L'autre et l'ethnique

Gilles Vignaux
Ce passage est tiré d'un excellent petit ouvrage, admirablement bien écrit, qui nous montre l'envers et l'endroit du classement. Du côté positif, on a là le moyen par lequel l'homme, et déjà l'enfant, donne un sens à son univers. À la limite, le langage est lui-même l'action de classement par excellence, le moyen d'organiser les « genres de l'être et du monde », et après Aristote, la science est le plus beau fruit de cette capacité. Du côté moins reluisant, le classement signifie l'exclusion, le racisme, tout ce qui disqualifie l'Autre comme moins bien que l'Un. Pour se libérer de cette crampe, de cette tendance à vouloir réaliser l'unité à tout prix, il ne s'agit que de savoir rencontrer l'Autre: mon voisin, mon semblable.
L'Autre, c'est celui qui est près de moi, un «frère» dira-t-on parfois. C'est aussi celui qui est «en face» et que je ne connais point, qu'à l'occasion je crains et qu'on appelle «l'étranger». C'est enfin celui qui est chef d'un groupe, d'une entité, d'une nation auxquels je me réfère parce qu'il est ce qui aide symboliquement à perpétuer, à transmettre ce groupe, cette entité, cette nation. L'Autre est moi et hors de moi, face à moi. Grâce à lui, je me définis à la frontière. Je me compose, je me représente, je m'imagine, je me catégorise...

Pour me catégoriser, il faut donc que je puisse catégoriser l'Autre, que je le range dans un quelconque «tiroir» de mes pensées ou de la pensée sociale à laquelle je participe et qui m'influence. Je suis de la sorte, à la fois libre et jamais libre de penser les Autres, mes semblables, proches, et ceux, lointains, dont la télévision ou le film m'apportent des images.

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