Blanchiment


"D'un point de vue juridique, le blanchiment des capitaux est défini comme toute tentative visant à participer à une transaction monétaire qui met en jeu des biens d'origine illicite. Pour obtenir une condamnation, le ministère public doit démontrer que l'accusé s'est livré à des transactions financières, ou qu'il a transporté des fonds d'un pays à un autre, en rapport avec «une activité illicite précisée». La liste de ces activités est extrêmement longue; elle inclut notamment les pots-de-vin, la contrefaçon de monnaie, le trafic des stupéfiants, l'espionnage, l'extorsion, la fraude, le meurtre, les rapts, l'escroquerie et certaines pratiques bancaires."

Paul Bauer et Rhoda Ullmann, Comprendre le cycle du blanchiment des capitaux, in "La lutte contre le blanchiment des capitaux", Perspectives économiques. Revue électronique du département d'État des États-Unis, vol. 6, no 2, mai 2001

Autre définition:

"De nombreux actes criminels visent à générer des bénéfices pour l’individu ou le groupe qui les commet. Le blanchiment de capitaux consiste à retraiter ces produits d’origine criminelle pour en masquer l’origine illégale. Ce processus revêt une importance essentielle puisqu’il permet au criminel de profiter de ces bénéfices tout en protégeant leur source.

Les ventes illégales d’armes, la contrebande et les activités de la criminalité organisée, notamment le trafic de stupéfiants et les réseaux de prostitution, peuvent générer des sommes énormes. L’escroquerie, les délits d’initiés, la corruption ou la fraude informatique permettent aussi de dégager des bénéfices importants, ce qui incite les délinquants à «légitimer» ces gains mal acquis grâce au blanchiment de capitaux."

Le blanchiment de capitaux: qu'est-ce que c'est?, Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI)

Aperçu des modalités du blanchiment des capitaux

"Le blanchiment s'effectue en trois étapes, qui se chevauchent parfois: il s'agit du placement, de l'empilement et de l'intégration. La première phase - celle du placement - consiste à convertir les fonds de façon à en masquer l'origine illicite. Par exemple, les recettes tirées du trafic des stupéfiants se présentent essentiellement sous forme de petites coupures, qui sont plus encombrantes et plus lourdes que la drogue elle- même. Il convient donc de les convertir en billets de banque de plus grande valeur, en chèques ou en d'autres instruments monétaires négociables, ce qui se fait souvent en passant par des entreprises qui manipulent beaucoup d'argent liquide (tels les restaurants, les hôtels, les sociétés de gestion de distributeurs automatiques, les casinos, les laveries de voitures) et qui peuvent servir de couverture.

Pendant la phase de l'empilement, le blanchisseur entreprend une série de transactions financières complexes destinées à éloigner les fonds de leur source. Par exemple, ceux qui ont de grosses sommes à blanchir créent des entreprises fictives dans des pays qui sont réputés soit pour avoir des lois strictes en matière de secret bancaire, soit pour appliquer avec laxisme celles qui régissent le blanchiment. Les fonds d'origine douteuse sont ainsi transférés d'une société à l'autre jusqu'à ce qu'ils aient une apparence légitime.

Ces manipulations doivent être déguisées pour se fondre sans se faire remarquer dans les transactions légitimes qui se déroulent tous les jours et qui portent sur des billions de dollars. Les «auto-prêts» et la double facturation sont des techniques courantes. Dans le premier cas, le blanchisseur dépose les fonds dans un établissement extraterritorial qu'il contrôle secrètement et il se consent ensuite un prêt à lui-même. Cette technique est efficace, parce qu'il est difficile de découvrir, dans certains pays, qui contrôle effectivement les comptes extraterritoriaux. La double facturation est une escroquerie qui permet de faire passer des capitaux d'un pays à un autre avec l'aide d'un établissement extraterritorial, chargé de tenir deux livres de comptabilité: pour faire entrer des fonds «propres» aux États-Unis [ou dans tout autre pays] , l'entreprise américaine [ou de tout autre pays] grossit le prix des biens ou des services indiqués sur la facture; pour faire sortir des capitaux (en vue de se soustraire à la fiscalité, par exemple), c'est elle qui est surfacturée.

D'autres techniques d'empilement consistent à faire des achats coûteux (valeurs mobilières, voitures, avions, titres de transport, etc.) en les enregistrant au nom d'un ami pour éloigner encore davantage les fonds de leurs origines illicites. Les blanchisseurs font parfois appel aux casinos parce que ces établissements manipulent l'argent liquide en grande quantité. Une fois convertis en jetons, les fonds ne se distinguent pas des gains amassés aux tables de jeu ; il suffit ensuite de les échanger contre un chèque tiré sur la banque du casino.

La dernière phase, celle de l'intégration, est la plus payante pour le blanchisseur. À ce stade, il est en mesure d'investir les fonds dans des activités économiques légitimes, qu'il s'agisse d'investissements commerciaux, de l'acquisition d'immeubles ou de l'achat de produits de luxe."

Paul Bauer et Rhoda Ullmann, Comprendre le cycle du blanchiment des capitaux, in "La lutte contre le blanchiment des capitaux", Perspectives économiques. Revue électronique du département d'État des États-Unis, vol. 6, no 2, mai 2001

Où blanchit-on des capitaux?

"Comme le blanchiment de capitaux est la conséquence logique de pratiquement toute activité criminelle générant des bénéfices, il peut intervenir pratiquement partout dans le monde. Généralement, les blanchisseurs ont tendance à rechercher des zones dans lesquels ils courent peu de risque de détection en raison du laxisme ou de l’inefficacité du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux. Comme l’objectif du blanchiment de capitaux consiste à faire revenir les fonds d’origine illégale vers l’individu qui les a générés, les blanchisseurs préfèrent généralement faire transiter les fonds par des zones dotées de systèmes financiers stables.

L’activité de blanchiment de capitaux peut aussi présenter une concentration géographique en fonction de la phase dans laquelle se trouvent les fonds blanchis. Dans la phase du placement, par exemple, les fonds sont généralement traités dans des zones relativement proches de celle où intervient l’activité criminelle ; souvent, même si ce n’est pas toujours le cas, c’est dans le pays d’où proviennent les fonds.

Dans la phase d’empilement, le blanchisseur peut choisir un centre financier extraterritorial, un grand centre d’affaires régional ou encore un centre financier de dimension mondiale – bref tout lieu doté d’une infrastructure financière et commerciale convenable. Au cours de cette phase, les fonds en cours de blanchiment peuvent aussi plus simplement passer par des comptes bancaires ouverts en des lieux divers lorsque cela ne laisse pas de trace quant à leur source ou à leur destination finale.

Enfin, dans la phase d’intégration, les blanchisseurs peuvent décider d’investir les fonds blanchis dans d’autres lieux s’ils ont été générés dans des économies instables ou des endroits offrant peu de perspectives de placement."

Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI)

Enjeux

"Comme les malfaiteurs ont tout intérêt à dissimuler leurs activités, on ne connaît pas précisément le volume total du blanchiment des capitaux, mais le Fonds monétaire international le situe dans une fourchette allant de 2 à 5% de la production mondiale. Selon une autre estimation, celle du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (qui a été créé par le groupe des Sept), ce montant oscillerait entre 300 et 500 milliards de dollars à l'échelle mondiale. D'après le magazine Business Week, c'est 2 milliards de dollars qui sont injectés chaque jour dans l'économie des États-Unis ; dès lors, il est aussi difficile de débusquer un blanchisseur que de trouver une aiguille dans une botte de foin. [...]

Le cycle mondial de la circulation des capitaux

"Dans le système financier mondial tel qu'il évolue de nos jours, on peut transférer instantanément des fonds d'un pays à un autre, ce qui met en évidence l'importance de la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment. En 1989, le groupe des Sept a institué le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), auquel il a confié la tâche de formuler des stratégies propres à réprimer cette activité. Dans l'année qui a suivi, le GAFI a rendu publiques ses «quarante recommandations», lesquelles incitent ses pays membres à s'entraider en matière d'enquêtes sur le blanchiment, à éviter de promulguer des lois sur le secret bancaire qui pourraient être préjudiciables à ce genre d'enquêtes, à incriminer le blanchiment et à porter les transactions suspectes à la connaissances des autorités compétentes.

Il reste encore beaucoup de pays qui ne participent pas au GAFI, alors même que ce dernier concerne au premier chef les grands centres financiers d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie. En juin 2000, le groupe de travail a rendu publique la liste de 15 pays qui souffrent de «problèmes systémiques graves». En juillet, les ministres des finances des Sept ont alors proposé un plan visant à persuader ces pays de coopérer : ils les ont menacés de bloquer leur accès au système bancaire international - ainsi qu'aux crédits du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale - s'ils ne participaient pas de manière plus active à la lutte contre le blanchiment. En outre, les institutions financières privées qui sont domiciliées dans les pays du groupe des Sept seront averties que les transactions réalisées avec les pays ou territoires non coopératifs feront l'objet d'une surveillance intense."

Paul Bauer et Rhoda Ullmann, Comprendre le cycle du blanchiment des capitaux, in "La lutte contre le blanchiment des capitaux", Perspectives économiques. Revue électronique du département d'État des États-Unis, vol. 6, no 2, mai 2001


"Le Forum de stabilité financière (FSF) a été créé en 1999 par le G7 pour trouver des parades aux dangers que font courir les paradis fiscaux, les fonds spéculatifs et certaines transactions à court terme au système financier international.

Le FSF a dressé une liste de 42 Etats ou entités qualifiés de «paradis fiscaux», classés selon leur degré de coopération avec les autorités de régulation financière au titre de la surveillance prudentielle. Cette liste - qui distingue entre les pays qui coopèrent avec ces autorités, ceux qui sont «moyennement» coopératifs et ceux qui ne coopèrent pas - ne tient pas compte du degré de coopération judiciaire ou policière de ces territoires, où il est très facile de placer discrètement son argent. Cet aspect est pourtant fondamental dans la lutte contre le blanchiment de l'argent sale et rétrograderait probablement certains pays européens bien classés dans la liste du Forum.

Le premier groupe, dont le niveau de coopération est jugé satisfaisant, est composé de Hongkong, Luxembourg, Singapour, la Suisse, la ville de Dublin (Irlande), les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey et l'île de Man. Les pays faisant partie de ce groupe disposent, selon le Forum, d'un système de réglementation de « bonne qualité » et supérieur à celui des autres paradis fiscaux.

Le deuxième groupe, dont la coopération est « moyenne », est composé d'Andorre, du Bahreïn, des Barbades, des Bermudes, de Gibraltar, de Lubuan (Malaisie), de Macau, de Malte et de Monaco.

Enfin le troisième groupe, le plus déficient sur le plan de la réglementation et de la surveillance financière, est composé des îles Anguille, d'Antigua et Barbuda, d'Aruba, de Belize, des îles Vierges, des îles Cayman, des îles Cook, du Costa-Rica, de Chypre, du Liban, du Liechtenstein, des îles Marshall, de l'île Maurice, de Nauru, des Antilles néerlandaises, de Niue, de Panama, de Saint-Kitt et Nevis, de Sainte Lucie, de Saint-Vincent, des îles Grenadines, de Samoa, des Seychelles, des Bahamas, Turquoise et Caicos et du Vanuatu."

Délinquance financière et blanchiment des capitaux. Mission d’information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe (10 octobre 2001). Assemblée nationale de la République française. Rapporteurs: Vincent Peillon et Arnaud Montebourg

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