Altruisme

"L’altruisme n’exige pas la déprise, l’anéantissement, la dépossession de soi, le désintéressement sacrificiel qui s’abandonne à une altérité radicale (Dieu, la loi morale ou autrui). L’abandon, la déprise de soi, est au contraire l’un des chemins qui mènent le plus sûrement l’individu à la soumission, à l’obéissance aveugle et à la servilité. Seul celui qui s’estime et s’assume pleinement comme un soi autonome peut résister aux ordres et à l’autorité établie, prendre sur lui le poids de la douleur et de la détresse d’autrui et, lorsque les circonstances l’exigent, assumer les périls parfois mortels que ses engagements les plus intimement impérieux lui font courir.

À la définition de l’altruisme comme désintéressement sacrificiel qui exige l’oubli, l'abnégation de soi en faveur d’autrui – définition que la tradition morale et religieuse a presque unanimement consacrée –, les résultats des recherches entreprises sur ce sujet nous invitent à substituer celle-ci : l’altruisme comme relation bienveillante envers autrui qui résulte de la présence à soi, de la fidélité à soi, de l’obligation, éprouvée au plus intime de soi, d’accorder ses actes avec ses convictions (philosophiques, éthiques ou religieuses) en même temps qu’avec ses sentiments (d'empathie ou de compassion), parfois même, plus simplement encore, d’agir en accord avec l’image de soi indépendamment de tout regard ou jugement d’autrui, de tout désir social de reconnaissance. L’altruisme comme relation cohérente entre les formes de sympathie éprouvées et les principes éthiques, parfois religieux, de l'obligation de secours, une cohérence qui se traduit par des actes effectifs (et allant bien au-delà de la simple intention), comme respect de soi reposant sur cette cohérence maintenue par l’image de soi, tels sont les aspects principaux de la nouvelle définition que nous voudrions avancer." (Michel Terestchenko, Michel. Un si fragile vernis d’humanité. Banalité du mal, banalité du bien)

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