «Nous prenons le passé tel qu’il nous est parvenu. Pas tel qu’il était, puisque ne le connaissant pas, nous aurions tendance à le rêver. Or, un voyage de rêve, on ne peut l’imposer.» L’art, indique le peintre, n’est pas un simple moyen de communication, à l’instar du télégramme qui, une fois lu et compris, est jeté à la poubelle. La cathédrale, ou l’abbatiale, est un édifice: elle «édifie» celui ou celle qui pénètre sous ses voûtes. Elle édifie en permanence. L’art roman ne se résume-t-il pas, du reste, à une grande découverte: celle du sentiment d’élévation dans l’espace?

En rencontrant les deux protagonistes, je me suis aperçu que Pierre Soulages et frère Renaud ne parlaient pas le même langage. Les mots, par exemple, n’ont pas le même sens pour eux. Ainsi du temps. M. Soulages affirme avoir pris tout son temps pour composer son œuvre: huit ans précisément, de la commande initiale à la réalisation du projet (juin 1994). Mais frère Renaud rappelle qu’il fallait trois générations, et parfois plus, pour faire sortir une cathédrale de terre. Mais «nous n’avons pas été gênés par les autres corps de métiers», rétorque M. Soulages.

Lancés à travers l’Europe, les grands chantiers de cathédrale ont jadis joué un rôle de cohésion du Vieux continent. Les imagiers médiévaux ont su alors émouvoir les gens de leur temps, tout comme ils continuent de faire rêver ceux de notre époque. Ils proposaient une émotion. Ces inconnus qui ont taillé la pierre, ils étaient eux-mêmes des êtres de chair, devaient aimer les femmes, avaient des familles. Qu’en est-il de l’art contemporain, qui travaille souvent avec du matériel éphémère? L’œuvre de Soulages survivra-t-elle à l’écoulement du temps? En discutant avec quelques-uns des visiteurs de Conques, j’ai pu mesurer une chose: la plupart d’entre eux croient que les vitraux sont temporaires, qu’ils ont été placés là en attendant «les vrais»!

En quittant Conques pour poursuivre ma route vers Compostelle, je pensais à Rodin. Ému par la magnificence de la cathédrale de Chartres - «l’ange de Chartres», comme il l’appelait -, le sculpteur avait lancé aux artistes modernes cette imprécation: «Pourquoi êtes-vous devenus aveugles, héritiers des voyants qui accomplirent le chef-d’œuvre?» Mais je songeais aussi à cette parole de Rudolf Steiner: «Jadis, les astres ont parlé aux Hommes. Qu’ils se soient tus, ce fut le sort du monde. Ce silence peut peser aux Hommes sur la terre. Mais en lui mûrit ce que les Hommes auront à dire aux astres.»

Les vitraux de Pierre Soulages préfigurent-ils un christianisme sans, un passage du seuil, tente désespérément de renouer le fil avec ses origines spirituelles. Les vitraux de Pierre Soulages me paraissent une tentative courageuse en ce sens. C’est ainsi que j’ai compris leur message étonnant.

Je garde à l’esprit ces paroles de Soulages: «Ce que je fais m’apprend ce que je cherche.» N’est-ce pas la définition même de la quête? Mais aussi celles de frère Renaud: «Ce sont les Hommes qui feront vivre l’esprit, eux qui feront jaillir l’esprit de la pierre. Nous autres, moines, notre mission est humble: donner une âme à ce lieu, pour que puisse continuer à résonner sous ces voûtes séculaires le chant de la prière.»


Les vitraux de la polémique

Le randonneur qui suit la via Podiensis du Puy vers Saint-Jacques-de-Compostelle, tombe immanquablement sur Conques. Classé Grand Site de France, ce village-étape obligé du pèlerinage compostellan d’à peine 200 habitants, a vu défiler l’an dernier près de 500 000 visiteurs. L’église abbatiale Sainte-Foy de cette bourgade médiévale – l’un des villages les plus endettés de France –, blottie dans une vallée, laisse rêveur. Que dire de ses vitraux tout neufs, qui ont récemment soulevé une vive polémique dans le monde artistique européen! Une querelle digne des Anciens et des Modernes.

Pour schématiser, prenons les deux principaux acteurs, que j’ai rencontrés à Conques. D’un côté, Pierre Soulages, peintre qui domine l’art abstrait en France, créateur des vitraux. De l’autre, frère Renaud, prieur de l’Abbaye de Conques. Soulages, un enfant de la région, se refuse avec véhémence à toute symbolique, se disant seulement conscient d’avoir posé un acte grave. Jouer avec la lumière, en effet, n’est pas neutre. Il dit avoir été exalté, adolescent, par ses visites à Conques. Lorsqu’il décrocha le contrat des vitraux, il y revint à plusieurs reprises, afin, nous a-t-il expliqué, «d’évacuer les souvenirs émotionnels liés au lieu et de porter un regard froid sur l’abbatiale».

«Je ne voulais pas du verre antique, où le regard passe trop bien. Comme je ne trouvais pas de matériau, j’ai décidé de le créer.» Avec le maître verrier Jean-Dominique Fleury, Pierre Soulages a inventé un verre. «J’ai souhaité du verre blanc, translucide et non transparent, afin qu’il diffuse la lumière tout en protégeant le lieu.» Un acte de création dont frère Renaud conteste un peu le résultat.

«Monsieur Soulages affirmait que les anciens vitraux datant des années 1950 projetaient dans l’abbatiale une ambiance de boîte de nuit. Selon moi, les siens semblent créer une ambiance de boîte de jour!»

Son œuvre, poursuit-il, crée un effet temporel, très caractéristique de notre époque, alors que jadis, le vitrail était le lieu intemporel de la couleur. Selon le moine, l’œuvre de Pierre Soulages relève d’une philosophie froide de la matière. Il reconnaît cependant que le défi de M. Soulages était ardu. Il évoque les difficultés d’enfantement de l’artiste, qui s’efforce de nos jours de dégager un peu d’esprit de la matière, pour dire les choses spirituelles. Il évoque à ce sujet «une maternité douloureuse». Et M. Soulages de répliquer: «Nous ne voulions pas reconstituer ou travestir le patrimoine, mais le donner à voir. Je me suis mis au service du bâtiment. Je ne crois pas qu’il faille imiter ou reconstituer le Moyen Âge. Je suis un artiste du XXe siècle et j’interviens avec les moyens et les techniques de ce siècle.»

L’art contemporain se nourrit étroitement d’un regard posé sur le patrimoine. Regard fait à la fois de continuité et de rupture. «Nous prenons le passé tel qu’il nous est parvenu. Pas tel qu’il était, puisque ne le connaissant pas, nous aurions tendance à le rêver. Or, un voyage de rêve, on ne peut l’imposer.» L’art, indique le peintre, n’est pas un simple moyen de communication, à l’instar du télégramme qui, une fois lu et compris, est jeté à la poubelle. La cathédrale, ou l’abbatiale, est un édifice: elle «édifie» celui ou celle qui pénètre sous ses voûtes. Elle édifie en permanence. L’art roman ne se résume-t-il pas, du reste, à une grande découverte: celle du sentiment d’élévation dans l’espace?

En rencontrant les deux protagonistes, je me suis aperçu que Pierre Soulages et frère Renaud ne parlaient pas le même langage. Les mots, par exemple, n’ont pas le même sens pour eux. Ainsi du temps. M. Soulages affirme avoir pris tout son temps pour composer son œuvre: huit ans précisément, de la commande initiale à la réalisation du projet (juin 1994). Mais frère Renaud rappelle qu’il fallait trois générations, et parfois plus, pour faire sortir une cathédrale de terre. Mais «nous n’avons pas été gênés par les autres corps de métiers», rétorque M. Soulages.

Lancés à travers l’Europe, les grands chantiers de cathédrale ont jadis joué un rôle de cohésion du Vieux continent. Les imagiers médiévaux ont su alors émouvoir les gens de leur temps, tout comme ils continuent de faire rêver ceux de notre époque. Ils proposaient une émotion. Ces inconnus qui ont taillé la pierre, ils étaient eux-mêmes des êtres de chair, devaient aimer les femmes, avaient des familles. Qu’en est-il de l’art contemporain, qui travaille souvent avec du matériel éphémère? L’œuvre de Soulages survivra-t-elle à l’écoulement du temps? En discutant avec quelques-uns des visiteurs de Conques, j’ai pu mesurer une chose: la plupart d’entre eux croient que les vitraux sont temporaires, qu’ils ont été placés là en attendant «les vrais»!

En quittant Conques pour poursuivre ma route vers Compostelle, je pensais à Rodin. Ému par la magnificence de la cathédrale de Chartres - «l’ange de Chartres», comme il l’appelait -, le sculpteur avait lancé aux artistes modernes cette imprécation: «Pourquoi êtes-vous devenus aveugles, héritiers des voyants qui accomplirent le chef-d’œuvre?» Mais je songeais aussi à cette parole de Rudolf Steiner: «Jadis, les astres ont parlé aux Hommes. Qu’ils se soient tus, ce fut le sort du monde. Ce silence peut peser aux Hommes sur la terre. Mais en lui mûrit ce que les Hommes auront à dire aux astres.»

Les vitraux de Pierre Soulages préfigurent-ils un christianisme sans étoiles? Ou bien viennent-ils sceller dans le plomb l’élan du Moyen Âge, qui, en dépit d’un certain engouement, ne saurait pas plus nourrir l’âme de notre époque que les jouets de Noël dernier ne sauraient satisfaire un enfant cette année? Les Japonais n’ont pas encore inventé de technique pour fabriquer des vitraux en série. L’artiste doit donc y mettre ce qu’il est, un peu de ses aspirations. Notre époque, qui vit une certaine finale, un passage du seuil, tente désespérément de renouer le fil avec ses origines spirituelles. Les vitraux de Pierre Soulages me paraissent une tentative courageuse en ce sens. C’est ainsi que j’ai compris leur message étonnant.

Je garde à l’esprit ces paroles de Soulages: «Ce que je fais m’apprend ce que je cherche.» N’est-ce pas la définition même de la quête? Mais aussi celles de frère Renaud: «Ce sont les Hommes qui feront vivre l’esprit, eux qui feront jaillir l’esprit de la pierre. Nous autres, moines, notre mission est humble: donner une âme à ce lieu, pour que puisse continuer à résonner sous ces voûtes séculaires le chant de la prière.»

À lire également du même auteur

La tentative d'assassinat d'Hitler
Ce récit à la fois dense et pudique de Michel Dongois ne peut que nous renvoyer à nous-mêmes: au

La résistance allemande au nazisme
Trois générations d'Allemands évaluent l'héritage de 12 ans de nazisme. Voir l'esprit de résist




Articles récents