La Flûte enchantée à Milan ?
C'est avec un vif plaisir que le public de Milan a revu don Juan.
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Je me suis appesanti sur quelques petites inconvenances parce que, à cela près, le spectacle est superbe. L’ensemble est tel que plusieurs étrangers, faits pour s’y connaître, ont assuré que jamais sur aucun théâtre don Juan n’avait été mis avec plus de magnificence et n’avait produit autant d’effet. La satisfaction du public augmente à chaque soirée. Peut-être la remise de don Juan moins d’un an après qu’on l’avait vu pour la première fois, — chose inouïe ! — sera-t-elle l’époque d’une révolution fort à désirer.
Le public consentira qu’on lui fasse revoir les chefs-d’œuvre des Buranello, des Mozart, des Cimarosa, des Paisiello, joués à l’étranger ou, il y a trente ou quarante ans, lorsque la plupart des spectateurs actuels n’étaient pas nés. Les Nemici generosi de Cimarosa par exemple valent un peu mieux que les Usi della Cita et sont tout aussi nouveaux. Le peu de succès de la Secchia rapita ne prouve rien. La musique était un centon maladroit et les chanteurs avaient à lutter contre de trop grands souvenirs.
On nous fait espérer la Flûte enchantée. Je ne sais si elle réussira. C’est une musique faite pour un petit théâtre et toute pleine d’effets de miniature. Ce dont je suis sûr c’est que ce chef-d’œuvre plaira beaucoup plus au bout de quinze jours que la première soirée. Cette musique est pleine de détails délicieux qu’il faut saisir.
Quelle que soit la réussite de la Flûte enchantée je suis sûr que la Clémence de Titus ou Idoménée enlèveraient tous les cœurs. Nous pouvons tout attendre d’une administration active et pleine de goût. Espérons qu’après les chefs-d’œuvre de Mozart elle osera nous faire jouir de ceux des Cimarosa et des Sachini.