Rationalisme

Enjeux

Dans un article intitulé Scientisme et pragmatisme, Jules de Gaultier oppose le rationaliste authentique, sceptique, conscient des limites de la raison, au rationaliste caricatural qui, tout en se prétendant homme de science, se comporte comme cet homme de croyance qu'il se flatte d'avoir dépassé. La figure emblématique de ce faux rationaliste, c'est monsieur Homais, l'un des nombreux personnages qui incarnent la stupidité dans Madame Bovary de Flaubert. C'est, admet-il, au second que l'on pense d'abord quand on entend le mot rationaliste

«Pour qui sait reconnaître sur les physionomies l'air de famille qui apparente les individus d'un même type, Homais tiré à des millions d'exemplaires à chaque génération de notre société contemporaine a sur toutes les faces le même sourire dédaigneux pour les dogmes des religions et, selon son milieu, selon son niveau, selon ses tendances, selon le hasard des influences, témoigne en même temps de toutes les formes de la crédulité. Il croit, pour des raisons tirées de la Raison, au Dieu du Vicaire Savoyard, il croit à une Providence anonyme, à une évolution dirigée par l'Idée, il croit à la Justice immanente, il croit surtout à la science, au progrès indéfini qui sera réalisé par elle; Homais idéalisé, il est enfin le héros idéologique qui croit à la Vérité toute seule, à la Vérité scientifique qui brise toutes les croyances de ses frères en Raison, toutes ces croyances qui furent ses propres étapes. Une telle attitude est une forme du rationalisme. C'en est une forme schismatique, mais elle est si prépondérante qu'elle a gardé pour elle le nom de la notion qu'elle a déformée et, qu'en fait, le rationalisme ne s'entend guère s'il n'implique l'hérésie de ceux qui font de la raison un moyen d'atteindre la vérité absolue. »
Revue de philosophie, 1911.

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