Canada: la torpeur totalitaire

Jocelyn Giroux

 

Introduction par Jacques Dufresne

Jocelyn Giroux est avocat et criminologue. Il joue un rôle de première importance dans le Programme d’Accompagnement Justice-Santé Mentale de la Cour Municipale de Montréal, nouvelle institution dont la métropole et le Québec ont raison d’être fiers. Enfin les auteurs de crimes mineurs souffrant de maladie mentale sont traités adéquatement, d’une façon personnalisée et respectueuse plutôt que d’être emprisonnés comme des criminels communs et récidiver six mois plus tard, cercle vicieux que l’on dénonce depuis longtemps sous le nom de syndrome de la porte tournante. Une justice thérapeutique est préférée à une justice punitive pour le plus grand intérêt de toute la collectivité.
Quand un tel homme s’indigne, ce ne peut-être que sous le coup d’un mal criant qu’on ne saurait imputer à une saute d’humeur ou à une erreur de jugement passagère. Il dénonce une stratégie réfléchie du gouvernement conservateur, stratégie qui abaisse la dignité humaine et dégrade les Canadiens dans leur ensemble.

Par une série de lois résistant si mal à l’analyse qu'il faut les imputer à la démagogie et à la vengeance, le gouvernement Harper vient d’inverser le cours de l’histoire canadienne du droit criminel en engageant le pays dans une saga punitive ruineuse sur le plan financier et sans doute aussi sur le plan moral.

Me Giroux précisera plus loin ce diagnostic. Il faut d’abord situer les nouvelles lois en matière de droit criminel dans la stratégie honteuse qui en a permis l’adoption facile. Cette stratégie nous la résumerons en une formule : multiplier pour régner, pour régner par la force plutôt que par la raison.

Multiplier ainsi les projets de loi c’est aussi diviser l’éventuelle opposition. Les citoyens du Canada sont trop occupés pour pouvoir lutter sur tous les fronts en même temps. Au moment où Me Giroux s’engageait dans la lutte contre les nouvelles lois, je signais la pétition proposée par Ian Morrison pour protéger l’autonomie de Radio-Canada, un autre ami s’indignait contre le bâillon imposé aux savants à l’emploi de l’État, un troisième s’inquiétait du sort de l’ACDI (Agence canadienne de développement international), un quatrième scrutait la nouvelle loi sur l’assurance-emploi, un cinquième, pour protéger l’environnement physique, voulait limiter l’influence des pétrolières sur le gouvernement Harper. Un sixième enfin se demandait pourquoi ce gouvernement ne protestait pas contre la traque des citoyens canadiens (affaire Snowden) par l’agence de sécurité américaine. Le projet de loi omnibus C-38, déposé le 26 avril 2012 : 753 clauses modifiant 70 lois du pays.
Ainsi divisée, la société canadienne sombrait dans l’une de ces torpeurs qui constituent le bouillon de culture du totalitarisme.

Pendant ce temps, pendant tout le premier semestre 2013, un misérable 90 000 $ versé à un sénateur était l’unique sujet des grandes manchettes. Des milliards engagés au même moment dans la construction de nouvelles prisons rendues nécessaires par des lois injustes et régressives, il n’était pas question. Un an plus tôt le Québec au complet ne semblait préoccupé que par une légère hausse des frais de scolarité dans les universités.

STOP HARPER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il faut sortir Harper, disait Me Giroux au terme de son éruption d’indignation. Dans ce but nous proposons un procédé rhétorique qui a fait ses preuves. Nous invitons les Canadiens à terminer tous leurs courriels, leurs lettres, leurs conférences, quel qu'en soit le sujet, par la formule STOP HARPER, appel lancé pour la première fois par Brigette DePape, page,  le 3 juin 2011 au milieu de la salle du Sénat,  au moment précis où le gouverneur général David Johnston lisait le Discours du Trône, en présence du premier ministre Stephen Harper, à sa gauche.

 

 Canada: la torpeur totalitaire par Jocelyn Giroux

Besoin de vengeance dans la population, démagogie au gouvernement, c’est la combinaison idéale pour assurer la régression sociale et morale d’un pays

 L’actuel gouvernement conservateur du Canada dirigé par Stephen Harper use et abuse de cette combinaison, surtout depuis 2011 année où il est devenu majoritaire au Parlement canadien. Invoquant la noble cause de la protection de la victime, mais sans jamais l’étayer par des faits, il a créé un climat punitif et imposé un durcissement des lois et règles du droit criminel, qui se traduit par une hausse excessive des coûts du système pénitentiaire.

Le gouvernement Harper a accru le nombre et la sévérité des peines minimales. Il enlève ainsi aux juges le pouvoir d’individualiser la sentence en tenant compte de la personnalité du criminel et des circonstances propres de l’affaire. De plus, ce même gouvernement a multiplié et prolongé les séjours en prison. Il existe des pays comme la Hollande où la peine minimale n’existe pas et d’autres où elle surabonde comme les États-Unis. Le Canada harpérien s’aligne sur les États-Unis au moment même où les peines minimales s’avèrent un échec dans ce pays. Alors que le gouvernement conservateur par surcroît a accru la sévérité des peines pour certains jeunes contrevenants et compliqué, tout en les réduisant, les demandes pour effacer les affres d’une condamnation, on devine le sentiment d’injustice que doivent éprouver les jeunes ayant tous les jours sous les yeux le spectacle de millions volés impunément à la collectivité par des entrepreneurs corrompus. On devine aussi les problèmes de conscience qui en résultent pour les juges.

On aurait pu se limiter à imposer plus de peines minimales. Mais non ! Voici un autre exemple de cette attitude répressive sans nuance. Les conservateurs ont aboli la règle jurisprudentielle du deux pour un dans le cas de l’incarcération préventive. Une détention préventive était comptée en double au moment de l’imposition de la peine. La règle avait été énoncée par les tribunaux pour tenir compte des conditions de détention plus difficiles en prévention.

Un dernier exemple : le séjour obligatoire en hôpital psychiatrique pour une durée de 5 ans dans le cas de certains contrevenants (dits à haut risque) jugés non criminellement responsables.C’est peut-être là l’atteinte la plus violente à la tradition canadienne en matière de droit criminel. Entre une tendance à favoriser la réhabilitation et la réinsertion sociale et des mesures visant à assurer la protection du public, même quand l’efficacité desdites mesures n’a pas été démontrée, le gouvernement Harper choisit sans l’ombre d’une hésitation, la seconde branche de l’alternative. Comme s’il était impossible à une société libre et démocratique, ayant à sa disposition de grands experts sur ces questions, de concilier les deux approches. Le Canada le faisait bien d’ailleurs avant la venue des conservateurs.

 Les coûts

À elle seule, la loi qui a aboli la règle du deux pour un devrait coûter environ 7 à 10 milliards de dollars sur une période de 5 ans. Les frais d’incarcération supplémentaires pour 4 500 personnes s’élèvent à 419 millions de dollars par année et l’ajout de 2 700 cellules coûtera 2.1 milliards sur 5 ans. Non seulement il n’y aura pas de réduction d’effectifs au sein des Services Correctionnels Canadiens mais il faudra ajouter 4 000 postes dans les prochaines années. Le Québec par surcroît assume les ¾ des coûts reliés à l’abolition du deux pour un. (AJ Alter Justice Détention: Une idéologie coûteuse)

La criminalité diminuant au Canada depuis 1990, à quel mal le gouvernement Harper veut-il donc remédier ? C’est la règle du un pour tous qui semble être la clé du cette énigme. Papa a raison. Pour ce qui est du Québec, le papa c’est tantôt le prince lui-même, tantôt une personne interposée. Il s’agit le plus souvent du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu dont le seul titre de compétence en la matière est d’avoir été le très malheureux père d’une victime assassinée dans d’horribles circonstances. J’éprouve pour Monsieur Boisvenu la plus grande des compassions pour ce qu’il a vécu. Mais la déesse Thémis a les yeux clos et les plateaux de la balance qu’elle tient sont à égale hauteur. Au mépris de la science et de la simple raison, cet homme aura eu plus de poids que l’ensemble des opposants aux lois harpériennes. Voici quelques-uns de ces opposants

 La Cour Suprême du Canada

En 1999, la plus haute instance du pays notait déjà dans l’arrêt Gladue (1999, 1 R.C.S. 688 ) le recours excessif à l’incarcération au Canada. Ainsi s’exprimait-elle : 

«Le problème du recours excessif à l’incarcération au Canada

52 Le Canada fait figure de chef de file mondial dans de nombreux domaines, et particulièrement en matière de politiques sociales progressistes et de droits de la personne. Malheureusement, notre pays se distingue aussi, à l’échelle mondiale, par le nombre de personnes qu’il met en prison. Bien que les États Unis, avec plus de 600 détenus pour 100 000 habitants, aient de loin le plus haut taux d’incarcération parmi les démocraties industrialisées, le taux au Canada est d’environ 130 détenus pour 100 000 habitants, ce qui le place au deuxième ou au troisième rang : […] 

53 Le recours systématique à la peine d’emprisonnement au Canada remonte à la construction du pénitencier de Kingston en 1835. À l’origine, l’emprisonnement avait lui-même été conçu comme une solution de rechange aux peines plus sévères qu’étaient la mort, le fouet ou l’emprisonnement dans une prison locale. Les réformateurs faisaient valoir que l’emprisonnement en pénitencier avait non seulement un effet de dissuasion, de dénonciation ou de prévention, mais qu’il contribuait aussi à la réinsertion sociale des délinquants, les longues heures consacrées à la réflexion et aux durs travaux contribuant à leur rééducation: voir Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 11, Emprisonnement – Libération (1975), à la p. 5. 

54 Malgré ses origines empreintes d’idéalisme, l’emprisonnement a vite été condamné pour sa dureté et son inefficacité, non seulement eu égard à ses objectifs proclamés de réinsertion sociale, mais aussi relativement à ses objectifs publics plus généraux. Le juge Vancise, dissident en Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt McDonald, précité, a bien résumé les commentaires qu’a suscités au fil des ans au Canada l’efficacité du recours à l’emprisonnement, aux pp. 429 et 430: 

Nombre d’enquêtes et de commissions ont été tenues dans ce pays pour examiner, entre autres choses, l’efficacité du recours à la peine d’incarcération. Depuis 1914, chaque décennie a vu au moins une commission ou une enquête sur le recours à l’emprisonnement .

Une constante se dégage de l’examen des recommandations de ces rapports: il faut éviter l’emprisonnement autant que possible et réserver cette sanction pour les infractions les plus graves, particulièrement les infractions avec violence. Tous recommandent que l’incarcération soit utilisée avec retenue, reconnaissant que la prison n’a pas permis de réduire le taux de criminalité et qu’on ne devrait y recourir qu’avec prudence et modération. L’emprisonnement n’a pas rempli la fonction de base du système judiciaire canadien que le Rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle, intitulé «Justice pénale et correction: un lien à forger» (1969), avait ainsi défini: «protéger la société du crime d’une manière qui commande le respect du public tout en évitant de porter inutilement préjudice au contrevenant».

Le Barreau du Québec

 Comme le souligne le bâtonnier du Québec Me Nicolas Plourde dans une lettre datée du 21 mars dernier adressée à l’Honorable Robert Douglas Nicholson Ministre de la Justice et Procureur Général du Canada : «les modifications proposées suppriment de l’article 672.54 les termes « la décision la moins sévère et la moins privative de liberté », et élèvent le critère de « sécurité du public » à un niveau supérieur à tout autre critère en lien avec la situation individuelle de l’accusé. Ce faisant, les modifications réduisent l’importance de l’objectif reconnu de « l’amélioration de la condition de la personne malade non criminellement responsable » comme étant le moyen le plus juste et le plus équitable qui soit pour protéger la société.»

La Section Nationale du Droit Pénal de l’Association du Barreau Canadien

 Elle regroupe plus de 37 000 juristes au Canada. L’Association en est arrivée à des constats semblables à ceux du Barreau Québécois. Voici sa conclusion : «la constitutionnalité future de la partie XX.1 exige que le gouvernement respecte l’équilibre entre la protection du public et la préservation de la dignité et de la liberté de l’accusé. D’importants éléments du projet de loi C-54 menacent cet équilibre vital. Le concept d’« accusé à haut risque » du projet de loi C-54 ressemble à l’imposition d’une punition à des accusés NRC alors que leur comportement, quoique tragique, n’est pas moralement coupable. On peut du reste soutenir que l’expression même « accusé à haut risque » confortera le préjugé selon lequel une personne ayant une maladie mentale est dangereuse et devrait être isolée de la communauté. Telle n’était jamais l’intention de la partie XX.1.

Comme la juge McLachlin l’a souligné dans Winko, supra, l’objectif et l’effet de la partie XX.1 « représentent le point de vue selon lequel l’accusé non responsable criminellement a le droit de recevoir des soins attentifs, d’être réadapté, et de faire l’objet de tentatives valables en vue de sa participation à la société dans la plus grande mesure possible, compte tenu de sa situation véritable 25 ». La partie XX.1 vise à assurer un moyen de guérir ou gérer efficacement un accusé NRC. Elle n’est pas destinée à châtier des délinquants souffrant de troubles mentaux 26.»

 

Le ministre québécois de la justice…soutenu en cela par l’ensemble de l’Assemblée nationale

 «Le ministre Fournier était appelé à commenter le projet de loi C-10 resserrant la justice criminelle. Ce projet de loi omnibus instaure une flopée de peines minimales, notamment pour les crimes à caractère sexuel envers les enfants et le trafic de marijuana. Il revoit aussi en profondeur le système de justice pénale pour les adolescents en instaurant la dissuasion et l'exemplarité comme principes devant guider les juges lors de l'imposition d'une peine. C'est à ces deux volets du projet de loi que le ministre s'est opposé.

Les peines minimales, a soutenu M. Fournier, auront pour effet d'augmenter la population carcérale, le plus souvent dans les institutions provinciales, et non fédérales. Bref, Ottawa adopte la loi, mais ce sont les provinces qui en assumeront le coût.» (Le Devoir, 2 novembre 2011) 

Statistique Canada 

Les résultats les plus récents de Statistique Canada qui datent de juillet 2013 confirment à nouveau la tendance observée depuis plus de deux décennies. «Le Canada n’a jamais été aussi en sécurité depuis 1972, selon Statistique Canada. Non seulement les crimes sont moins nombreux, mais ils sont aussi moins graves. «L’Indice de gravité de la criminalité a chuté de 3% en un an». (La Presse, 26 juillet 2013)

  L’Association des psychiatres du Canada (APC)

 

 

«L'Association des psychiatres du Canada (APC) croit que le projet de loi visant à resserrer les règles pour les délinquants jugés non criminellement responsables augmentera les risques pour la société tout en constituant une «ponction importante» dans les ressources publiques.

 

 

  L'APC, qui a consulté l'Académie canadienne de psychiatrie et du droit, a passé plus de deux mois à étudier le projet de loi C-54 avant de prendre position. En gros, elle estime que la législation est inutile, contre-productive, coûteuse et pourrait facilement être contestée en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.» ( Bruce Cheadle, La Presse.ca, La Presse Canadienne, Ottawa, publié le 18 avril 2013)

 

Alter Justice

 «Aucune étude n’a réussi à démontrer que l’approche répressive préconisée par le gouvernement avait un réel impact sur le taux de criminalité.» (Alter-Justice –Dossiers – Détention | Une idéologie coûteuse, mise en ligne en septembre 2010, p. 5)

La Société John Howard et l’Association canadienne des sociétés Élizabeth Frye

 «Déclaration conjointe, Le projet de loi omnibus va-t-il mettre le Canada en faillite? 

Le 20 septembre 2011 (Ottawa) – La majorité des personnes incarcérées sont considérées comme non-violentes par la police et les autorités correctionnelles. En vue d’éviter à plus d’hommes, de femmes, et particulièrement d’enfants, d’être marginalisés, victimisés, criminalisés et incarcérés, la population canadienne nous dit, à nous et à la classe politique, qu’elle préférerait voir l’argent durement gagné des contribuables investi dans le logement social, les services de garde, les pensions, les soins de santé, les services en santé mentale, l’enseignement public, l’aide aux victimes et autres services sociaux. »

 Des journalistes spécialisés

 Dont Michel Auger:

«les prisons sont pleines à craquer, le crime est en baisse, mais les politiciens ne cessent d’alarmer la population dans le seul dessein de plaire à l’électorat. Plus que jamais, aujourd’hui, les politiciens se mêlent des questions de Justice avec des arguments tout simplement populistes qui n’aident en rien, ou très peu, la société» (Journal de Québec, 23 novembre 2007, cité in AJ p. 5)
 

  Des chercheurs

  Dont Paula Smith, Claire Goggin et Paul Gendreau

 Ils résument ainsi, parmi les conclusions qui nous intéressent pour les fins de notre propos, les résultats des méta-analyses de 117 études depuis 1958 portant sur 442 471 délinquants et ceux qu’ils ont obtenus au même effet.

1) on ne devrait recourir ni aux peines d’emprisonnement ni aux sanctions intermédiaires en s’attendant à réduire de la sorte les comportements criminels. 

 2) à en juger par les résultats actuels, un recours excessif à l’incarcération peut entraîner des coûts importants». (Effets de l’incarcération et des sanctions intermédiaires sur la récidive : effets généraux et différences individuelles, de Paula Smith, Claire Goggin, Paul Gendreau et Centre for Criminal Justice Studies, Université du Nouveau-Brunswick, Saint-John, 2002-01) Les chercheurs sont formels : «nous sommes sûrs que, si nombreuses que soient les études que nous puissions découvrir par la suite, les études sur la sanction ne révèleront même pas d’effet modeste de suppression ni de résultats qui se comparent de loin à ceux de certains programmes de traitement.» (ibid., p. 20) Bien plus, «il y a des indications qui tendent à associer un accroissement de la durée d’incarcération à une légère augmentation de la récidive» (ibid., p.

Dont Shelley Brown

Une méta-analyse réalisée en 1999 à partir de 108 études des résultats du traitement correctionnel révèle «des économies de coûts pour plusieurs catégories de traitement différentes selon deux points de vue, celui du contribuable et celui de la victime. Le point de vue du contribuable se limite aux économies relatives au système de justice pénale (p. ex., police, décision, services correctionnels), tandis que celui de la victime porte sur les économies en frais de justice pénale ainsi que sur les pertes monétaires pour la victime (p. ex., frais médicaux, pertes et dégâts matériels, réduction du revenu futur). Les coûts intangibles pour la victime, comme la douleur, la souffrance et la perte de vie, ont été exclus. Dans l’ensemble, l’examen a démontré qu’en moyenne, chaque dollar consacré à des interventions à caractère social (n = 88) représente pour le contribuable une économie d’environ 5 $, et pour la victime, de 7 $. Par contre, les interventions axées sur la punition, comme les camps de type militaire et les programmes de surveillance intensive faisant appel à des stratégies onéreuses comme les vérifications aléatoires du respect de la consigne concernant les heures de rentrée, la surveillance électronique et l’analyse des échantillons d’urine (n = 20), ont eu un rendement de loin inférieur, allant de 50 à 75 cents pour chaque dollar investi dans les programmes.» (Shelley Brown, Direction de la Recherche, Service Correctionnel du Canada, Forum - Recherche sur l’actualité correctionnelle, Traitement correctionnel efficace par rapport au coût, 28 juin 2013, p. 1 et 2)

Dont Marion Vacheret

La criminologue Mario Vacheret résume l’enjeu : «la question de fond qui se pose est celle de la nécessité de nouvelles prisons. Devons-nous investir toujours plus dans la privation de liberté, alors que non seulement ce choix contredit nos valeurs en tant que société, mais encore qu’il coûte socialement très cher ? Le bilan que nous pouvons faire est davantage un bilan d’échec, une neutralisation inefficace à double titre – inutile pour les contrevenants neutralisés au provincial, inutile pour la collectivité qui n’est pas mieux ni moins bien protégée — et une rentabilité économique non établie compte tenu des coûts sociaux et humains engendrés par la prison12. Notre décision est un choix de société.» (De la nécessité des prisons…Pourquoi des prisons si l’on prône la réinsertion ? Porte ouverte, Volume XVI, no. 3, Hiver 2005, p. 8)

 

 

Pierre-Hugues Boisvenu, le Dracon canadien 


Il a soutenu en 2012 qu’«il faudrait que chaque assassin ait le droit à sa corde dans sa cellule. Il décidera de sa vie»(Le Dev, 2 février 2012). Quand les statistiques contredisent les politiques de son gouvernement, ce seul homme réplique que «quelqu’un, quelque part, manipule les chiffres».(Radio-Canada.ca,21 juillet 2010.) C’est ce qu'il a déclaré à la suite de la publication d’un rapport du Centre canadien de la statistique juridique en 2010 démontrant que le taux de criminalité baissait au Canada. Le sénateur prétendait que des statisticiens canadiens manipulent les chiffres. Rien de moins !

Le sénateur est un grand raisonneur. En 2010, appuyant la position conservatrice pour l’abolition du registre des armes à feu, il déplorait la baisse spectaculaire du nombre de chasseurs dans notre province en l’expliquant par l’urbanisation et le nombre croissant de mères monoparentales : «la chasse n’est plus une tradition transmise de père en fils» déplorait-il. Un drame selon lui puisque la diminution de chasseurs «a un impact direct sur le nombre d’accidents de la route parce que les chevreuils et les cerfs vont frapper les voitures» (La Presse, 30 mai 2010)


 Silence, on légifère! Un barrage d’artillerie pour préparer les esprits aux nouvelles lois.

 

 Au moment même où le gouvernement Harper offrait les plus belles tribunes à ce raisonneur, il muselait les scientifiques à l’emploi de l’État canadien et refusait d’entendre juristes et criminologues.


Comme le rappelait Charles Côté dans La Presse du 17 février 2012 : «trou dans la couche d’ozone en Arctique, virus touchant le saumon, même une inondation survenue il y a 14,000 ans, il semble que toute la science est désormais politique au Canada». Ordre des conservateurs, les savants doivent obtenir l’autorisation du gouvernement fédéral pour accorder des entrevues. » Mais quel est ce funeste savoir qu'il faut cacher ? Les nombreux fondamentalistes au pouvoir craindraient-ils que les femmes et hommes de science de notre pays ne décrivent une situation géologique antérieure à Adam et Ève ?

La situation est telle qu’en avril dernier, une plainte a été déposée par l’Environmental Law Clinic de l’Université de Victoria et Democraty Watch en vertu de la Loi sur l’Accès à l’Information auprès de la Commissaire à l’Information. Ainsi qu’on peut le lire sur le site du Commissariat à l’Information : «la plainte allègue que les politiques gouvernementales et instruments de politique, incluant les politiques institutionnelles, protocoles, lignes directrices et directives, qui portent sur les communications et les relations avec les médias, et qui limitent ou interdisent les scientifiques employés par le gouvernement de communiquer ou partager leurs recherches avec les médias et le public canadien, entravent le droit d’accès à l’information protégé par la Loi. Les sept institutions visées par cette enquête sont :

Agence canadienne d’inspection des aliments
Ministère de l’Environnement
Ministère des Pêches et Océans
Ministère de la Défense nationale
Ministère des Ressources naturelles
Centre national de recherches Canada
Secrétariat du Conseil du Trésor

Il y a dans l’attitude de nos dirigeants fédéraux quelque chose de vicieux et délétère. C’est une honte nationale que ce mépris pour le savoir qui ébranle notre réputation internationale et s’apparente à l’obsédant contrôle des pays totalitaires. C’est ainsi que le Canada se classait derrière des pays comme le Nigeria, le Nicaragua, la Colombie et l’Angola à l’indice Global Right to Information en 2012 ! Comme le rappelait Lysiane Gagnon (La Presse, 27 avril 2010) «cette culture obsessionnelle du secret a atteint une dimension pathologique qui n’est pas loin de la paranoïa».

Ces opérations sont un barrage d’artillerie pour préparer les grandes opérations du gouvernement Harper, dont sa réforme du droit criminel. Cette cachotterie est un hommage que le faux rend au vrai. Mais la stratégie a parfaitement réussi. Il faut non seulement mettre rapidement ce gouvernement hors d’état de nuire davantage, mais s’assurer que celui qui le remplacera partira à la reconquête de la réputation du Canada en ramenant l’État canadien à ce qu'il était avant l’arrivée au pouvoir des conservateurs.

Exit Harper !


Jocelyn Giroux

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