Desjardins Alphonse
"L'Amérique doit beaucoup à Alphonse Desjardins. Le fondateur des caisses populaires en Amérique est né à Lévis, au Québec, en 1854. Troisième enfant d'une famille nombreuse disposant de peu de moyens matériels, il connut jeune la privation, ce qui suscita chez lui le vif désir de modifier cette situation. Bien qu'ayant brièvement fréquenté le Collège de Lévis, son idéal de justice sociale et de solidarité nouvellement forgé ne le quitta jamais. Cet homme de principes, jeune et idéaliste, s'engagea comme volontaire dans l'armée canadienne et fut stationné à Fort Garry, au Manitoba, où pesait la menace de sécession du Canada d'un territoire plus grand que celui de la république américaine nouvellement formée. Il croyait au partage des risques et des ressources sur un immense espace où la population clairsemée devait compter sur les uns et les autres pour vivre, voire pour survivre.
De retour au Québec, fidèle à son idéal de justice, Desjardins devient journaliste. En 1879, il obtient un emploi contractuel à la législature du Québec où il rapporte les débats pendant onze ans. En 1890, le premier ministre Honoré Mercier lui demande de modifier le compte rendu officiel, ce à quoi s'oppose Desjardins, invoquant la fidélité de ce qui doit être rapporté dans les journaux officiels et qui constitue l'essentiel de l'histoire législative du pays. Son respect de la liberté et sa probité lui coûtèrent son emploi. Desjardins retourna au journalisme un certain temps pour finalement devenir rapporteur des débats français à la Chambre des communes d'Ottawa en 1892, poste qu'il occupera pendant plus d'un quart de siècle.
Étant donné que les sessions parlementaires étaient de courte durée à cette époque, le jeune Desjardins en profita pour compulser tous les ouvrages européens traitant de coopération et les grands écrits américains à portée sociale.
Après plusieurs années de recherche et de mûre réflexion, il fonde la première caisse populaire à Lévis, au Québec, en 1900. Selon la loi provinciale de l'époque, Desjardins doit assumer personnellement les risques afférents aux dépôts des sociétaires. Ainsi, les déposants ne sont pas nombreux au tout début, mais l'idée de la coopération et de l'égalité des sociétaires l'emporta sur la timidité, si bien qu'en peu de temps des caisses populaires furent créées dans les autres provinces et en Nouvelle-Angleterre. La scrupuleuse impartialité du sténographe et éditeur officiel des débats aura su établir la base d'une nouvelle institution financière: la confiance fondée sur une honnêteté absolue.
L'Amérique doit beaucoup à Alphonse Desjardins, dont les solides et pérennes valeurs constituent la pierre d'assise du développement d'un jeune continent appelé à un grand avenir. L'argent doit être au service de l'homme et non l'inverse!"
Pierre Savard, Bulletin Amérique, Assemblée parlementaire de la Francophonie, Région Amérique, vol. 3, no 1, mars 1993
"DESJARDINS (Alphonse) (1854-1920), journaliste, rapporteur officiel, fondateur des Caisses Populaires, commandeur de Saint-Grégoire.
Antoine Roy dit Desjardins, fils d'Olivier et de Catherine Boderge, qui habitaient la paroisse Saint-Jean du diocèse de Sens, dans l'Yonne, émigra au Canada et se maria à Québec, en 1668, avec Marie Major de Saint-Thomas de Lisieux. Leurs trois enfants, Pierre, Augustin, Jean-Baptiste sont les descendants des familles Roy-Desjardins et Laurier.
François Roy dit Desjardins, époux de Marie-Clarisse Miville dit Deschêne, eut une nombreuse famille. Alphonse naquit à Lévis le 5 novembre 1854, fit ses études au collège local et entra aux bureaux de rédaction de l'Écho de Lévis; plus tard, dans ceux du Canadien, propriété de son frère Louis-Georges et dirigé par M. Israël Tarte comme éditeur-en-chef. En 1879, M. Desjardins entreprit, à ses risques et périls la publication des débats de la Législature de Québec, poursuivant son travail l'espace de onze années. Le 9 juillet 1891, il fondait à Lévis l'Union Canadienne, journal quotidien, lequel portait pour épigraphe «Franc et Sans Dol et Avant tout soyons Canadiens». Mais pour des raisons de santé, le fondateur en suspendit la publication à la fin de l'année. Sa compétence et sa notoriété. le firent nommer, peu après, au poste de rapporteur officiel des débats à la Chambre des Communes à Ottawa, position qu'il a remplie jusqu'en 1917.
Ce fut à l'occasion d'un débat aux Communes, au sujet d'une loi proposée contre les taux usuraires, que M. Desjardins conçut le projet de fonder une Caisse Populaire à Lévis. En 1900, il correspondait avec les initiateurs de la même oeuvre en Europe, H. W. Wolf de Londres, S. Suzzani de Rome, Ch. Gide de Paris et la Direction de l'Action Populaire, de Reims. A travers des difficultés innombrables, son œuvre ébauchée, développée, s'est consolidée avant son décès à Lévis, le 31 octobre 1920: son épouse avait secondé ses héroïques efforts. Elle lui a mérité l'estime et la sympathie du gouverneur général, lord Grey, des hommes d'Etat, Laurier et Mackenzie King, des gouverneurs du Massachusetts et de Washington, des banquiers américains, des archevêques du Canada. Nulle décoration civique qui récompensât ses labeurs, seul le Pape l'a créé commandeur de l'Ordre de Saint-Grégoire.
Il avait épousé à Sorel, le 4 septembre 1879, Dorimène, fille de Joseph Desjardins et de Rosalie Mailhot, qui lui a donné dix enfants Raoul (1880), Anne-Marie (1881), mariée à M. Lamontagne, Edgar (1882), Alice (1884), Alphonse (1886), Adrienne (1888), religieuse, Albertine (1891), Paul-Henri (1893), Léon (1897), Charles (1902)."
Article "Alphonse Desjardins" du Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, moeurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, par Louis Le Jeune (Ottawa, Université d'Ottawa, 1931)