North Hatley: cent ans d'histoire

Hélène Laberge
L'histoire de North-Hatley à travers celle de quelques grandes familles: les Edgar, Virgin, Le Baron, etc.
Le destin de North Hatley est lié à une synergie entre quelques familles, dont les LeBaron et les Virgin. Mais avant de nous y arrêter, évoquons les débuts de ce village qui célèbre cette année son centenaire. C'est en 1792 que le lac Massawippi a été découvert par un Américain du Connecticut, le capitaine Ebenezer Hovey. Les Abénakis avaient des campements autour du lac. La même année, les Cantons de l'Est étaient ouverts à la colonisation par le lieutenant-gouverneur du Québec, Aured Clarke, et attiraient de nombreux Américains à la recherche de terres fertiles et bon marché. Quelques noms que portent toujours leurs descendants: Cull, dont la maison construite en 1806 existe toujours, ouvrit sa vaste bibliothèque de 500 livres à la communauté; Fish, Wadleigh, Davies, Abbott, Green, Williams, Johnson, Hovey, Tyler, Jackson, Little, Reed, Hawse et Le Baron.

Ce nouveau canton fut baptisé Hatley, du nom d'un village d'Angleterre. La première source de revenu fut la potasse mais d'autres métiers furent exercés, qui contribuèrent à la prospérité de la région: fabriques de beurre, moulins à farine (le restaurant Halin s'est installé dans un de ces moulins), forges, boucheries, agriculture, etc.

Le magnifique Connaught Home, maintenant centre d'accueil pour personnes âgées, fut construit à la fin du XIXe siècle par un médecin, le docteur Charles Edgar, lequel joua un rôle important dans le développement de la communauté: lorsque North Hatley obtint le statut de ville en 1897, il en fut le premier maire. À la même époque était inauguré le chemin de fer Massawippi Valley: il reliait Newport au Vermont, à Lennoxville au Québec. Ce mode de transport a permis la grande migration touristique des Américains du Sud vers North Hatley: la petite histoire raconte que durant la traversée des États du Nord, ils abaissaient les stores des wagons! Un vieux résident de Sherbrooke se souvenait de l'attraction qu'exerçait sur la population l'arrivée colorée du train au début de l'été. «On voyait débarquer des familles de sudistes accompagnées de domestiques noirs et de montagnes de bagages!» Ce sont ces sudistes qui ont construit les magnifiques maisons de style louisianais, ceinturées de grandes galeries, qui sont une des beautés de North Hatley. Le Hovey Manor est une copie de la maison virginienne de Washington!

Une autre particularité a été les quatre bateaux à vapeur qui ont sillonné le lac à partir de 1870: ils servaient à transporter passagers et marchandise aux résidences construites tout autour du lac; certains d'entre eux partaient d'Ayer's Cliff (alors nommé Ayer's Flat), situé à la limite Sud du Massawippi. Ils s'appelaient Pride of the Valley, May Flower (le propriétaire en était Plum Le Baron), Massawippi, et Pacahontas, surnommé Pokey.

Que sont devenues les vaillantes cabanes de bois rond qui ont servi d'abris aux premiers colons à la fin du XVIIIe ? Jusqu'à il y a une quinzaine d'années, l'une d'entre elles subsistait qui avait été intégrée à la merveilleuse maison des Virgin, sur le chemin qui porte leur nom, face à l'Auberge Hatley. Le feu a malheureusement détruit cette propriété dont les jardins secrets couraient le long d'un petit canal qui apportait sa fraîcheur aux convives l'été.

Les Virgin étaient des Américains qui avaient acquis un vaste domaine à North Hatley; ils se lièrent d'amitié avec les Le Baron, et en particulier avec Emily qui fut l'une des premières antiquaires à s'intéresser à l'art populaire québécois. Les Virgin furent mêlés à la vie culturelle de North Hatley; ils ont cédé un terrain pour la construction du théâtre d'été actuel, The Piggery. Toujours pour la petite histoire – qui est la seule vraiment intéressante! – de profonds liens d'amitié s'étaient développés entre Janet Virgin, Émily Le Baron et la restauratrice francophone Dame Jacqueline, malgré les divergences politiques qu'on devine!

Les descendants des LeBaron continuent à être très actifs: Joey Le Baron a repris l'épicerie qu'avait fondée son grand-père Roger en 1888 et a conservé le charme ancien de la bâtisse. Thés, biscuits et confitures importés d'Angleterre, cafés, fromages et pains choisis, boucherie de qualité en font un point d'achat gastronomique important. Et Naisie LeBaron, soeur de Joey, perpétue la tradition antiquaire de sa tante Émily dans une boutique, Pomme Grenade, pleine d'objets de tous les continents, qui font rêver.

North Hathley est aussi un haut lieu de la peinture naïve. Madame Jeannine Blais, propriétaire d'une galerie qui porte son nom, y organise depuis 1993 un concours international d'art naïf. Le peintre serbe Dragan fait partie de ceux que madame Blais est particulièrement fière d'exposer. Elle lui a récemment consacré un livre, écrit en collaboration avec monsieur Richard Dubé du Musée de la Civilisation de Québec.

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