L'art populaire une histoire des débuts

Art populaire

Une histoire des débuts

Un livre de François Tremblay

Compte-rendu de Hélène Laberge

Directeur fondateur du Musée de Charlevoix, François Tremblay a également fait carrière pendant vingt-cinq ans à la direction des expositions et des relations internationales du Musée de de la civilisation de Québec. Il nous livre une présentation remarquable de l’art populaire dans les Amériques et divers pays européens1.

Il s’agit d’une anthologie qui situe les œuvres dans leur contexte ethno historique; l’auteur a trouvé un équilibre subtil entre ce contexte et les Beaux-Arts. Leurs créateurs se sont le plus souvent formés eux-mêmes en maniant leurs pinceaux et leurs couleurs car le besoin de représenter, de fixer sur un support ce qu’on voit ou qu’on imagine est un besoin inné. Les fresques des grottes de Lascaux remontent à la préhistoire. Et leur perfection est un modèle d’art populaire!

On donne aussi l’étiquette d’artistes populaires à certains peintres dont les tableaux ont une facture naïve, mais qu’ils ont inventée par refus de se plier à un modèle plus classique. C’est le cas d’un Chagall par exemple. Le peintre populaire tel que décrit plus haut crée spontanément comme l’ont fait les sœurs Bolduc de Charlevoix.

C’est un équilibre entre le contexte ethno- historique et les œuvres plus achevées que F.T. a visé et merveilleusement réussi dans son ouvrage. Il a opté pour le mot art populaire plus englobant que celui d’art naïf. Comment ne pas lui donner raison? Car si certains peintres nous séduisent par leur naïveté et une méconnaissance des lois de la perspective, ou plutôt par une réinterprétation de ces lois, d’autres nous impressionnent par leur imagination fertile au-delà de la naïveté. C’est par excellence le cas du peintre français Henri Rousseau.  

Feuilleter Art populaire c’est être souvent ébloui page après page par le sens artistique qui a présidé à la mise en valeur des œuvres marquantes ou inconnues de nombreux pays : la France l’Égypte, l’Allemagne, les États-Unis, le Mexique, Haïti, la Croatie, la Serbie, etc. Pour ce qui est du Québec, F.T. rend hommage à sa rencontre avec l’artiste américain Patrick Morgan qui avait adopté la magnifique région de Charlevoix. : C’est sous sa gouverne, écrit-il, qu’il découvre l’art populaire de cette région « et qu’il devient conscient de l’importance culturelle de ce phénomène. »

Une importance telle qu’elle l’a conduit à rechercher la collaboration des divers musées et de certains collectionneurs au cours de ses voyages en Europe et aux États-Unis. Dans ses remerciements, la liste est longue.  Attardons-nous à ceux qui s’adressent aux Presses de l’Université Laval : « qui ont sans hésitation accepté de se faire les porteurs de ce projet ... Hélène Cormier l’éditrice et la graphiste Danielle Motard à qui nous devons la grande qualité du rendu de cette publication... ainsi que le photographe René Bouchard pour son excellent travail. »

Une traduction anglaise a été rendue possible grâce à la générosité de mécènes qui ont soutenu l’ensemble du projet mais souhaité demeurer anonymes: Popular Art A Continuing Story, traduction de Ken Howe et Grant Hamilton dont F.T. salue « l’élégant et rigoureux travail ». Le geste de ces mécènes « constitue un exemple remarquable de leur générosité mais aussi de considération pour les artistes, souvent sans voix, qui illuminent depuis toujours la vie quotidienne des peuples. »

La mise en page des œuvres a été l’objet d’une extrême attention; notre regard est constamment attiré, fasciné parfois par leur opposition ou leur juxtaposition. Il ne s’agit pas seulement de tableaux ou de portraits mais de toutes les façons dont l’art populaire se manifeste : sculptures, tissages, meubles, artisanat, photographies, cartes postales. À la fois fantaisie et liberté ont présidé au choix des œuvres toujours en nous signalant leur contexte historique.

F.T. dans ses Regards portés qui ouvre le livre décrit ce contexte  qui l’a conduit à cette mise en page : « L’art populaire ne naît pas. Il n’apparaît pas à un moment unique entièrement constitué. (...) Il s’agit d’un phénomène dont les origines en Occident ne sauraient être comprises que dans un phénomène international (...) une dynamique dont les vagues parcourent l’Europe et les Amériques depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale. » Comme si dans le même laps de temps, si on nous permet une extrapolation, avait surgi chez le peuple des régions un sentiment populaire d’attachement aux lieux et à ceux qui y vivaient, alors que la révolution industrielle avait commencé à les déraciner pour les jetés dans l’urbanité.

On doit à la curiosité infatigable de François Tremblay, à sa passion de l’art de nous révéler des tableaux des peintres inconnus en dehors du cercle restreint de leur pays, À tout seigneur tout honneur, au Québec, c’est au musée de Charlevoix que F.T. rend hommage en nous présentant ces artistes connus des Québécois et des touristes amoureux de cette région, les Bourgault, les sœurs Bolduc entre autres. Je pense aussi à ce peintre huron du XIXe siècle, Zacharie Vincent à l’impressionnant auto portrait et à ceux d’une imagination foisonnante de Haïti et du Mexique.

Cette histoire unique a un prix avoisinant les soixante dollars... Grâces en soient rendues aux dons généreux des mécènes. Je termine avec le regret de ne pas être en mesure dans le contexte de cette Lettre de reproduire certaines des œuvres.

Note

1 Les Presses de l’Université Laval, tous droits réservés, 2018

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