Basile le Bienheureux

1464-1552

 

 

Voici l'opinion d'André Gouzes sur Basile le Bienheureux.

« C’est à lui qu'est dédiée la fameuse église invraisemblable, toute tourbillonnante, sur la place Rouge. Basile le Bienheureux vivait dans la condition des stylites, de ces fous du désert. Il se baladait tout nu avec une grande barbe dans la ville de Moscou. Il y avait alors des descentes de la police, une espèce de milice qui était un mélange de Gestapo et de Mafia, dans les quartiers pauvres pour humilier les pauvres gens, pour les tenir sous le knout. Ces nervis s’en prenaient en particulier aux prostituées : ils brûlaient leurs maisons et ils les rançonnaient. Le lendemain, Basile le Bienheureux installait des icônes sur les ruines calcinées, allumait des cierges, chantait des hymnes, encensait les prostituées, les canonisait en disant que c’étaient elles qui nous précédaient dans le Royaume des cieux. Je pense à une scène reprise dans Ivan le Terrible de Eisenstein : ce saint arrive au milieu de la cour du tsar pendant le carême, dégoûtant, des poils partout, dans cette ambiance extraordinaire — tous sont fous, à commencer par le tsar! Le saint rugit comme un lion. Il attrape sur la table un morceau de viande saignant, il mord dedans, ça dégouline. Il dit au tsar : « Tu fais le carême comme un pharisien. Vois-tu ce sang qui coule de la viande que je mange? C’est le sang de ton peuple qui ruisselle quand tu le persécutes. » Et il se met à rire aux éclats, comme un fou, J'adore cette manière de faire : c’est du théâtre, c’est la folie de Dieu qui devient la dramaturgie de l’histoire. Tout a coup, tout prend sens. Le sens se révèle dans cet excès. Le sens est peut-être dans l'excès du réel, C’est pour ça que les vies plates seront toujours fatiguées avant d'avoir seulement cherché du sens.

Source: André Gouzes, Le Chant du Coeur, conversation sur la foi, Édition du Cerf, Paris 2003. P.95

P.S.

Le Fol en Christ (jurodivyj) est un type de saint particulièrement populaire en Russie, qui par sa folie simulée dénonce la prétendue sagesse du monde et la conduite des puissants. Le plus célèbre d’entre eux, Basile le Bienheureux, a donné son nom à la cathédrale située sur la Place Rouge.

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