Idéal

Idéal, inaccessible étoile! L'étoile, symbole parfait de l'idéal, est aussi sa meilleure définition. L'étoile, soleil lointain, indique la voie à suivre et donne l'énergie requise pour s'y engager. Tel est le rôle de l'idéal dans la vie humaine.

L'idéal est l'Idée de Bien aux couleurs de chacun. Chacun a son idéal, chacun a son étoile.

Précisément parce que nous projetons nos couleurs en lui, l'idéal enferme souvent un mensonge à soi-même. «Nous nous flattons de la créance que nous quittons nos vices alors que ce sont nos vices qui nous quittent», écrit La Rochefoucauld à propos du retour des vieillards à la vertu. À quoi Nietzsche et les autres maîtres du soupçon feront écho avec une efficacité telle que l'idéal lui-même sera discrédité en même temps que ses caricatures. «Notre idéal c'est notre lacune» (Nietzsche). Mais si l'idéal n'existe pas, de quoi ses caricatures vous privent-elles donc, répliquera le sage.

«Qui poursuit, suit », dira le même Nietzsche. L'acharnement contre l'idéal, d'autant plus contradictoire qu'il est plus violent, est la plus belle preuve de sa nécessité et de sa transcendance.

Chacun a son étoile, mais chaque étoile est néanmoins un aspect de la lumière absolue. Ce qu'a bien vu le poète français le plus lucide, Paul Valéry.

«Et comme las de son pur spectacle,
Dieu lui-même a rompu l'obstacle
De sa parfaite éternité;
Il se fit celui qui dissipe
En conséquences son principe
En étoiles son unité.»

Il est permis de lire le mot idéaux à la place du mot conséquences.

Comment savoir si mon idéal est ma lacune ou ma vérité? «L'idéal cesse d'être masque à mesure qu'il devient blessure», répond encore le sage. (G.Thibon)

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Essentiel

«L'idéal est tout aussi irréalisable que le rêve, mais, à la différence du rêve, il a rapport à la réalité; il permet, à titre de limite, de ranger des situations ou réelles ou réalisables dans l'ordre de la moindre à la plus haute valeur.»

SIMONE WEIL, Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale.

Enjeux

L'idéal individuel après l'effondrement d'une civilisation qui imprégnait toutes les institutions.

«Aucun autre idéal n'est proposé à l'homme moderne que la "recherche du bonheur", aucune autre voie pour y parvenir que celle de la soumission à l'impératif productiviste. Certes, la référence aux règles morales traditionnelles n'est pas disparue : la « vertu » reste à l'ordre du jour. Il n'est pas plus recommandé de tuer et de voler qu'autrefois. Si l'on est devenu plus permissif dans le domaine des relations interpersonnelles, la fidélité à un seul partenaire à l'intérieur du couple hétérosexuel reste l'idéal favorisé et encouragé. Cependant, chacun pourrait se demander : est-ce que j'obéis à ces normes de comportement conformément à un idéal de réalisation humaine qui m'est proposé et auquel j'adhère, ou est-ce que je m'y soumets par conformisme social, sens de l'intérêt personnel bien compris, c'est-à-dire, au fond, simple opportunisme?

A partir du moment où une civilisation n'est plus portée au-delà d'elle-même par quelque idéal transcendant et où l'adhésion à cet idéal n'imprègne pas toutes les institutions, les règles morales auxquelles elle continue néanmoins de se référer sont dépourvues de fondement. Elles n'ont plus d'autre signification qu' "horizontale", en tant que règles de fonctionnement social susceptibles de favoriser l' "adaptation" de l'individu à une civilisation désormais placée sous l'égide d'un impératif devenu universel, celui de produire à tout prix pour parvenir au maximum de bien-être, désormais confondu avec le bonheur.

Aussi la référence aux règles morales traditionnelles, dans un tel contexte, apparaît-elle piégée. Elle instaure le règne du "comme si " et le cautionne tout à la fois. On fait comme si ça continuait comme avant, comme s'il n'y avait
pas eu de cassure, comme si le sens de la transcendance qui fondait quand même tout l'édifice de la civilisation ne s'était jamais absenté. Aussi l'apparition d'individualités qui se sentent différentes ne saurait-elle être interprétée dans le sens où elle l'était traditionnellement. Le malaise éprouvé par certains manifeste l'insatisfaction ressentie face à une civilisation dépourvue d'idéal, d'au-delà, et exprime confusément le désir d'"autre chose" qu'il est difficile de loger sous un "nom" ou une "valeur" qui existent déjà. On éprouvera une inquiétude d'abord sans objet et sans cause apparente, le plus souvent dépourvue de toute nostalgie à l'égard du passé : ce n'est pas d'un "retour" à un état antérieur représenté comme plus élevé et plus riche qu'il est question. La rupture avec ce qui fut est maintenant trop profonde pour que l'individu sensible en quête de lui-même puisse réellement songer à revenir à ce qui fut. Cependant, relativement à l'"idéal" porté par la civilisation actuelle qui se ramène à l'impératif productiviste et à la poursuite du bien-être identifié au bonheur, ce malaise, cette inquiétude ne se situent pas sur la pente de la déchéance, mais au contraire traduisent un désir d'élévation, répondant à une exigence. Cette exigence cependant ne revêt pas la forme d'un idéal connu : elle reste confuse et anonyme. Elle est une tentative de donner forme à une nébuleuse de désirs, d'aspirations, de penchants et de goûts, d'aspirations, de penchants et de goûts qu'il est difficile d'identifier. S'il s'agit d'idéal, c'est en un sens qui le rapprocherait de ce que l'individu éprouve au fond de sa sensibilité.»

Michel Morin, Mort et résurrection de la loi morale, Édition HMH, Montréal 1996, p.37.

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