Le vent d'automne

Albert Lozeau
J'entends le vent, le vent glacé d'automne, gémir dans les branches, - ou-ou-ou-ou ... Et je songe aux ballades de la vieille Allemagne qui parlent de châteaux croulant sur de hautes montagnes.

Le vent secoue les persiennes, comme s'il voulait entrer se réchauffer près du poêle de la cuisine, sur lequel de l'eau bouillonne.

Au bout extrême des branches, de petits bouquets de feuilles résistent en s'agitant. Demain, tous les arbres seront nus, peut-être, car ce vent finira par avoir raison des feuilles courageuses qui luttent.

En dépit des souffles forts, le brouillard persiste; lui aussi, cependant, s'évanouira; il fondra, et le soleil dorera les maisons lointaines qu'on n'aperçoit plus aujourd'hui. Le vent est le maître de tout. Il use les énergies, il lasse les résistances obstinées et, lorsqu'il en a le désir, il fait craquer la maison de la base au faîte.

Chez nous, le vent est rarement méchant. Il ne cherche pas à effrayer; il berce les érables et les pensées; il bouscule les feuilles mortes, et les enlève pour les promener dans le ciel. Ses gémissements ne sont pas lugubres, - un peu tristes parfois, et le vent possède la grâce souveraine des rythmes puissants et doux.

Il vient d'ouvrir ma porte et de disperser mes paperasses; je ne me suis pas fâché, mais je l'ai mis dehors, chez lui. Bien que je l'aime, je ne le souffre pas dans ma chambre, hormis les jours d'été : il est trop brouillon et ressemble à un enfant fureteur.

Oh ! quelle bonne caresse est la sienne quand il vous enveloppe dans la rue, et vous pousse dans le dos comme avec des mains ! Son amabilité cesse en temps de pluie : doit-on lui en tenir rigueur?

J'aime le vent d'automne : il accompagne d'un accord monotone la mélodie de mon rêve, et cadence harmonieusement ma pensée. Il est comme la respiration de l'air, la musique du monde; il tourne, il vole tel qu'un oiseau rapide, et se précipite où nous allons tous : dans l'infini !

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